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Véhicules autonomes : quel encadrement juridique ?

Étudiant dans le cadre du cours DRT-6903.
20 octobre 2015
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Connus sous différentes terminologies : Google car, voitures sans chauffeurs ou encore voitures autonomes, ces véhicules soulèvent des interrogations d’ordre juridiques sur différents points.

Alors que Google, Tesla ou encore Renault annoncent l’arrivée des véhicules autonomes dans les années à venir, aucune législation n’est apte à les permettre de circuler sur les routes, ni à résoudre la question des responsabilités en cas d’accident.

Véhicules autonomes et réglementations

Tesla a annoncé, par la voix de son PDG et fondateur Elon Musk, que ses voitures seront autonomes dès l’automne 2015 par la simple mise à jour de ses modèles afin de « griller la priorité » à Google qui parle de 2020. Renault est aussi rentrée dans la bataille en voulant mettre sur le marché des véhicules autonomes pour 2018.

La seule contrainte actuelle mais aussi la plus importante est, qu’aujourd’hui, aucune législation n’autorise la circulation des véhicules autonomes. Par exemple, la législation américaine ne permet les véhicules autonomes que « dans une propriété privée ».

Aux États-Unis, afin d’effectuer des tests, les États du Nevada, de la Californie et de la Floride ont adopté des lois et décrets, encadrant strictement les tests, autorisant la circulation des voitures autonomes à la suite de pressions faites par Google. En Californie, les tests peuvent avoir lieu si le conducteur possède un permis de conduire, qu’il soit assis sur le siège conducteur, qu’il surveille la sécurité des opérations et qu’il ait la possibilité de reprendre le contrôle manuel du véhicule en cas de problème technique ou d’urgence. Les prototypes ne possédant pas de volant ni de pédales, Google a dû les réintégrer pour se conformer à la réglementation.

En France, en plus du Code la route, la Convention de Vienne sur la circulation routière du 8 novembre 1968 s’applique et prévoit dans son article 8 que :

  • Tout véhicule en mouvement doit avoir un conducteur ;
  • Tout conducteur doit posséder les qualités physiques et psychiques nécessaires et être en état physique et mental de conduire ;
  • Tout conducteur de véhicule à moteur doit avoir les connaissances et l’habileté nécessaires à la conduite du véhicule ;
  • Tout conducteur doit constamment avoir le contrôle de son véhicule.

En outre, l’accord européen du 1er mai 1971, ajoute que « tout conducteur doit rester maître de son véhicule de façon à pouvoir se conformer en toutes circonstances aux exigences de la prudence ».

Ces différentes dispositions ne semblent pas interdire la future commercialisation de ces véhicules mais limite l’intérêts quant à leur développement. En effet, selon ces dispositions, le conducteur devra se comporter comme un conducteur normal sans toutefois réellement conduire la voiture.

L’Union européenne a adopté le 7 juillet 2010 une Directive concernant le cadre technique pour le déploiement de systèmes de transports intelligents (STI) dans le domaine du transport routier et d’interfaces avec d’autres modes de transports qui a pour but que les véhicules autonomes puissent circuler au côté des véhicules actuels. Ce texte a été transposé en droit français en 2012.

En France, les voitures autonomes font partie des 34 priorités de la politique industrielle annoncées,  le 12 septembre 2013 par François Hollande, Président de la République.

L’Assemblée Nationale a d’ailleurs autorisé le 14 octobre 2014 le principe des tests sur route de « véhicule à délégation totale ou partielle de conduite » dans le cadre de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

De plus, la Commission européenne a commencé à étudier la question via l’Institut européen des normes de télécommunications (ETSI) et le Comité européen de normalisation (CEN). Ces derniers ont commencé à définir des standards de sécurité afin que les véhicules autonomes et classiques partagent les routes.

Toutefois, en plus de créer les réglementations concernant l’autorisation de circuler des voitures autonomes, les pouvoirs publics devront également adapter le régime de responsabilité des conducteurs ce qui va, subséquemment, intéresser le monde des assurances.

Véhicules autonomes et responsabilités

« Lorsqu’un véhicule est conçu pour que personne ne tienne le volant sort de la route, vers qui se tourner pour identifier le responsable ? Le constructeur du modèle, le sous-traitant qui a conçu les algorithmes, le gestionnaire des données, la société qui a fabriqué les capteurs, les pouvoirs publics qui entretiennent l’infrastructure routière ? », résume Pascal Demurger, directeur du groupe MAIF et président du Groupement des entreprises mutuelles d’assurance (GEMA).

Avant la commercialisation des véhicules autonomes , il faudra avoir déterminé qui sera responsable en cas d’accident. Le propriétaire du véhicule ? Le constructeur ? Le concepteur du système ?

Le régime français de responsabilité civile prévoit, avec la loi de référence dites loi « Badinter » du 5 juillet 1985 que les victimes d’accidents de la route seront indemnisées des dommages corporels subis ainsi que de leurs conséquences pécuniaires à moins que la victime ait commis une faute inexcusable. Le but étant de protéger les victimes, cela ne semble pas être contraire à l’arrivée des voitures autonomes car la présence d’un conducteur n’est pas une condition d’application du régime.

Toutefois, les accidents impliquant les voitures autonomes risquent de provoquer diverses expertises quant à l’imputabilité de l’accident. Les défaillances techniques sont envisagées par le droit français aux articles 1386-1 et suivants du Code civil. Les assureurs pourront alors se prévaloir de cet article où le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit.

Ainsi, il semblerait que le droit français de la responsabilité civile peut très bien s’adapter à l’arrivée des véhicules autonomes.

Un problème semble par contre se poser du côté de la responsabilité pénale, l’article L. 121-1 du Code de la route prévoit que

Le conducteur d’un véhicule est responsable pénalement des infractions commises par lui dans la conduite dudit véhicule.

Toutefois, lorsque le conducteur a agi en qualité de préposé, le tribunal pourra, compte tenu des circonstances de fait et des conditions de travail de l’intéressé, décider que le paiement des amendes de police prononcées en vertu du présent code sera, en totalité ou en partie, à la charge du commettant si celui-ci a été cité à l’audience.

Le conducteur pourrait-il être tenu pénalement responsable d’une erreur du système de pilotage ? Cela dépendra si la loi impose au conducteur de se comporter tel un véritable conducteur ou non.

Enfin, selon José Viegas, secrétaire général du Forum International des transports (ITF) qui est affilié à l’OCDE, les véhicules autonomes sont comme bien autres choses :

« un domaine dans lequel la technologie avance plus vite que la réglementation. […]. Et (si) la technologie peut provenir des compagnies, la réglementation doit être faite par le secteur public, et avoir des règlementations différentes entre des pays voisins serait un non-sens ».

 

 

 

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