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Données personnelles : la valeur ajoutée d’Internet passe entre les mailles du filet fiscal français

Auteur photographie : Marc Smith

Guillaume Le Roux est étudiant du Master 2 NTIC à l'Université de Versailles-Saint-Quentin
3 juillet 2013
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Internet n’est plus à présenter : fabuleuse plateforme où tout est à portée de clic. Internet, un nouvel espace public où chacun peut désormais s’exprimer. Internet monde du gratuit, enfin presque… Antre de l’économie numérique, Internet accélère le rythme de l’innovation et la diffusion des nouveaux biens et services. Seul hic : les gains de productivité générés par l’économie numérique ne se traduisent pas par des recettes fiscales.

Vous connaissez l’adage : si vous ne payez pas, c’est que vous êtes le produit.  Grâce au rapport « Collin et Colin » il est désormais possible d’ajouter que vous êtes le produit et le bénévole d’Internet.

Utiliser les services proposés sur la toile, notamment les applications telles que les réseaux sociaux, les sites de streaming musicaux, ou encore les sites de commerce en ligne, ne nécessite pas de mettre la main à la poche mais ce n’est pas pour autant que les utilisateurs de ces services n’ont aucune valeur.

A l’aune de l’Internet 3.0 où la machine pourrait nous connaitre presque mieux que nous-même, les informations personnelles que nous distillons sans modération sur la toile ont une véritable valeur économique. Le divertissement, les achats et la production en ligne investissent de plus en plus volontairement notre intimité, ce qui contribue directement à l’essor de l’économie numérique.

L’économie numérique est partout, elle s’est répandue beaucoup plus vite dans le monde moderne que n’importe quel modèle économique passé. À titre d’exemple il a fallu trois fois moins de temps pour équiper la majorité des foyers français d’internet que du téléphone fixe, et Facebook a acquis un milliard d’utilisateurs en moins de 8 ans.

L’élément qui se trouve au centre de l’économie numérique est sans conteste nos données personnelles. Elles présentent un double intérêt pour les entreprises du net qui les recueillent. D’une part elles leur permettent de mesurer et d’améliorer les performances d’une application, de personnaliser le service rendu, de recommander des achats à leurs clients et de prendre des décisions stratégiques face à nos comportements et cela en temps réel ! D’autre part nos données personnelles peuvent être valorisées auprès de tiers concessionnaires de leur utilisation notamment au travers de plateformes logicielles. En d’autres termes, nos données personnelles sont vendues à des développeurs informatiques afin qu’ils puissent concevoir des logiciels adaptés à notre comportement de consommateur web.

Le rapport établi par Pierre COLLIN et Nicolas COLIN rendu notamment au Ministre de l’économie et des finances et au Ministre de l’innovation et de l’économie numérique ce mois-ci, ne dénonce pas les pratiques de l’économie numérique mais le manque à gagner fiscal qui échappe à l’Etat.

L’approche fiscale de l’économie numérique du rapport Collin et Colin vise les entreprises du web.

La méthode de collecte des données personnelles caractérise pour eux le phénomène du travail gratuit, qui est presque un gros mot pour l’administration fiscale francaise. Les données personnelles sont collectées sans contrepartie monétaire, ce qui empêche de fait la collecte d’un impôt sur le revenu né de l’utilisation celles-ci.

Les utilisateurs du service deviennent des collaborateurs bénévoles des entreprises.

Nous devenons des auxiliaires de la production et créons une valeur générant des bénéfices. Le rapport compare le travail des utilisateur d’internet a celui qui par le passé était confié aux fournisseurs de services.

Or la collaboration d’utilisateurs sur le territoire d’un Etat à la formation de bénéfices déclarés dans un autre Etat inspire une objection de principe : il est préoccupant que les entreprises concernées ne contribuent pas par des recettes fiscales, à l’effort collectif sur le territoire où leurs utilisateurs résident et travaillent gratuitement.

Ce système permet aux entreprises de pratiquer l’optimisation fiscale et ainsi faire jouer la concurrence fiscale entre Etats pour choisir le plus accueillant. Les lacunes du droit fiscal français concernant l’économie numérique, permettent donc aux entreprises qui se servent allègrement des données collectées sur notre territoire, d’échapper autant à la fiscalité directe comme l’impôt sur les sociétés, qu’à la fiscalité indirecte comme la taxe sur la valeur ajoutée.

Le rapport « Collin et Colin » tire la sonnette d’alarme :

il est d’autant plus urgent de réagir que, loin de se cantonner à quelque industrie, le numérique dévore en réalité tous les secteurs de l’économie ». Selon eux sans une politique industrielle et fiscale du numérique « l’économie numérique va continuer de se développer mais ne créera pas d’emploi.

La solution qu’ils proposent passe par trois propositions à première vue simples et évidentes :

– Recouvrer le pouvoir d’imposer les bénéfices qui sont réalisés sur le territoire par les entreprises de l’économie numérique.

– Créer une fiscalité liée à l’exploitation des données issues de l’activité des utilisateurs sur le territoire.

– Créer un environnement fiscal favorable à l’émergence d’entreprises nouvelles.
Mais ces propositions se heurtent à deux problèmes, et pas des moindres : d’une part l’économie numérique est en perpétuelle et rapide mutation dans tous les secteurs de sorte qu’il est difficile d’y identifier des points de stabilité pour y assoir un impôt ; d’autre part l’économie numérique décuple de façon systématique les lieux d’établissement et les lieux de consommation. Il est donc difficile de localiser la valeur créée par cette économie et d’y appliquer les règles d’un droit fiscal.

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