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Google n’est pas responsable des associations réalisées par Google Suggest

Scobleizer

2 juillet 2013
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La fonctionnalité Google Suggest du moteur de recherche Google, qui permet une saisie automatique des termes recherchés en proposant une liste de requêtes similaires à ceux-ci, est à la source d’un contentieux à la fois abondant et contradictoire en matière d’infractions de presse et, plus précisément, en matière de propos diffamatoires et injurieux. L’arrêt du 19 juin 2013 rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation tranche en faveur d’une absence de responsabilité du moteur de recherche pour les suggestions injurieuses proposées par la fonctionnalité Google Suggest.

Dans la présente affaire, une société d’assurances, la Lyonnaise de garantie, assigne le moteur de recherche Google ainsi que son directeur de publication du chef d’injures publiques, constatant que la saisie des termes « Lyonnaise de g » sur le moteur de recherche Google faisait apparaître une série de suggestions de recherche qui mentionnait en troisième position l’entrée « lyonnaise de garantie escroc ». Cette société estimait alors que l’association de ces mots constituait une injure publique, indépendamment du contenu des articles ou documents auxquels les requêtes renvoyaient. Les juges du fond avaient accueilli la demande de la société d’assurance et ordonné sous astreinte la société Google, et son directeur de publication, de prendre toute mesure pour supprimer l’expression litigieuse.

 La Cour d’appel de Paris confirme ce jugement estimant que la diffusion de l’expression « Lyonnaise de garantie escroc » correspond à l’énonciation d’une pensée rendue possible par la fonctionnalité Google Suggest, dont les propositions procèdent d’une base de donnée constituée par Google et mise en œuvre par un algorithme qui ne constitue alors qu’un moyen d’organiser et de présenter les pensées que la société Google met en circulation sur internet.

 Ce raisonnement n’est pas suivi par la Cour de cassation qui censure la condamnation de la Cour d’appel au visa des articles 29 et 33 de la loi du 29 juillet 1881. En effet, la Haute juridiction estime au contraire que

La fonctionnalité aboutissant au rapprochement critiqué est le fruit d’un processus purement automatique dans son fonctionnement et aléatoire dans ses résultats, de sorte que l’affichage des « mots clés » qui en résulte est exclusif de toute volonté de l’exploitant du moteur de recherche d’émettre les propos en cause ou de leur conférer une signification autonome au-delà de leur simple juxtaposition et de leur seule fonction d’aide à la recherche.

Google ne peut alors être considéré comme responsable de cette publication en raison de ce processus automatique d’affichage, généré par les entrées les plus fréquentes des internautes et le contenu des pages web.

L’association du nom d’une personne à des termes peu élogieux, voire qui évoquent une infraction, dans les propositions de recherche n’est pas sans avoir une incidence sur la réputation et l’image d’une entreprise ou d’une personne physique. Ainsi, récemment, dans une affaire concernant la suggestion de faits diffamatoires, un individu qui avait été condamné du chef du délit de corruption de mineur se plaignait de voir qu’une recherche à partir de son nom faisait apparaître notamment les termes « M. X. viol », « M. X. sataniste », « M. X. prison ». S’il obtint gain de cause en première instance, la Cour d’appel, après avoir qualifié de diffamatoires les associations litigieuses, avait retenu la bonne foi de Google comme fait justificatif propre à la diffamation. La Cour de cassation estime donc, dans la ligne droite de l’arrêt d’appel, que la proposition d’expressions diffamatoires affichées par Google Suggest n’entrainait pas la responsabilité de Google.

 Si la loi du 29 juillet 1881 se montre la plupart du temps accueillante à l’égard des infractions de presse sur internet, il n’en demeure pas moins que la fonctionnalité Google Suggest révèle une limite dans l’application de cette loi. En effet, il n’est pas certain que l’association litigieuse suggérée par un algorithme automatisé puisse entrainer la qualification d’injure ou de diffamation, le sens donné à une telle suggestion automatique, déconstruite, n’est pas celui que l’on pourrait donner à la lecture d’un article diffamant ou injurieux, construit et marquant la volonté de son auteur.

 Pour autant, le moteur de recherche Google dispose de moyens techniques permettant de filtrer les suggestions et de retirer ainsi les propos injurieux ou diffamatoires associés à un nom. Or, il semblerait que Google refuse d’intervenir dans le processus automatique de suggestion de mots clés, en dehors d’une décision de justice. Le juge est alors amené à mettre en balance la cessation d’un trouble avec le respect de la liberté d’expression, ce qui est finalement tout l’enjeu de cette jurisprudence.

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