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TGI Paris, 17e ch., 6 novembre 2013, RG 11/07970, Max Mosley c. Google Inc et Google France

7 novembre 2013
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Vu l’assignation que, par actes en date du 19 mai 2011, Max MOSLEY a fait délivrer à la société de droit californien GOOGLE INCORPORATED (ci-après GOOGLE Inc) et à la société de droit français GOOGLE FRANCE, ainsi que ses dernières conclusions récapitulatives en réplique datées du 2 novembre 2012 et régulièrement signifiées le 5 novembre suivant, par lesquelles,

• il rappelle que dans son édition du 30 mars 2008 le journal britannique News of the World a publié des images extraites d’une vidéo captée à son insu dans un lieu privé le représentant dans des scènes d’intimité sexuelle ; qu’il a engagé diverses procédures devant les juridictions française et britannique qui ont abouti aux décisions suivantes :

-une ordonnance du juge des référés de ce tribunal, en date du 29 avril 2008, qui a prononcé diverses mesures de retrait et d’interdiction de nouvelle diffusion des images ou propos issus d’enregistrements provenant de cet enregistrement,

-une ordonnance de la Hight Court of Justice de Londres en date du 24 juillet 2008 prononçant également diverses mesures d’interdiction de diffusion d’images et des scènes de la vidéo jugée attentatoire à la vie privée de Max MOSLEY,

-un jugement rendu le 8 novembre 2011 par la 17ème chambre correctionnelle de ce tribunal qui a pénalement condamné la société éditrice du journal ;

• il souligne que les sociétés GOOGLE ont été informées, notamment par courrier en date du 3 juin 2009, de ces décisions de justice et ont procédé à un grand nombre de retrait des images litigieuses de son service Google images ; qu’il a formulé, entre les mois de juin 2009 et décembre 2010, 21 requêtes visant de nombreux sites, requêtes qui ont été satisfaites par les services de Google, mais que, ces images réapparaissant sans cesse, il a sollicité, par courrier en date du 28 décembre 2010 adressé à Eric SCHMIDT et aux sociétés GOOGLE Inc et GOOGLE FRANCE, qu’il soit fait en sorte que les images extraites de cette vidéo illicite soient supprimées des pages de résultats du moteur de recherche Google Images, ce qui a été refusé par courrier de GOOGLE FRANCE, en date du 6 janvier 2011,

• il demande en conséquence au tribunal, dans le Par ces motifs de ses écritures, au visa de l’article 9 du Code civil, des dispositions de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, du Code des postes et des communications électroniques et des dispositions de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, de :

1- Faire injonction, sous astreinte, aux sociétés GOOGLE Inc. et GOOGLE FRANCE de retirer et de cesser l’affichage sur les moteurs de recherche Google de toutes les images fixes et animées, et notamment de celles reproduites dans ses conclusions et tous les enregistrements sonores portant atteinte à sa vie privée,

2- Faire interdiction, sous astreinte, aux sociétés GOOGLE Inc. et GOOGLE FRANCE de transmettre ou laisser transmettre, distribuer ou laisser distribuer sur un support quel qu’il soit, des extraits visuels ou sonores, qu’ils aient ou non déjà été publiés ou diffusés, issus d’enregistrements des scènes de nature sexuelle dont certains clichés ont été publiés dans l’édition du 30 mars 2008 du News of the World ;

3- Empêcher à l’avenir l’affichage et la diffusion des images fixes ou animées et des enregistrements sonores relevant de la sphère de sa vie privée, et notamment les extraits visuels ou sonores qu’ils aient ou non déjà été publiés ou diffusés, issus des enregistrements des scènes de nature sexuelle dont certains clichés ont été publiés dans l’édition du 30 mars 2008 de News of the World,

4- Condamner les sociétés GOOGLE Inc. et GOOGLE FRANCE in solidum au paiement de la somme de 50.000 euros de dommages-intérêts ;

5- Condamner les sociétés GOOGLE Inc. et GOOGLE FRANCE au paiement de la somme de 15.000 euros chacune sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile, et les condamner aux entiers dépens,

6- Ordonner l’exécution provisoire ;

 

Vu les dernières écritures en défense des sociétés GOOGLE Inc et GOOGLE FRANCE régulièrement signifiées le 21 mars 2013, par lesquelles elles demandent au tribunal de :

CONSTATER que l’objet du litige est indéterminé en raison du caractère totalement imprécis et général des demandes de Max MOSLEY ;

En conséquence DECLARER irrecevable l’action engagée par M. MOSLEY ;

CONSTATER que la société GOOGLE FRANCE est totalement étrangère au moteur de recherche disponible à l’adresse www.google.fr CONSTATER que ledit moteur de recherche est exploité par la société de droit américain Google Inc

En conséquence DIRE que les demandes à l’encontre de la société GOOGLE FRANCE sont mal dirigées ou à tout le moins, mal fondées ;

