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Téléphone intelligent et empreinte digitale : protection accrue ou faille supplémentaire?

imore.com

10 novembre 2014
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Les téléphones Apple présentent une panoplie d’innovations à chaque nouvelle génération produite. L’un de ces gadgets, soit le lecteur d’empreintes digitales du iPhone, est trop vieux (1 an!) pour créer des remous sur la place publique, mais l’est suffisamment pour être l’objet de décisions de justice.

Plus précisément, cet élément voulant être une sécurité additionnelle semble être en fait une porte d’accès à l’information contenue dans le téléphone d’un individu accusé au criminel. En effet, un juge de la Circuit Court de l’État de Virginie a jugé qu’un individu peut être forcé à déverrouiller son téléphone intelligent si jamais ce dernier n’est verrouillé que par un lecteur d’empreinte digitale. L’empreinte digitale, selon le raisonnement du juge, est assimilable en matière de preuve à un échantillon d’écriture ou à un échantillon d’ADN, lesquels ne sont pas protégés par le 5e amendement de la constitution américaine (cet amendement protégeant les individus contre l’auto-incrimination). De fait, comme aucune divulgation de connaissances n’est requise de la part de l’accusé, le 5e amendement n’est pas applicable. Il en est autrement si, par exemple, le téléphone intelligent est protégé à l’aide d’un code à chiffres; pour l’obtenir, l’accusé devrait divulguer de l’information connue par lui seul, ce qui l’obligerait à s’auto-incriminer.

Ce raisonnement peut surprendre, mais n’est pas nouveau. En effet, dans le cadre d’une affaire de la Cour suprême américaine remontant à 1988 qui nécessitait la divulgation de documents bancaires par l’accusé, le juge Stevens, dissident dans cette affaire, a écrit qu’un accusé pouvait être forcé de divulguer des éléments matériels de preuve incriminants, tels que des empreintes digitales, des échantillons de sang, de voix ou d’écriture, etc. Il continue en indiquant :

« But can he be compelled to use his mind to assist the prosecution in convicting him of a crime? I think not. He may in some cases be forced to surrender a key to a strongbox containing incriminating documents, but I do not believe he can be compelled to reveal the combination to his wall safe — by word or deed. »

Nonobstant que les propos aient été tenus dans une dissidence, la majorité dans cette affaire a confirmé le raisonnement du juge Stevens. D’autres décisions de cours américaines sont venues indiquer que le 5e amendement protège l’accusé d’avoir à utiliser son intellect (his mind) pour s’auto-incriminer.

Cette conclusion implique qu’un individu qui protège le contenu de son ordinateur par mot de passe n’est pas obligé de le révéler aux forces de l’ordre, comme l’illustre cette affaire de 2009. Un individu accusé de possession de pornographie juvénile n’a pas été obligé de révéler son mot de passe, car il risquait de s’auto-incriminer ce faisant. Une décision similaire a été rendue en 2013 par un juge du Wisconsin, ce qui illustre à quel point le sujet est d’actualité.

Ainsi, pour en revenir au cas des téléphones intelligents, on assimile donc l’empreinte digitale à une simple clé qui déverrouille un coffre-fort, par opposition au mot de passe qui est quant à lui considéré comme une combinaison, cette dernière étant protégée par le 5e amendement. Ceci étant, advenant que la seule protection des informations soit le lecteur d’empreinte digitale, les forces de l’ordre pourraient y avoir accès, mais si un mot de passe a été privilégié comme système de déverrouillage du téléphone, l’information contenue par l’appareil reste hors de portée. On pourrait déduire de cette logique qu’un schéma de déverrouillage (swipe pattern) serait protégé, mais pas la reconnaissance faciale. Fait important à noter : une méthode protégée par le 5e amendement demeure a fortiori protégée même si elle est combinée à une méthode qui n’est pas protégée (par exemple, quelqu’un qui verrouille son téléphone à l’aide de son empreinte digitale et d’une combinaison à chiffres).

Notons aussi qu’il ne s’agit pas d’une décision de la Cour suprême et que jusqu’à ce que le plus haut tribunal américain rende une décision sur le sujet, les nombreux tribunaux de nos voisins du sud risquent d’avoir de nombreux avis sur la question. À suivre!

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