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Recours collectif autorisé contre Facebook pour l’utilisation d’un nom ou image dans ses « Sponsored Stories »

LaughingSquid

23 juin 2014
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La juge de la cour suprême de la Colombie-Britannique a récemment rendue sa décision autorisant le recours collectif intenté par la demanderesse contre Facebook, qui cherche à condamner ce dernier pour l’utilisation de profil de ses abonnés sans leur consentement. La décision très médiatisée, n’a évidement pas plu à Facebook, qui compte porter la décision en appel. Selon la demanderesse, Mme. Douez,  Facebook a enfreint la loi sur la vie privée de la Colombie-Britannique, dans sa pratique des formats d’annonces publicitaires « Sponsored Stories » (actualités sponsorisées). Bien que Facebook ait déjà supprimé les Sponsored Stories le 9 avril dernier, les faits en cause dans cette affaire remontent depuis son introduction en janvier 2011. D’ailleurs, Facebook a su régler un recours collectif aux États-Unis, portant également sur les Sponsored Stories, mais qui fait encore l’objet de contestations par certains particuliers qui ont porté l’autorisation du règlement en appel.

Dans cette affaire, la demanderesse Douez a invoqué l’article 3(2) de la loi sur la vie privée de la Colombie-Britannique, qui interdit l’utilisation du nom ou image d’une personne dans une publicité sans le consentement de cette dernière, comme fondement du recours contre Facebook. Les Sponsored Stories publiés sur Facebook, utilisaient le nom ou l’image d’un abonné Facebook pour promouvoir un produit/service d’une entreprise auprès de ses amis Facebook. Lorsque l’utilisateur Facebook cliquait sur l’icône « J’aime » au sujet d’une entreprise, un message publicitaire s’affichait sur le flux des amis de cet utilisateur, lequel mentionnait que l’utilisateur a aimé le produit/service, laissant ainsi croire que l’utilisateur encourage la vente du produit/service de cette entreprise. En sa défense, Facebook allègue que les utilisateurs ont consenti à cet usage, par l’entremise des modalités d’utilisation du site Facebook. De plus, elle invoque aussi une clause d’élection de for, dans laquelle il est prévue que tout litige entre l’utilisateur et Facebook sera entendu devant les tribunaux de Santa Clara County, dans l’état de la Californie, et sera soumis aux lois de l’état californien.

Dans un premier temps, la juge de la cour suprême de Colombie-Britannique a dû trancher sur le point de la validité de la clause d’élection de for ainsi que sur le droit applicable. La juge a déterminé que, basé sur une preuve prima facie, malgré que la clause était claire, valide, et applicable aux parties, la cour suprême de C-B demeure compétente, compte tenu de l’article 4 de la loi qui prévoit la compétence exclusive de cette cour. La compétence de la cour est également justifiée, compte tenu du caractère d’intérêt public de la loi qui vise à protéger la vie privée des Britanno-Colombiens. L’intérêt public de la loi s’infère, entre autres, du fait que la loi n’exige pas la preuve de dommage pour fonder un recours, autre que la contravention à celle-ci. La juge ajoute que le but dissuasif de la loi est renforcé, lorsque les tribunaux locaux sont saisis de la cause plutôt que les tribunaux étrangers. L’opposabilité de la clause d’élection de for et du droit applicable, aurait pour effet de priver les Britanno-Colombiens de toute protection conférée par la loi.

Sur le prochain point, Facebook allègue que l’article 3(2) de la loi devrait être interprété pour prohiber l’utilisation du nom ou image d’une personne sans son consentement, à condition que la publicité soit destinée pour des fins commerciales. L’article 3(2) prévoit que :

« It is a tort, actionable without proof of damage, for a person to use the name or portrait of another for the purpose of advertising or promoting the sale of, or other trading in, property or services, unless that other, or a person entitled to consent on his or her behalf, consents to the use for that purpose. » [soulignés ajoutés]

L’article 3(2) peut être lu de deux façons : soit que la publicité ou promotion, au sens de la loi, se définit par son objectif, soit pour les fins d’une vente ou autre forme de transaction; soit que la conjonction « ou » sert à séparer l’activité de publicité de celle de promouvoir la vente ou autre forme de transaction commerciale. Selon la première interprétation, le consentement serait requis pour la publicité lorsqu’elle est pour des fins commerciales, alors que dans la seconde interprétation, la publicité en soit requiert le consentement, qu’elle soit pour des fins commerciales ou non. Facebook est d’avis que la juge devrait retenir la deuxième interprétation, ce qui aurait pour effet d’exclure les réclamations contre les Sponsored Stories ayant servi à des fins non commerciales, telles que pour des œuvres de biens-faisances ou pour des fins politiques. La cour ne prend pas de position sur l’interprétation à préconiser, et préfère soumettre la question au juge de fond saisi du recours collectif.

Ensuite, Facebook allègue que la définition du groupe qui intente le recours est trop large, comme elle inclut également des abonnés Facebook qui auraient consentis à l’utilisation de leurs images ou noms. Selon cette interprétation de l’article 3(2), le fardeau de prouver l’absence de consentement reposerait sur la demanderesse, c’est-à-dire que les abonnés victimes des publicités Sponsored Stories n’ont pas consenti à l’utilisation de leurs images ou noms. Bien que la juge réserve la question du fardeau de la preuve au juge de fonds, la juge accepte tout de même la définition du groupe telle que définie par la demanderesse, puisque le fait d’imposer le fardeau de la preuve à la demanderesse aurait pour effet de priver des particuliers d’un recours en justice, alors que la question sur l’interprétation reste à être tranchée par le juge de fonds.

Dans d’autres nouvelles, Facebook a récemment lancé un autre service de publicité aux États-Unis qui permet aux commerçants de cibler plus précisément leurs publicités, en combinant les données obtenues par la navigation externe, avec les données de l’utilisateur Facebook. De plus, l’utilisateur Facebook aura la possibilité de voir les tags inclus dans une publicité ciblée, et pourra retirer les critères qui n’intéressent pas ce dernier. Facebook tente ainsi de concilier les intérêts des commerçants pour mieux rentabiliser leurs publicités, avec ceux de l’utilisateur qui voudrait recevoir des publicités personnalisées à son goût. Facebook insiste tout de même qu’elle ne communique aucun renseignement personnel aux publicitaires, à moins d’avoir obtenu le consentement de l’utilisateur, ou d’avoir supprimé le nom de l’utilisateur et autres informations qui pourraient servir à l’identifier.

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