CONSTATER que l’indexation par GOOGLE INC de fichiers images dans le cadre du moteur de recherche Google Images, repose sur le stockage temporaire, automatique et intermédiaire de données transmises initialement par des tiers, et que partant, cette dernière relève du régime de responsabilité limité spécifique des prestataires de stockage «cache »issu de l’article L. 32-3-4 du CPCE, CONSTATER, alternativement, qu’au vu des liens hypertextes fournis, sous la forme de vignettes, par le service Google Images, ce service assure une prestation de «simple transport» couvert par l’article L32-3-3 du Code des Postes et des Communications Electroniques, CONSTATER que GOOGLE INC n’a manqué à aucune de ses obligations du fait de l’activité de stockage «cache » ou de « simple transport » consubstantielles au bon fonctionnement de son moteur de recherche, qu’elle a fait preuve de professionnalisme et n’a commis aucune faute ;

Subsidiairement,

CONSTATER que l’activité de GOOGLE INC dans le cadre du moteur de recherche Google Images, tombe dans les prévisions de l’article 6-I-2 de la Loi du 21 juin 2004 sur la confiance dans l’économie numérique (hébergement) ;

CONSTATER que GOOGLE INC n’a manqué à aucune de ses obligations au regard de ces textes ou des principes qui en découlent, et n’a pas engagé sa responsabilité civile, sur quelque fondement que ce soit ;

CONSTATER qu’en tout état de cause, le montant de la condamnation sollicité est totalement disproportionné ;

CONSTATER que les demandes d’interdiction et de surveillance sont disproportionnées, se heurtent aux exigences de l’article 10 de la Convention Européenne des droits de l’Homme et au principe d’interdiction des mesures générales de surveillance en application du droit de l’Union Européenne, constitueraient une disposition générale prohibée par l’article 5 du Code civil ainsi qu’un obstacle illégitime à la liberté d’entreprise de GOOGLE INC et à la jouissance de son droit de propriété ;

CONSTATER que les demandes d’interdiction et de surveillance sont disproportionnées et ne peuvent en pratique être mises en œuvre ;

CONSTATER, au surplus, que le droit français ne contient aucune base juridique répondant aux exigences de la Charte des droits de l’homme de l’Union européenne, de la Convention européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Liberté Fondamentales et conférant au juge le pouvoir de prononcer de telles mesures ;

En tout état de cause

DÉBOUTER Max MOSLEY de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

CONDAMNER Max MOSLEY à verser aux sociétés GOOGLE INC. et GOOGLE FRANCE la somme globale de 50.000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure civile ;

 

Vu l’ordonnance de clôture en date du 3 avril 2013 ;

 

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les faits
Attendu qu’il doit être rappelé que, dans son édition du 30 mars 2008, le journal britannique News of the World a publié des images extraites d’une vidéo de Max MOSLEY captée le 28 mars 2008 à son insu dans un lieu privé, le représentant dans des scènes d’intimité sexuelle ; que la société éditrice du journal a été pénalement condamnée, par jugement rendu le 8 novembre 2011 par le tribunal correctionnel de Paris, pour avoir commis le délit prévu par l’article 226-2 du Code pénal, soit d’avoir porté à la connaissance du public un enregistrement de paroles prononcées à titre privé ou confidentiel et d’images d’une personne captées, à son insu, dans un lieu privé ; que le juge des référés avait par ordonnance du 29 avril 2008, constaté le caractère manifestement illicite de cette publication et prononcé diverses mesures de retrait du journal et d’interdiction de nouvelle diffusion des images ou propos provenant de cet enregistrement ; que la High Court of Justice de Londres, dans une ordonnance du 24 juillet 2008, a condamné la société éditrice du journal à verser 60 000 £ à Max MOSLEY et a formulé diverses interdictions de diffusions des enregistrements d’images et de sons indûment captés visant la société éditrice et toute autre personne ;

Que Max MOSLEY ayant constaté que plusieurs de ces images, correspondant au référencement de très nombreuses images et vidéos mises en ligne sur divers sites internet, figuraient, sous forme de vignettes dont la taille pouvait être augmentée, sur le moteur de recherche Google images, il a informé les exploitants de ce service des décisions judiciaires intervenues et a sollicité, et obtenu en suivant les procédures prévues par ce moteur de recherche, c’est-à-dire en fournissant les très nombreuses adresses URL de ces images, la suppression de leur apparition sur les pages de résultats du moteur de recherche exploité par la société GOOGLE ; qu’il a également formulé de nombreuses requêtes en ce sens auprès des responsables des sites internet mettant en ligne ces images (pièces n°25 du demandeur) ;

Que par lettre en date du 28 décembre 2010, adressée à Eric SCHMIDT et aux sociétés GOOGLE Inc et GOOGLE FRANCE, Max MOSLEY par l’intermédiaire de ses conseils, indiquait que malgré les multiples demandes de suppressions de référencement des images illicites celles- ci réapparaissaient quotidiennement sur leur moteur de recherche ce qui rendait vaines ses démarches alors que Google disposait des moyens techniques permettant le marquage des images illicites pour en empêcher l’affichage , qu’il les mettait en demeure de retirer les images attentatoires à sa vie privée et d’empêcher leur réapparition à l’avenir ;

Que par courrier en date du 6 janvier 2011 GOOGLE FRANCE répondait que le moteur de recherche Google images n’exerçait qu’un rôle d’indexation automatique et n’avait pas d’obligation de «surveillance a priori des contenus qu’elle indexe» et que, pour mettre fin au référencement des images litigieuses, le demandeur devait contacter directement les éditeurs ou à défaut les hébergeurs des images en cause ;

