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Droit à la vie privée et réalité augmentée : un mariage imparfait !

Rik Panganiban

Étudiante dans le cadre du cours DRT 6929-O
23 mars 2015
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Plusieurs entreprises se lancent dans une course effrénée concernant la réalité augmentée. Microsoft et Google sont en tête de liste pour mener la bataille, mais d’autres n’ont pas dit leur dernier mot ! En effet la guerre est lancée et elle fait rage ! Mais à l’aube de la mise en marché de cette technologie, de nouvelles questions se fondent quant à la question du droit à la vie privée.

La réalité augmentée tout le monde y croit ! Facebook, Google et autres grands de ce monde misent sur cette toute nouvelle technologie. Il est vrai qu’avec la montée en puissance des téléphones intelligents, des applications, des lunettes connectées et autres, ce concept est de plus en plus présent dans les esprits.

Dernièrement CastAr, start-up du groupe Technical Illusion, a présenté une paire de lunettes à réalité augmentée fonctionnant sur le même principe que l’HoloLens de Microsoft. Une autre start-up du nom de Magic Leap prépare elle aussi sa révolution. Cette société dûment rachetée par le géant du web Google est en marche pour devenir une incontournable dans le monde fantasmagorique de la réalité augmentée.

Cette technologie permet de superposer à des images issues du monde réel des informations provenant du monde numérique. Mais la grande question que beaucoup se pose est la suivante : cette réalité augmentée ne vient-elle pas en contradiction avec le droit à la vie privée et la protection des données à caractère personnel ? En effet, celle-ci repose sur la géolocalisation des individus, qui se retrouvent souvent pistés grâce à la puce de leur GPS.

Du côté du droit québécois, la notion de « renseignement » a, entre-autres, été traité dans l’affaire Gordon c. Canada (Santé), 2008 CF 258  « Ainsi, les renseignements, quels que soient leur forme et leur support, sont des renseignements « concernant » un individu s’ils « permettent » d’identifier l’individu ou « rendent possible » son identification, que ces renseignements soient utilisés seuls ou combinés avec des renseignements d’autres sources […] »

Quant aux renseignements biométriques la loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information ,précise à son article 44  que

[…] Tout autre renseignement relatif à une personne qui pourrait être découvert à partir des caractéristiques ou mesures biométriques saisies ne peut servir à fonder dans ce cas une décision la concernant ni être utilisé à quelque autre fin que ce soit. Une donnée biométrique demeure confidentielle tant que la personne concernée n’a pas consenti à sa divulgation.

L’apparition des nouvelles technologies a donc élargi le concept de la collecte de renseignements. Avec nos appareils de communication de nouvelle génération, nous produisons constamment des données sur nous-mêmes. Par conséquent, les données biométriques, les séquences de vidéo numériques, les adresses de protocole internet ou encore les données de géolocalisation peuvent être considérés comme des informations à caractère personnel. Certes ces données de localisation lorsqu’elles sont prises de manière isolée n’en disent pas beaucoup sur un individu. En revanche lorsque ces flux sont produits en continu et combinés avec d’autres renseignements cela est une tout autre histoire ! Ces émissions peuvent devenir très révélatrices sur les individus si elles sont recueillies à grande échelle.

Mais dernièrement ce qui affole le plus le monde du droit numérique et du web est le couplage de cette technologie avec la reconnaissance faciale. En effet cette dernière permettra de fournir des informations sur les individus en captant simplement leurs visages. Quiconque n’aura plus aucun secret ! À l’aide de nos lunettes connectées, il nous sera facile de détenir des descriptions sur les individus que l’on a croisé, par exemple, lors de notre petite escapade New-Yorkaise. Déjà des applications de reconnaissance faciale utilisant la réalité augmentée, comme NameTagexistent. Cette dernière permet de « scanner » une personne croisée et de retrouver son profil sur différents réseaux sociaux.

Dans ce dernier cas, le droit à l’image entre en jeu. Composante du droit à la vie privée, que l’on retrouve à l’article 36 du Code civil du Québec, il a principale été traité dans l’arrêt Aubry c. Éditions Vice‑Versa, [1998] 1 R.C.S. 591, par. 53:

Puisque le droit à l’image fait partie du droit au respect de la vie privée, nous pouvons postuler que toute personne possède sur son image un droit qui est protégé. Ce droit surgit lorsque le sujet est reconnaissable. Il faut donc parler de violation du droit à l’image, et par conséquent de faute, dès que l’image est publiée sans consentement et qu’elle permet l’identification de la personne. 

En juin 2013, les autorités canadiennes avaient manifesté leurs désarrois et leurs inquiétudes quant à la mise en marché des Google Glass. Google les avaient alors rassurés en édictant un code de bonne conduite pour les utilisateurs de ses lunettes. Ceux-ci devaient demander l’autorisation de prendre photos, vidéos et d’ainsi respecter le droit à la vie privée. Est-ce qu’un encadrement de cette technologie suffira dans le futur a ne pas créer de débordements ? La technologie de demain est prête à chambouler toutes les règles auparavant prodiguées mais attention, il faudra ouvrir grand les yeux afin de ne pas commettre l’irréparable !

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