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Faces of Facebook récolte les données personnelles des utilisateurs de Facebook

(cc) See-ming Lee

Erwan Jonchères est étudiant dans le cadre du cours DRT 6903 (UdeM)
1 novembre 2013
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Récemment une artiste argentine nommée Natalia Rojas a créé un projet unique nommé Faces of Facebook. Pour ce projet, cette spécialiste de l’art numérique récolte des données personnelles sur tous les utilisateurs du réseau social Facebook. Lorsque l’on arrive sur le site internet de Faces of Facebook, nous nous retrouvons face à l’apogée du mouvement pointilliste numérique. L’artiste y appose les mille millions de photos de profil des utilisateurs. Le but étant de retrouver sa photo dans la botte de foin. Puis quand par miracle on y arrive ou alors, vaincu, qu’on clique sur la photo de quelqu’un d’autre, un lien redirige vers le profil Facebook de l’utilisateur.

La page web de Faces of Facebook est constamment mise à jour et évolue au fur et à mesure des inscriptions sur le réseau social. Il y aurait plus d’un milliard deux cent millions de profils référencés. Or, le 10 octobre, Facebook a fait savoir que ses utilisateurs qui le voulaient ne pourraient plus rester introuvables dans la barre de recherche du réseau social.

Avant toute chose il faut savoir ce qu’est une donnée personnelle aux yeux de la loi. Au Canada les données personnelles sont définies pour la première fois par la Loi sur la protection des renseignements personnels en 1985. Aux termes de cette loi les renseignements personnels sont « les renseignements, quels que soient leur forme et leur support, concernant un individu identifiable ». Par exemple une donnée personnelle concerne des renseignements touchant à la race, la religion, la nationalité, éducation, ou à un dossier médical. Dans le cas présent Natalia Rojas récolte nombre de renseignements personnels d’inconnus sans le consentement de ceux-ci.

Que peuvent bien faire les utilisateurs canadiens de Facebook ? Bénéficient-ils d’une protection contre la captation et la communication de ces données personnelles ?

Les données des internautes canadiens sont protégées par le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada. Cet organisme a pour mission de promouvoir le droit à la vie privée et de veiller à la protection des renseignements personnels et à l’application des lois sur la vie privée par les entreprises.

L’utilisateur de Facebook n’est pas protégé contre l’utilisation de certaines données personnelles par Faces of Facebook au Canada. Toutefois il reste protégé contre l’utilisation de données personnelles qu’il n’aurait pas rendu publiques. La Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques de 2000 encadre la collecte, l’utilisation et la communication des données personnelles au Canada à l’ère du numérique. Si la collecte de données personnelles à l’insu de la personne concernée est interdite au sein de toutes les provinces canadiennes, il existe quelques exceptions.

En effet l’article 7 de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques prévoit quelques exceptions. Des données peuvent être collectées à l’insu de la personne concernée dans certains cas seulement : 1) Dans le cadre d’une enquête pénale 2) Dans l’intérêt de la personne dont on récolte les données si l’on a pu avoir son consentement à temps 3) A des fins artistiques, journalistiques ou littéraires 4) Pour des renseignement auquel le public a accès. Natalia Rojas a donc pu récolter ses données personnelles car sa démarche a un but artistique.

Pour ce qui est de l’utilisation des renseignements personnels à l’insu de la personne concernée, que sont en l’espèce l’utilisation de la photo de profil, du lien vers le profil et du nom de la personne, l’article 7 permet quelques exceptions. Parmi celles-ci, il y a la permission d’utiliser à l’insu de l’intéressé des renseignements auquel le public a accès. Dans le cas présent, un profil Facebook et la photo de profil sont des renseignements auquel le public a accès depuis l’annonce par Facebook  pourvu qu’il connaisse le nom de l’utilisateur. Avec les nouvelles règles concernant la vie privée sur Facebook les utilisateurs ne pourront plus rester anonymes dans les recherches sur le réseau social. On peut se demander s’il en sera de même pour l’apparition sur les moteurs de recherche. Toutefois quand on accepte les termes de Facebook il est clair que le nom et la photo de profil actuelle de l’utilisateur sont des données personnelles à caractère public. Il en va de même avec les éléments contenus sur le profil de l’utilisateur qui aurait laissé son profil ouvert au public dans ses paramètres de confidentialité.

Natalia Rojas est donc parfaitement dans son droit et ne viole pas les nôtres avec son projet de cyber art Faces of Facebook. Toutefois si son objectif initial en vient à être modifié et si cette entreprise devient lucrative, Natalia Rojas se verra obligé de demander le consentement d’au moins tous les utilisateurs canadiens de Facebook. En effet l’Annexe 1 de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques oblige les personnes récoltant des données personnelles à se soumettre à certaines obligations. Selon le point 4.3.1 une personne collectant des renseignements personnels doit par exemple en informer les intéressés et demander leur consentement si les exceptions mentionnées à l’article 7 de la Loi ne s’appliquent pas à elle.

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