 

Sur le moyen pris de l’irrecevabilité des demandes en raison de leur imprécision

Attendu que les défendeurs considèrent que les demandes, telles que formulées dans l’assignation et les conclusions, sont trop imprécises pour répondre aux exigences des dispositions des articles 4, 56 et 753 du Code de procédure civile, faute pour le demandeur de préciser les adresses URL des images dont il demande la suppression sur les pages de résultats du moteur de recherche Google image, la précision donnée dans les conclusions des images dont le demandeur sollicite la désindexation étant insuffisante pour clarifier les demandes formulées dans le dispositif qui visent toutes les images et les extraits sonores portant atteinte à sa vie privée, et publiés sur un support quel qu’il soit ; les sociétés défenderesses estiment, en outre, que ces imprécisions portent atteinte aux droits protégés par l’article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales car elles font obstacle à leur droit de se défendre ;

Attendu cependant que ce moyen ne peut être accueilli ; qu’en effet et bien que le demandeur ait visé dans le Par ces motifs de son assignation qu’il sollicitait du tribunal le retrait de l’affichage sur les moteurs de recherche Google de toutes les images et enregistrements sonores portant atteinte à sa vie privée, ainsi que de toutes les images et enregistrements sonores issus d’enregistrements de scènes de nature sexuelle dont certains clichés ont été publiés dans l’édition du 30 mars 2008 du News of the World, ainsi que diverses mesures visées aux points 2 et 3 de ce Par ces motifs, il a précisé dans ses dernières écritures, les neuf images incriminées qu’il y reproduit en page 16 et 17 et que son action vise «à obtenir la condamnation des défenderesses sous astreinte à ne plus afficher ces photographies sur leurs moteurs de recherches.», précisant en page 28 de ses conclusions :

«Monsieur Mosley ne demande pas qu’il soit mis à la charge des sociétés Google une «obligation de surveillance générale des informations qu’elles transmettent ou qu’elles stockent», ni a fortiori une obligation générale de rechercher des faits ou des circonstances révélant des activités illicites.

La demande de Monsieur Mosley est parfaitement circonscrite, elle tend à désindexer du moteur de recherche Google Images les 9 images litigieuses précisément identifiées dans les constats d’huissier versés aux débats et dans les conclusions qu’il a signifiées, extraites des vidéos fixées à son insu, portant atteinte à l’intimité de sa vie privée. Ce que Monsieur Mosley demande, c’est que le choix éditorial de Google soit conforme aux décisions de justice qui ont jugé que les images dont il demande la désindexation sont illicites comme portant atteinte à l’intimité de sa vie privée.

Ses demandes visent à limiter la dissémination des images illicites, dont Google est le principal vecteur ..» ;

Qu’il en résulte que l’objet du litige porte sur le retrait, et la cessation de l’affichage sur les pages de résultats du moteur de recherche Google de neuf images- reproduites aux pages 16 et 17 des conclusions de Max MOSLEY en date du 2 novembre 2012 et signifiées le 5 novembre de la même année -extraites de la vidéo d’où provenaient les images publiées par le journal News of the Word, images ayant donné lieu à trois procédures judiciaires en France et au Royaume-Uni, sans que Max MOSLEY ait à formuler, à chaque réapparition de ces images, une requête indiquant l’adresse URL où se trouvent ces images sur le réseau internet ;

Que, dans ces conditions, le moyen pris de l’irrecevabilité de la demande, moyen en partie fondé sur une contestation portant sur le fond du litige notamment quant à l’obligation pour le demandeur de préciser l’adresse URL des images incriminées, ne peut être accueilli ;

Qu’en outre les sociétés défenderesses ne peuvent utilement prétendre qu’il aurait été porté atteinte aux droits consacrés par l’article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et notamment aux droits de la défense, les sociétés GOOGLE ayant eu de larges délais pour déposer leurs écritures dans lesquelles elles ont eu la possibilité de faire valoir leurs nombreux moyens de défense sur plus de 70 pages ;

Que les demandes seront donc jugées recevables ;

 

Sur la demande de mise hors de cause de la société GOOGLE FRANCE

Attendu qu’il est soutenu en défense que le moteur de recherche Google images n’est exploité que par la société de droit américain GOOGLE Inc, la société française n’étant qu’un des nombreux bureaux commerciaux du «groupe GOOGLE à travers le monde, chargée d’une mission commerciale limitée auprès de certains clients français de services payants» ;

Attendu que, bien que ce soit la société GOOGLE FRANCE qui ait répondu à Max MOSLEY au nom de GOOGLE Inc, il n’est pas justifié qu’elle participe au fonctionnement du moteur de recherche litigieux ;

Que cette société sera donc mise hors de cause ;

 

Sur les demandes tendant à ce que soit interdit à la société GOOGLE Inc de référencer neuf images portant atteinte à la vie privée du demandeur

Attendu qu’ainsi que cela a été précédemment relevé, le tribunal est saisi d’une demande visant à interdire au responsable du moteur de recherche Google images de reproduire sur ses pages de résultats, neuf clichés photographiques provenant d’un enregistrement jugé attentatoire au respect dû à sa vie privée et constitutif d’une infraction pénale ;

