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Facebook et le trafic d’armes en ligne : quelle responsabilité  ?

Étudiant dans le cadre du cours DRT-6929O.
2 mars 2016
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Le 29 janvier dernier, la compagnie américaine Facebook a procédé à une mise à jour de sa politique d’utilisation visant à interdire l’utilisation de son réseau pour la négociation des ventes d’armes entre particuliers, marquant ainsi une nouvelle étape dans la lutte contre la vente d’arme à feu sur Internet.

Alors que la question des armes à feu a investi les débats de la prochaine élection présidentielle américaine, que l’opinion publique a encore en mémoire les tueries de Sandy Hook et de San Bernardino aux États-Unis, et que les attentats parisiens de 2015 poussent les Européens à repenser leurs politiques contre le trafic d’armes, Facebook semble être de plus en plus sensible aux sollicitations des autorités publiques.

Le président Obama, contraint à l’inertie législative en raison d’un Congrès républicain et proche du lobby des armes à feu, s’est résolu à promouvoir un renforcement des contrôles. Sans méconnaître le deuxième amendement, l’objectif est d’empêcher que les personnes qui ne sont pas autorisées à porter une arme ne puissent pas s’en procurer une par des moyens illégaux. De l’autre côté de l’Atlantique, tant la France qui actait en novembre dernier la mise en place de « cyberpatrouilles » pour déstabiliser les filières que la Commission européenne qui proposait une harmonisation et un renforcement des conditions pour l’achat en ligne d’armes à feu semblent avoir pris la mesure de ce phénomène relativement nouveau.

Facebook avait renoncé à une interdiction totale de la vente d’armes à feu en 2014, se contentant de restreindre les publications sur l’achat et la vente d’armes aux utilisateurs de plus de 18 ans. Désormais, le réseau a décidé d’aller plus loin en interdisant les ventes qui ne respectent pas les réglementations nationales.

La récente évolution des conditions d’utilisation s’ajoute ainsi à la prohibition existante concernant les publicités achetées auprès de la régie de Facebook, disposant que « les publicités ne doivent pas promouvoir la vente ou l’utilisation des […] armes, munitions ou explosifs ». L’actualisation des Standards de la communauté étend désormais l’interdiction aux ventes « privées », de personne à personne. Ceux-ci mentionnaient déjà depuis mars 2014 l’interdiction de « toute tentative d’achat, de vente ou de médicaments sur ordonnances, de marijuana et de drogue », complétée désormais par la vente « d’armes à feu de la part de revendeurs non agréés ».

Ce changement de politique amène à s’interroger sur l’implication et la responsabilité des plateformes d’échanges numériques dans cette nouvelle forme de trafic d’armes. En effet, on peut légitimement s’interroger sur la responsabilité de Facebook lorsque la compagnie reste inactive fasse à l’augmentation constante des ventes illégales d’armes sur son site.

En fait, par principe c’est l’auteur d’un contenu qui est responsable de celui-ci et qui engage sa responsabilité. De ce fait, en vertu de la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information du Québec, la règle de principe est que la responsabilité d’un intermédiaire n’est pas engagée (art. 22 al. 1). Ainsi, Facebook – défini comme étant un prestataire de services –

« n’est pas tenu d’en surveiller l’information, ni de rechercher des circonstances indiquant que les documents permettent la réalisation d’activités à caractère illicite » (art. 27).

Cependant, cette exonération de responsabilité de l’intermédiaire peut être écartée à certaines conditions :

« […] notamment s’il a de fait connaissance que les documents conservés servent à la réalisation d’une activité à caractère illicite ou s’il a connaissance de circonstances qui la rendent apparente et qu’il n’agit pas promptement pour rendre l’accès aux documents impossible ou pour autrement empêcher la poursuite de cette activité » (art. 22 al. 1).

Autrement dit, Facebook n’est donc pas soumis à une obligation générale de surveillance du contenu posté par ces utilisateurs, mais en revanche il est tenu de supprimer le contenu à caractère illégal dont il aurait connaissance, c’est-à-dire principalement le contenu qui lui aurait été signalé par les utilisateurs ou les autorités. Ainsi, le point de départ de l’obligation imposée aux intermédiaires née au moment de la connaissance du fait et l’on apprécie la promptitude de l’intermédiaire à mettre fin à l’activité illicite.

En conclusion, il semble qu’en inscrivant l’interdiction de vente d’armes à feu de la part de revendeurs non agréés dans ces conditions générales d’utilisation, Facebook prenne des mesures préventives et aille au-delà de son obligation en vertu de la loi québécoise, en rappelant à l’utilisateur l’illicéité – somme toute évidente ! – de vendre des armes en dehors des cas expressément autorisés par les législations nationales.

 

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