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Mariem Rekik : « Le juge du contrat électronique international » (2013)

Doctorante à la Faculté de Droit de Sfax
31 décembre 2013
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Mariem Rekik, « Le juge du contrat électronique international », Mémoire, Faculté de Droit de Sfax, 2013

Résumé

« La plupart des résidents de cyberia préféreraient

 être soumis au jugement de leur propre communauté

 virtuelle plutôt qu’aux lois d’un lieu physique

très éloigné de leur lieu de résidence »[1].

 Au terme de cette étude consacrée à la recherche du juge approprié pour trancher les litiges générés par les contrats électroniques internationaux, on constate que ces derniers ne sont pas sans perturber le système classique de résolution des différends. En effet, si le contrat électronique n’est pas original par son objet, l’espace ou la technique dans ou par laquelle il est conclu ou exécuté, l’emprunte une certaine spécificité. L’internaute, réticent à l’internationalité, se verra parfois involontairement partie à un contrat international, les acteurs du cyberespace étant souvent difficiles à localiser, aussi bien matériellement que juridiquement. Ces contrats internationaux produiront inévitablement des litiges singuliers (de faible enjeu économique) dont la résolution nécessite un traitement distinctif. Le juge appelé à la résolution de tels différends doit faire preuve d’une prévisibilité accrue, d’un particularisme propice, et d’une efficacité accentuée.

En termes de prévisibilité, ce juge serait de préférence, celui choisi par les parties et non déterminé objectivement par des critères prévus pour le monde analogue et donc inapproprié aux litiges cybernétiques. Le principe de la liberté contractuelle devrait alors régner pour dévier tout problème de localisation que pourrait impliquer une détermination objective du juge compétent. Il serait dès lors indispensable de donner plus d’efficacité aux clauses de juridictions stipulées dans un contrat électronique.

Le concept de particularisme correspond à l’idée du développement d’un système de résolution propre à ce type de litiges cybernétiques. Le caractère réaliste de cette idée est soutenu par l’importance croissante attribuée, de manière générale dans nos sociétés, à la spécialisation des compétences dans un domaine spécifique, en l’occurrence celui du commerce électronique. L’accent, dans la sélection d’un système réputé adéquat de règlement des différends, est largement placé sur la compétence technique du tiers appelé à résoudre le litige, dans ce domaine assez sophistiqué.

En termes d’efficacité, l’institution appropriée pour résoudre un litige généré par un contrat électronique devrait garantir un règlement rapide des litiges et faire preuve de confiance. Les modes classiques de résolution des litiges, qu’il s’agisse des tribunaux ou des procédures hors ligne d’arbitrage ou de médiation, ne sont en règle générale pas prévus pour connaître de litiges à grande portée géographique et à faible enjeu économique. Les tribunaux, déjà souvent décriés pour être inadaptés au commerce international en général, le sont encore moins pour le commerce électronique. De même, si les méthodes extrajudiciaires traditionnelles de règlement des différends peuvent être plus adaptées, elles se heurtent toujours au conflit de la territorialité des lieux de résolution des litiges et de la quasi-aterritorialité des activités véhiculées par les réseaux. Bref, ces mécanismes sont trop chers, trop lents, parfois trop complexes et en conséquence trop peu accessibles. Cette difficulté d’accès à la justice constitue un obstacle à la confiance dans le commerce électronique, freine son développement et ralentit l’économie mondiale.

Un mécanisme de règlement des différends structurellement adapté au commerce électronique doit alors « faire défi de toute géographie », il doit être ubiquitaire. Or l’ubiquité est une propriété qui n’est donnée que si l’accès au système est dématérialisé. D’ailleurs, pionnier de la résolution des litiges en ligne, Ethan KATSH s’efforce de défendre une approche anthropomorphique de la technologie, l’élevant au rang de quatrième protagoniste (« fourth party » – outre les deux parties au litige et le tiers qui résout le différend) des procédures de règlement des différends en ligne[2]. Or, il est indispensable de placer ces nouveaux mécanismes de résolution au sein d’une architecture de confiance, les entourer d’autres outils indispensables à la reconstruction d’un monde prévisible.


[1]    E.C. LIDE, « ADR and Cyberspace : The Role of Alternative Dispute Resolution in Online Commerce, Intellectual Property and Defamation » in Ohio St. J. on Disp. Res., 1996, vol. 12, p. 193 et s., spéc. p. 218 (trad. par l’auteur).

[2]    Voir par exemple : E. KATSH et J. RIFKIN, Online Dispute Resolution. Resolving Disputes in Cyberspace, San Francisco, Jossey-Bass, 2001, n°764, p. 93 et s., E. KATSH et D. CHOI (éd.), Online Dispute Resolution (ODR) : Technology as the “Fourth Party”, Genève et Amherst, Mass., Publ. des Nations Unies et de l’Université de Massachusetts, 2003, E. KATSH, « Online Dispute Resolution : The Next Phase » in Lex electronica, 2002, vol. 7, www.lex-electronica.org/articles/v7-2/katsh.htm , § 16 et s.; E. KATSH « Bringing Online Dispute Resolution to Virtual Worlds: Creating Processes Through Code » in New York Law School Law Review., 2004, vol. 49, p.271 et s.

 

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Sommaire

Introduction

Première partie – L’impact de l’internet sur le fondement de la compétence du juge du contrat électronique international

Chapitre premier : La désignation du juge du contrat électronique international par la liberté contractuelle

Chapitre deuxième : La détermination objective du juge du contrat électronique international

Seconde partie – L’incidence de l’internet sur le règlement du contentieux électronique

Chapitre premier : La recherche d’une justice appropriée aux litiges cybernétiques : la cyberjustice

Chapitre deuxième: La nécessaire adaptation du système judiciaire

 

 

 

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