Attendu que la société GOOGLE Inc indique dans ses écritures que son service de référencement d’images, dénommé Google images «fonctionne de la même façon que les moteurs de recherche traditionnels», précisant que «des programmes informatiques («robots») indexent constamment et de manière totalement automatique l’ensemble de l’Internet et recueillent l’information ainsi partagée volontairement par des millions d’éditeurs de sites, voire les auteurs de contenus eux mêmes.» ;

Qu’elle précise qu’en «pratique, à la suite d’une requête effectuée sur le site http://images.google.fr/, le moteur Google Images fournit aux internautes une liste de résultats, présenté sous forme de vignettes en basse résolution et dont la source a été identifiée par l’algorithme comme répondant aux mots-clé de l’internaute.», vignettes qui peuvent être grossies et qui sont dotées d’un lien hypertexte permettant d’accéder «au site d’origine» ;

Attendu que la société GOOGLE Inc estime que les mesures sollicitées par le demandeur se heurtent à trois principes qui doivent guider les juridictions ayant à trancher un tel litige : la nécessité d’une base légale, la proportionnalité de la mesure au regard des droits fondamentaux que sont la liberté de communiquer des informations et la liberté d’entreprise et, enfin, la prohibition des arrêts de règlements ;

Attendu que le caractère illicite de la diffusion des images provenant de cet enregistrement de scènes relevant de la sphère la plus intime de la vie privée, apparaît avec l’évidence qui a été constatée par le juge des référés de ce siège dans son ordonnance du 29 avril 2008, estimant que le fait que des atteintes du type de celle dont a été victime Max MOSLEY, soient pénalement réprimées était une «marque de civilisation» ; que ces images ont été jugées constitutives d’un délit pénal en France et sanctionnées par une juridiction britannique ; que le tribunal considère que la publication de ces images porte atteinte au droit de Max MOSLEY au respect de sa vie privée ;

Attendu que, contrairement à ce qu’affirme la société défenderesse, le droit français prévoit, notamment dans l’article 9 du Code civil, la possibilité pour les juges de «prescrire toutes mesures, (…) propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l’intimité de la vie privée», que ce texte, très général quant aux mesures qui peuvent être prises, inclut celles de nature à «empêcher» une telle atteinte et permet donc de prendre des mesures pour l’avenir avant que l’atteinte ne soit réalisée ;

Qu’en outre, et à supposer que l’activité de moteur de recherche permette à la société défenderesse, comme elle le prétend, d’être rangée dans la catégorie des prestataires intermédiaires techniques, au sens de la Directive 2000/31, cette qualité ne fait pas obstacle à ce que lui soient imposées des obligations de retrait ou d’interdiction d’accès dès lors que, ainsi que le prévoient les considérants 45, 46 et 47 de cette Directive, il peut être imposé à ces prestataires de retirer des informations ou de rendre leur accès impossible ; qu’en application de cette directive, l’article 6-I-8° de la loi du 21 juin 2004 dite LCEN, prévoit que l’autorité judiciaire peut prescrire à ces prestataires intermédiaires «toutes mesures propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d’un service de communication au public en ligne», y compris comme le prévoit le 7° «des activités de surveillance ciblées et temporaires»; que l’article L32- 3-4 du Code des postes et des communications électroniques prévoit également la possibilité pour les autorités judiciaires d’ordonner le retrait du réseau des contenus transmis initialement ou d’en rendre l’accès impossible ;

Que la mesure sollicitée de retrait et d’interdiction pour l’avenir des neufs clichés photographiques provenant d’un délit pénal et déjà jugés attentatoires à la vie privée du demandeur, entre largement dans ce cadre légal, même si la société défenderesse pouvait être qualifiée de prestataire intermédiaire ;

Que sans doute, et comme le fait valoir à bon droit la société GOOGLE Inc, les mesures ordonnées doivent elles être proportionnées et limitées dans le temps ;

Que, s’agissant du caractère proportionné de la demande visant au retrait et à l’interdiction de publication sur le moteur de recherche exploité par la demanderesse de neuf images issues de la vidéo litigieuse, il doit être relevé que cette condition est en l’occurrence parfaitement remplie au regard, d’une part, de l’obligation positive qui pèse sur la France en vertu l’article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, de faire respecter le droit subjectif de Max MOSELEY au respect de sa vie privée, et d’autre part, de l’impossibilité où se trouve le demandeur de faire respecter ce droit en n’usant que des seules procédures mises à sa disposition par la défenderesse, soit une demande réitérée à chaque nouvelle mise en ligne d’une de ces images avec l’indication de son URL, procédures qu’il a suivies pendant près de deux ans en vain, ces images, compte tenu de leur nature, réapparaissant sur les pages de résultats du moteur de recherche de la société GOOGLE Inc, systématiquement après une suppression ; qu’ainsi, il est établi que les exigences de la société GOOGLE Inc sont inappropriées en l’espèce pour que le droit de Max MOSLEY soit respecté ; que la mesure sollicitée tendant à obtenir que neuf des images issues de la vidéo en cause n’apparaissent pas sous forme de vignette comme résultat du moteur de recherche est de nature, sinon à supprimer les atteintes portées, du moins à en réduire sensiblement leur portée ;

