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La régulation de l’utilisation civile des drones : qui est aux commandes?

Lima Pix

1 octobre 2014
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Il y a quelques jours la FAA (Federal Aviation Agency) accordait six exemptions à des compagnies de l’industrie du cinéma leur permettant l’utilisation de drones sur le sol américain. Qui dit exception, dit règle générale. En effet, la FAA interdit toute utilisation commerciale des drones dans l’espace aérien national.

Ces exemptions ont été obtenues après un fort travail de lobbyisme auprès de l’agence de la part de l’industrie cinématographique mais pas seulement. D’autres groupes qui ont vu le potentiel économique que pouvait renfermer l’usage des drones s’y sont aussi afférés. Mais ces lobbies demande plus, plus que de simples exemptions temporaires, ils demandent des normes claires et précises en la matière car il n’y en a pas.

Historiquement, la seule publication de la FAA qui concerne l’usage civil des véhicules aériens non habités (Unmanned Aerial Vehicles, UAV) date de 1981 et avait pris la forme d’une circulaire.

Cette « Advisory Circular » (AC 91-57) a mis en place des standards de sécurité pour les usagers de modèles d’avion, leur demandant de s’y conformer volontairement. Entre autres standards l’obligation pour celui qui opère un tel appareil d’obtenir un certificat spécial de navigabilité.  En février 2007, l’agence publie la notice 07-01 précisant  que tous les opérateurs civils d’UAV sont sujets à ces mêmes régulations, y compris les utilisations dans un but commercial. Aussi, elle y annonçait la possibilité de publier un document similaire  à l’AC 91-57 spécifique à l’usage civil des drones. Aucun document de la sorte n’a été publié à ce jour.

Cette absence de règles contraignantes a amené, le 06 mars 2014,  un juge administratif de la National Transportation Safety Board à annuler une amende imposée par la FAA à M. Pirker qui, en 2011, a utilisé un UAV au-dessus du campus de l’université de Virginia aux fins de prendre des images pour une publicité pour la faculté de médecine. Le juge Patrick Geraghty énonce dans sa décision que l’utilisation commerciale d’un drone n’est en aucun cas illégal car aucune règle de droit ne l’interdit expressément et de ce fait il a annulé l’amende de 10, 000$ imposée à M. Pirker.

Le juge a estimé que les lignes directrices invoquées par la FAA, afin de justifier l’amende, ne peuvent être considérées comme contraignantes car n’ayant pas suivi le processus officiel  de la FAA de mise en place d’une règle de droit et de surcroit ne concernant pas les UAV spécifiquement.

Donc nous nous retrouvons en présence, d’une part, d’usages qui viennent palier le silence de la loi (circulaire qui bannit l’utilisation commerciale  sur le sol américain), acceptés par des grandes compagnies comme celles d’Hollywood qui doivent obtenir des exemptions pour utiliser des drones dans le cadre de leur travail. Et d’autre part, une décision de justice qui ne reconnait pas le caractère obligatoire ou contraignant de telles règles informelles. La FAA ayant interjeté appel contre ce jugement, il faudra attendre la décision de la cour d’appel pour s’avancer plus mais cet état de fait nous amène à nous questionner sur l’autorité réelle de la FAA en matière d’utilisation commerciale des drones, en l’absence de véritables normes. Quelle valeur ont ces exemptions si des personnes, comme M. Pirker, peuvent utiliser des drones dans un but lucratif malgré l’interdiction en vigueur et sans craindre une quelconque sanction.

Notons aussi qu’en 2012, le Congrès américain a pressé la FAA de mettre en place un plan pour intégrer l’utilisation des drones dans l’espace aérien national, en posant comme date butoir le 30 septembre 2015 (SEC. 332. Integration of civil unmanned airccraft systems into national airspace system). Les choses devraient donc avancer prochainement aux États-Unis.

 Et pendant ce temps au Canada …

 … On régule aussi l’utilisation des drones et cela touche l’un des sports nationaux, la chasse!

Souvent en parlant d’utilisation d’UAV, on pense collecte de données, respect de la vie privée, droit à l’image, etc. Mais cette utilisation peut soulever d’autres préoccupations dont celle de la protection et de la conservation de la faune.

En effet, le recours aux drones lors de parties de chasse se répand et cela inquiète les autorités, du fait de l’injuste avantage que cela offre aux chasseurs  et du risque de voir les réserves naturelles en animaux sauvages diminuer dangereusement.

Même si la majorité des provinces canadiennes interdit déjà la chasse avec un quelconque véhicules, terrestre ou aérien, (Manitoba : article 22 de la  Loi sur la conservation de la faune, Ontario : article 24 (3) de la Fish and Wildlife Conservation Act). La Saskatchewan est allée plus loin en amendant récemment ses normes en la matière, à l’article 47, pour y interdire expressément l’usage des UAV à la chasse.

Notons aussi qu’au niveau fédéral le recours à des véhicules aériens non habités est régulé par Transport Canada, qui requiert que leur soit appliqué les mêmes standards de sécurité que ceux qui s’appliquent aux aéronefs habités.

En conclusion, l’encadrement juridique de ces drones est à la traine par rapport au rythme auquel se développe cette nouvelle technologie.

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