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De la liberté sur Internet, le Canada parmi les meilleurs élèves

Étudiante dans le cadre du cours DRT-6903.
22 décembre 2015
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En novembre dernier, l’organisme non gouvernemental américain Freedom House, fondé en 1941 dans le but de faire la promotion de l’avancement de la démocratie et de la liberté dans le monde, publiait les résultats de l’étude Freedom on the Net 2015. Cette vaste enquête analyse des données relativement à l’accessibilité, à la censure ou à la manipulation de contenus sur Internet ainsi qu’aux protections et restrictions reliées aux activités en ligne dans 65 pays dont le Canada, l’Ukraine, la Russie et la Chine pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2014.

Faits saillants de l’étude :

  • On observe une baisse des libertés fondamentales sur Internet à l’échelle internationale (pour une 5e année consécutive), et pour cause, les états censurent de plus en plus les informations d’intérêt public, accroissent la surveillance sur les réseaux et mettent en place de meilleures technologies visant à affaiblir la confidentialité des échanges en ligne;
  • 42 des 65 pays sondés obligent, de différentes manières, les internautes à limiter ou à retirer du contenu à connotations politiques, sociales ou religieuses;
  • Des 65 pays étudiés, 40 ont emprisonné des usagers pour avoir partagé ce type de contenu en ligne;
  • Le cryptage des données est condamné, tant par les pays démocratiques que les régimes autoritaires, qui est décrit comme un instrument de terrorisme.

Le Canada au 3e rang derrière l’Estonie et l’Islande

L’étude dépeint le Canada comme un pays libre en matière d’accès, de connectivité et d’expression sur Internet. En effet, on y constate très peu d’obstacles à l’accessibilité (et notamment en raison de l’abordabilité des services de connexion) et un taux de pénétration dans la population assez élevé (87 %). La crainte de contrôle du contenu en ligne et la mise en place de technologies de surveillance pourrait être exacerbée par le fait que le marché canadien des télécommunications est contrôlé par un faible nombre d’entreprises. Cet aspect semble être contrebalancé par l’obligation pour ces entreprises de se conformer à la Loi sur les télécommunications et notamment par les dispositions de l’article 16 qui prévoit les conditions d’admissibilité pour agir à titre d’entreprise de télécommunication au Canada. Le mandat du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC), la participation des grands fournisseurs d’accès Internet au Project Cleanfeed Canada en matière de pornographie juvénile, la Loi canadienne anti pourriel, l’utilisation répandue et sans encombre des médias sociaux et des publications en ligne par les mouvements citoyens et d’activisme politique, les protections offertes par la Charte canadienne des droits et libertés au chapitre de la liberté d’expression et de la liberté de presse ainsi que les sanctions réservées aux discours haineux (art. 320.1 C.cr.) et aux libelles diffamatoires (art. 301 C. cr.) font du Canada un pays où il fait bon s’exprimer virtuellement.

En matière de droit d’auteur, le régime d’« Avis et avis » qui existe au Canada depuis le 2 janvier 2015 par l’entrée en vigueur de l’article 41.25 de la Loi sur le droit d’auteur constitue également une mesure positive. Contrairement au régime d’« Avis et retrait » appliqué aux États-Unis, le recours canadien ne prévoit pas de retrait automatique des contenus en cas de violations alléguées non plus que la divulgation des informations sur les abonnés ayant commis une infraction, sans l’intervention d’un tribunal.

En effet, l’application d’un régime d’« avis et retrait » tel que revendiqué par les États-Unis dans le cadre des négociations de l’Accord de Partenariat transpacifique et qui visent à obliger les fournisseurs de services réseau et d’outils de repérage à retirer un contenu qui fait l’objet d’allégations de violations de droits d’auteurs posent certains enjeux au regard de la censure sur Internet. Comme l’explique Barry Sookman, avocat et blogueur canadien spécialisé en droits d’auteur et technologies de l’information, dans son blogue TPP, copyright, e-commerce and digital policy: a reply to Michael Geist publié le 15 décembre 2015 le libellé de l’accord déposé le 5 novembre 2015 prévoit une exception pour le Canada qui ne sera pas tenu d’appliquer un régime d’« avis et retrait ».

Le revers de la feuille d’érable

Même au troisième rang des pays étudiés par Freedom House, le Canada n’est pas sans reproche. L’organisme critique l’adoption de certaines dispositions législatives, dont le projet de loi C-13, visant à prémunir contre la cyberintimidation (adopté dans la foulée de la loi édictée en Nouvelle-Écosse en 2013 et qui vient d’être invalidée par la Cour suprême de la province) et la Loi sur la protection des renseignements personnels numériques — qui autorise les entreprises à divulguer, sans consentement, à une autre organisation des renseignements personnels dans le but de faciliter l’enquête sur un manquement à un accord ou à une loi fédérale ou provinciale – et la décision de la Cour suprême dans R. c. Fearon (2014 CSC 77) qui autorise les policiers, en certaines circonstances, à procéder à la fouille d’un téléphone cellulaire sans mandat de perquisition.

L’organisme tient également a souligner que la note du Canada ne tient pas compte de l’adoption au printemps dernier du projet de loi C-51, Loi antiterrorisme de 2015. En effet, l’organisme rapporte que :

« This law caused significant controversy due to its vague wording and provisions that could have a negative impact on freedom of expression and the right to privacy. However, since the law was passed outside of this report’s coverage period, it did not have an impact on this year’s scores. »

Il sera intéressant de mesurer l’évolution canadienne au regard de la liberté sur Internet à l’aune des travaux menant à la ratification du partenariat transpacifique ainsi que de l’application de la Loi antiterroriste de 2015 qui, selon l’ONU, pourrait par ailleurs contrevenir au pacte international relatif aux droits civils et politiques.

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