Que la mesure sollicitée poursuit ainsi un but légitime, la société GOOGLE Inc ne démontrant nullement que la diffusion de ces images serait légitime, se bornant à soutenir à cet égard qu’elle «ne peut tolérer d’être instrumentalisée» pour prendre en charge la réputation de Max MOSLEY sur internet, alors que la mesure de retrait et d’interdiction de référencement par la société GOOGLE Inc de ces images tend à éviter que ce moteur de recherche, en publiant ces images illicites sur les pages de résultats ne participe, en les amplifiant, aux incontestables atteintes qui sont portées sur divers sites internet, au respect dû à sa vie privée ;

Que cette mesure est également «nécessaire dans une société démocratique» au sens de l’article 10§2 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, l’illicéité de ces images étant manifeste et ayant été judiciairement constatée par des juridictions de deux États européens ; qu’il doit être observé que l’interdiction de publier ces images sur les pages de résultats du moteur de recherche Google images ne fait naturellement pas obstacle à ce que cette «affaire judiciaire au retentissement international», comme la qualifie la demanderesse, fasse l’objet de commentaires référencés sur le moteur de recherche, les demandes ne portant que sur la reproduction d’images ;

Attendu, en revanche, que la contestation par la société GOOGLE Inc de l’absence de limite dans le temps de la mesure sollicitée qui la rend trop absolue, doit être admise ;

Attendu, par ailleurs, que la société GOOGLE Inc invoque l’atteinte qu’une telle mesure porterait à ses biens, au sens de l’article 1 du protocole 1 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et du principe de la liberté d’entreprendre ; que la société GOOGLE Inc ne produit cependant aucun élément à l’appui de cette argumentation, se bornant à affirmer que la mesure sollicitée «engendrerait des coûts exorbitants» ;

Que cette allégation est, en outre, contredite par le rapport du professeur MAYER-SCHÖNBERGER (pièce n°21 du demandeur), lequel indique que toutes les images qui s’affichent dans les résultats du moteur de recherche ont été préalablement analysées par Google dans son processus d’indexation, que ces images sont sélectionnées et filtrées, que certaines d’entre elles sont bloquées par nature, telles celles de propagande nazie, et que la mise en place d’un blocage lors de la création d’une liste de résultats ou lors de la mise à jour de l’index du moteur de recherche est, selon lui, simple, peu coûteuse et à la portée d’un «programmateur moyennement expérimenté» ; qu’il souligne également qu’il est possible de filtrer non seulement des copies exactes d’images identifiées mais aussi des copies modifiées, au moyen d’un algorithme plus sophistiqué ; que, citant le logiciel PhotoDNA, il indique que le blocage d’images pédopornographiques, même modifiées, est réalisé avec succès, sans occasionner de sur-blocage, sur le moteur de recherche Bing et sur Facebook site sur lequel il permet d’éviter le transfert de telles images ; que, par ailleurs, les réponses données par des cadres de la société GOOGLE Inc, entendus au Royaume-Unis par la commission LEVESON (pièce 15bis du demandeur), répondant à des questions portant sur le filtrage d’images, n’évoquaient nullement une difficulté technique ou des «coûts exorbitants», mais uniquement le risque de sur-filtrage, les programmes n’étant pas performants pour apprécier «à la manière d’un juge ou d’un tribunal ou de la pensée humaine le contexte dans lequel une image est susceptible d’apparaître», difficulté qui, dans la présente espèce, n’existe pas puisque trois juridictions ont jugé de l’illiceité de ces images et que la mesure est demandée à une autorité judiciaire ;

Que ces éléments établissent que, non seulement aucune atteinte disproportionnée aux biens de la défenderesse au regard de l’atteinte au droit du demandeur, ne saurait résulter de la mesure d’interdiction d’indexation des images incriminées, mais également, et contrairement à ce que fait plaider la société GOOGLE, qu’une telle mesure ne se heurte à aucun obstacle matériel ou technique ; que l’éventuel risque allégué de sur-filtrage d’images proches des neuf images incriminées apparaît tout à fait mineur compte tenu de la nature des images en cause représentant des scènes d’intimité sexuelle, la circonstance qu’une autre image d’une telle nature soit affectée par la mesure litigieuse ne porterait atteinte à aucun droit qui pourrait primer celui de Max MOSLEY au respect de sa vie privée ; que l’arrêt de la Cour de justice de l’Union Européenne en date du 24 novembre 2011 ( Scarlet C70/10), cité par la société défenderesse à l’appui de cette argumentation, ne saurait conduire à apprécier différemment le présent litige dès lors que l’affaire dont était saisie cette juridiction portait sur un filtrage de fichiers relevant du trafic peer to peer visant à protéger des droits d’auteur, le prestataire intermédiaire devant identifier les fichiers contenant des œuvres sur lesquels existaient des droits de propriété intellectuelle et lesquels, parmi ces fichiers, étaient illicitement échangés ; que la complexité de ces recherches rendait effectivement le risque de sur-filtrage, relevé par la Cour de Luxembourg, important, dès lors, de surcroît, que le filtrage sollicité visait non seulement «les œuvres existantes, mais également celles futures qui n’ont pas encore été créées» ; qu’il en va bien différemment des neuf images incriminées, précisément identifiées et dont le caractère illicite est judiciairement reconnu ;

Attendu que l’argumentation de la société défenderesse fondée sur la prohibition des arrêts de règlement édictée par l’article 5 du Code civil, interdisant aux tribunaux de se prononcer par voie générale et réglementaire, ne saurait non plus être accueillie ; qu’en effet, la mesure d’interdiction à la société GOOGLE Inc d’afficher dans des pages de résultats de son moteur de recherche Google images neuf images déterminées, provenant d’une infraction pénale, portant gravement atteinte à sa vie privée et qui ont figuré à plusieurs reprises sur ces pages de résultats, ne porte que sur le litige opposant Max MOSLEY à la société GOOGLE Inc, relatif à l’affichage de ces neuf images sur le moteur de recherche exploité par la société défenderesse ;

Attendu enfin, que la société défenderesse fait valoir que le tribunal ne pourrait réparer et ordonner des mesures d’interdiction visant d’autres sites que google.fr, qui ne visent pas le public de France en application des principes régissant les règles de compétence en cette matière et également compte tenu du fait que de nombreux sites référencés par Google images sont des sites rédigés en langue étrangère ;

Attendu cependant – et abstraction faite de la contradiction qui affecte la position de la défenderesse qui affirme que son moteur de recherche est totalement neutre et passif et soutient que les pages de résultats figurant sur les divers sites internet qu’elle exploite dans le monde pourraient être différentes – que le présent litige porte sur le référencement effectué grâce au moteur de recherche Google images que la société GOOGLE dit être seule à exploiter et à en avoir la maîtrise ; que, s’agissant d’images, il appartient à la société défenderesse de démontrer que les référencements sur des sites internet qu’elle exploite et qu’elle dit être destinés à un autre public que celui situé sur le territoire français, n’ont pas d’impact sur ce territoire où ces images ont été jugées constitutives d’une infraction pénale ;

Attendu, en conséquence, qu’il sera fait injonction, sous astreinte dans les conditions précisées dans le dispositif, à la société GOOGLE Inc de retirer et de cesser l’affichage sur le moteur de recherche Google images qu’elle exploite, accessible en France, des neuf images figurant aux pages 16 et 17 des conclusions de Max MOSLEY régulièrement signifiées par voie électronique le 5 novembre 2012, pendant une durée de cinq ans à compter de l’expiration du délai de deux mois suivant la signification de la présente décision ;

 

Sur la demande de dommages-intérêts

Attendu que pour s’opposer à cette demande, la société GOOGLE Inc fait valoir que l’exploitation du moteur de recherche Google images repose sur une activité de stockage «cache» relevant de l’article L32-3-4 du Code des postes et des communications électroniques transposant l’article 13 de la Directive sur le commerce électronique, dès lors que les moteurs de recherche sont des intermédiaires neutres, que l’affichage est automatique sans intervention humaine, temporaire et ayant pour objet de rendre plus efficace la transmission de l’information ; qu’elle en déduit que sa responsabilité en raison de l’exploitation de son moteur de recherche ne peut être engagée que si elle n’a pas agi avec promptitude «pour retirer les contenus» ou «pour en rendre l’accès impossible dès lors qu’elle a effectivement eu connaissance (…) du fait que les autorités judiciaires ont ordonné de retirer du réseau les contenus transmis initialement ou d’en rendre l’accès impossible» ; que subsidiairement la défenderesse soutient que si son activité est considérée comme assimilable à celle d’un hébergeur, il doit lui être appliquées les limitations de responsabilité prévues par l’article 6-I-3° de la loi pour la confiance dans l’économie numérique, dite LCEN, et notamment que sa responsabilité ne peut être engagée en raison des informations stockées que si elle avait connaissance de l’information illicite et n’a pas agi promptement pour retirer ces informations ou en rendre l’accès impossible, dans les conditions de l’article 6-I-5°, soit l’indication de l’adresse URL de l’information visée ;

Attendu que le moteur de recherche Google images est présenté en défense, comme «un moteur de recherche gratuit de fichiers-images(…)permettant de localiser des photographies, dessins, etc.», que «ce service gratuit fonctionne de la même façon que les moteurs de recherche traditionnels.» « des programmes informatiques «robots » indexent constamment et de manière totalement automatique l’ensemble de l’Internet et recueillent l’information ainsi partagée volontairement par des millions d’éditeurs de sites, voire les auteurs de contenus eux-mêmes.», qu’une fois les informations transmises par les éditeurs des sites, «l’algorithme développé par GOOGLE INC analyse le texte de la page qui entoure un fichier image, ainsi que le titre du fichier image, et se trouve ainsi en mesure d’associer à ce fichier image des mots-clé en fonction de cette situation contextuelle.

Les recherches d’images par les internautes peuvent donc ainsi s’effectuer à partir de la saisie de mots-clé.», que «Google Images fournit aux internautes une liste de résultats, présentés sous forme de vignettes en basse résolution et dont la source a été identifiée par l’algorithme comme répondant aux mots-clé de l’internaute», qu’ «Un simple glissement de la souris sur la vignette en question permet de zoomer légèrement et d’afficher les éléments d’identification du fichier image : le nom du fichier, le site-source de l’image, les dimensions de l’image, etc… les vignettes sont également dotées d’une fonction de lien hypertexte permettant aux internautes, en cliquant sur la vignette, d’accéder au site d’origine, où le fichier-image concerné peut alors être vu dans son format et son contexte originels.»

Attendu qu’il résulte de cette présentation faite en défense, qu’il ne peut être considéré que ce moteur de recherche se borne à réaliser un stockage automatique intermédiaire des images dans le but de rendre plus efficace leur transmission ultérieure, au sens des articles L 32-3-3 et L32-3-4 du Code des postes et des communications électroniques, transposant l’article 13 de la Directive 2000/31, dès lors que ce dernier texte ne vise que le stockage particulier dit «caching» tendant exclusivement à rendre plus efficace la transmission au sens du transport purement technique ; que la modification des images pour les transformer en vignettes, l’analyse des textes les accompagnant et la réalisation d’un classement de présentation sur la page de résultats excluent une telle qualification ;

Attendu, quant à la qualité d’hébergeur, régie par l’article 6 de la LCEN, transposant l’article 14 de la Directive 2000/31, subsidiairement revendiquée par l’exploitant du moteur de recherche Google images, qu’il doit être rappelé que cette qualité ne peut être reconnue qu’au prestataire dont l’activité revêt un caractère «purement technique, automatique et passif», impliquant que ledit prestataire «n’a pas la connaissance ni le contrôle des informations transmises ou stockées» ; que l’hébergeur bénéficie d’une limitation de sa responsabilité laquelle ne peut être engagée du fait des activités et stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons, que si, aux termes de l’article 6-I-2° de la LCEN, il n’avait «pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où [il en a] eu cette connaissance, [il a] agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l’accès impossible» ; que l’article 6-I-5° précise que «la connaissance des faits litigieux est présumée acquise» lorsque sont notifiées certaines informations et notamment «la description des faits litigieux et leur localisation précise» ;

Que le demandeur conteste que l’exploitant du moteur de recherche Google images puisse bénéficier de ce régime, en se fondant notamment sur un Livre Blanc commandé par la société GOOGLE Inc qui, pour répondre aux accusations formulées à son encontre aux Etats- Unis, émanant de concurrents qui se plaignent que «Google donnerait la priorité à ses propres résultats de recherche thématique au détriment des résultats provenant de concurrents spécialisés», revendiquait la liberté de choix éditorial et, partant, le bénéfice du principe de freedom of speech ; que ce texte, en date du 20 avril 2012, rédigé par Eugène VOLOKH et David M. FALK (pièce n°22 du demandeur), tend à démontrer que les résultats des recherches effectuées dans les moteurs de recherche sont le fruit d’un choix éditorial «tout à fait semblable à d’autres choix éditoriaux familiers» comme ceux «effectués chaque jour par les journaux concernant les dépêches des agences de presse à reprendre et le choix de les placer ?en une” ou non» (p.4) sont, par conséquent, protégés au titre du premier amendement de la constitution américaine ; que ce Livre Blanc fait valoir que :

«les algorithmes qui génèrent les résultats des moteurs de recherche sont écrits par des êtres humains. Ce sont des êtres humains qui décident de quelle manière l’algorithme doit prédire l’utilité probable d’une page web pour l’utilisateur. Ce sont ces choix éditoriaux humains qui sont responsables de l’expression de la pensée affichée par le moteur de recherche. Par exemple, l’utilisation révolutionnaire par Google du volume de liens d’autres sites, comme critère de classement des résultats de recherche, était lui-même le résultat du choix éditorial des ingénieurs de Google, selon lequel les liens entrants sont un instrument de mesure juste et quantifiable de la valeur d’un site. Les résultats des recherches sont donc l’expression de la société (Google), de la même manière que l’expression de la pensée créée ou sélectionnée par les salariés d’un journal, est l’expression de la société propriétaire du journal.

(…)
Comme nous l’avons indiqué, le processus d’automatisation se borne

à augmenter la valeur de l’expression de la pensée destinée aux lecteurs au-delà de ce que pourrait produire une décision manuelle. Enfin, les objections à l’encontre des décisions de Google de placer ses résultats de recherche thématiques se posent précisément parce que les salariés de Google sont considérés comme ayant réalisé un choix conscient d’inclure ces résultats a un endroit particulier. (p11) (…)

Bien sûr , les résultats des moteurs de recherche ne sont, en réalité, pas que de simples faits : il s’agit d’un recueil de faits qui sont organisés et classés à l’aide du choix incarné par les algorithmes des moteurs de recherche et ces choix et algorithmes représentent les opinions des sociétés à l’égard de ce qui devrait être présenté aux internautes. (p.13) (…) le gouvernement ne peut exiger qu’un moteur de recherche réponde à des attentes hypothétiques et indéfinies d’objectivité abstraite. Les internautes raisonnables comprennent que déterminer, sur plusieurs milliards de pages Internet, celles qui sont les plus pertinentes pour une requête spécifique implique un choix subjectif…(p.18)»

Attendu que ce n’est pas sans fondement que le demandeur considère que ce Livre Blanc contient un exposé du fonctionnement du moteur de recherche Google «en tout point contraire à ce que Google plaide devant les tribunaux français» ; que si, en réponse, la société GOOGLE Inc, d’une part, affirme que, comme cela est précisé sur ce document, les opinions qu’il contient ne sont pas nécessairement celles de Google et, d’autre part, confirme que ses «algorithmes émanent de la pensée humaine des ingénieurs, et sont configurés pour opérer automatiquement des choix, notamment dans le classement des contenus indexés, en fonction de nombreux critères définis par avance, de façon abstraite et générale (tels que la popularité des sites, calculée notamment en fonction du nombre de liens hypertextes pointant vers ces derniers)», reconnaît «que GOOGLE INC intervient effectivement au niveau de la configuration de l’architecture technique du moteur de recherche», mais conteste la moindre «intervention d’ordre éditorial sur les contenus eux-mêmes», il demeure que ce choix éditorial, même s’il ne porte pas sur les contenus eux-mêmes, ce qui n’est pas démontré par la société défenderesse, ne correspond pas au rôle neutre et passif qui implique que l’hébergeur, au sens de l’article 6 de la LCEN et de l’article 14 de la Directive européenne 2000/31, n’a pas la connaissance ni le contrôle des informations transmises ou stockées d’autant que, s’agissant d’images, la société GOOGLE Inc les modifie pour les réduire en vignettes permettant leur agrandissement ;

Attendu, en toute hypothèse, qu’à supposer néanmoins, qu’un moteur de recherche puisse être dans certains cas, assimilé, du point de vue de la responsabilité de son exploitant, à un hébergeur, il conviendrait de déterminer si, dans cette présente occurrence, il peut se prévaloir des dispositions de l’article 6-5° qui prévoient les conditions dans lesquelles la connaissance de l’illicéité d’un contenu est présumée acquise, dès lors que la société GOOGLE avait été informée au mois de juin 2009 de la déclaration judiciaire d’illicéité des images litigieuses et avait procédé à de très nombreux retraits jusqu’au mois de décembre 2010 ;

Qu’en effet, la liste des éléments, figurant au 5° de l’article 6 précité, qui doivent être fournis à l’hébergeur pour qu’il soit “présumé” avoir connaissance «des faits litigieux», ne saurait conduire à exclure, en toute hypothèse, la responsabilité de celui-ci s’il est établi par d’autres moyens qu’il ne peut ignorer ces faits et leur illicéité ;

Qu’en l’espèce, la société défenderesse avait été informée au mois de juin 2009 de l’illiceité des images provenant de l’enregistrement réalisé à l’insu du demandeur, qu’elle avait procédé à de très nombreux retraits de ces images de son moteur de recherche ; qu’elle a cependant refusé de faire droit à la demande de Max MOSLEY, formulée par courriel du 3 novembre 2010, puis par mise en demeure en date du 28 décembre suivant, qui soulignait la vanité de ses incessantes démarches, les images litigieuses revenant en permanence sur les pages de résultats du moteur de recherche Google images, et sollicitait que ces images soient retirées des résultats de ce moteur de recherche ; que, tant dans sa réponse par courriel en date du 10 novembre 2010, que dans celle par courrier du 6 janvier 2011, la société GOOGLE invoquait son refus de «faire la police sur internet» comme l’absence d’obligation pesant sur elle de «surveillance a priori des contenus qu’elle indexe» ;

Que ce refus de supprimer les images litigieuses, lesquelles figuraient sur son moteur de recherche ainsi que cela résulte du procès-verbal de constat d’huissier en date du 26 avril 2011, alors qu’elle avait connaissance de l’atteinte que ces images portaient à la vie privée du demandeur ainsi que des autorités judiciaires l’avaient décidé, a engagé sa responsabilité ;

Que le préjudice du demandeur, compte tenu de la particularité de cette affaire sera jugé comme un préjudice de principe qui sera, en conséquence, évalué à 1 euro ;

Attendu que l’exécution provisoire, nécessaire compte tenu de l’ancienneté des faits et compatible avec les circonstances de la cause, sera prononcée ;

Qu’enfin l’équité conduit à condamner la société défenderesse à verser à Max MOSLEY la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL, statuant publiquement par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,

Rejette le moyen soulevé de l’irrecevabilité des demandes, Met hors de cause la société GOOGLE FRANCE,

Ordonne à la société GOOGLE Inc, sous astreinte de mille euros (1 000 €) par manquement constaté passé le délai de deux mois suivant la signification de la présente décision, de retirer et de cesser, pendant une durée de cinq années passé ce délai de deux mois, l’affichage sur le moteur de recherche Google images qu’elle exploite, des neuf images dont Max MOSLEY a demandé l’interdiction et qui sont reproduites en pages 16 et 17 de ses conclusions datées du 2 novembre 2012 et régulièrement signifiées par voie électronique le 5 novembre suivant,

Se réserve la liquidation de l’astreinte,

Condamne la société GOOGLE Inc à verser à Max MOSLEY UN EURO (1 €) de dommages-intérêts outre CINQ MILLE EUROS (5 000 €) sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

Ordonne l’exécution provisoire de la présente décision,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la société GOOGLE Inc aux dépens de la présente instance.

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