Le Laboratoire de cyberjustice de l’Université de Montréal œuvre activement au développement d’une application logicielle de gestion de salle d’audience depuis maintenant un an. Initialement, le projet d’Interface de salle d’audience (« ISA ») visait uniquement à développer une interface simplifiée facilitant la gestion de l’infrastructure logicielle de la salle d’audience du Laboratoire, à la fine pointe de la technologie.
Toutefois, face à l’immense potentiel de cet outil et à l’enthousiasme de ses premiers utilisateurs, une version web d’ISA fut conçue afin d’extraire les fonctionnalités de gestion de la salle d’audience hors de son infrastructure physique, de manière, une fois son développement finalisé, à en permettre le contrôle à partir d’une plateforme mobile. Ce faisant, ISA assurera la mise en réseau de tous les acteurs d’un procès, notamment le juge, les avocats et les parties. Concrètement, chaque acteur sera en mesure d’accéder, par le biais d’une tablette numérique ou d’un téléphone intelligent connecté à Internet, à une interface personnalisée lui permettant, au moment approprié, de contrôler les fonctions pertinentes de la salle d’audience.
Un avocat pourra par exemple, dans le cadre de l’interrogatoire d’un témoin, afficher directement toute documentation numérique sur les écrans de la salle d’audience, puis l’annoter en temps réel afin de mettre l’emphase sur les éléments qu’il juge les plus pertinents. Ce témoin pourra quant à lui avoir accès à la documentation en question sur sa tablette et en prendre connaissance à son rythme, en plus d’également pouvoir procéder à son annotation. Les accès à l’interface mobile seront accordés et retirés à chaque acteur du procès par le greffier au moment opportun, sur instruction du juge.
Le développement d’ISA s’insère dans la perspective des travaux novateurs du Laboratoire de cyberjustice. Fondé en 2010, le Laboratoire œuvre à la modélisation des processus judiciaires et extrajudiciaire, ainsi qu’à l’étude de l’incidence de l’informatisation du processus judiciaire sur le procès, de même que sur l’ensemble des intervenants audit processus, le tout à travers une approche pluridisciplinaire.
Ceci étant, le Laboratoire est conscient que les implications découlant de la mise en place d’une application telle qu’ISA au sein du système judiciaire québécois seraient considérables, notamment en altérant la manière dont chaque acteur d’un procès s’acquitte de son rôle. De manière plus significative, la simplification du procès, la diminution des coûts y étant associés et l’accroissement de l’accessibilité conséquents à l’utilisation d’ISA à grande échelle nous forceraient à revoir notre conception du processus judiciaire. Des procès plus efficaces, plus simples et moins longs favoriseraient indéniablement les justiciables et seraient plus en phase avec la prééminence des outils technologiques dans nos vies quotidiennes, ainsi qu’avec le rôle central qu’ils confèrent aux utilisateurs. Par ailleurs, l’ensemble des applications logicielles du Laboratoire – à commencer par ISA – sont conçues et développées dans une optique de simplicité, de partage et de flexibilité, cohérente avec notre objectif global d’assurer un meilleur accès à la justice grâce à la technologie.
Il nous faut toutefois reconnaître que, dans une perspective opérationnelle, la mise en place à grande échelle d’ISA nécessiterait la présence de trois éléments précis. Tout d’abord, un équipement permettant d’assurer le partage d’information entre des outils informatiques et audiovisuels devrait être disponible dans les salles d’audience en question (minimalement un ordinateur, un écran, et une connexion réseau « Wifi »). Par la suite, les greffiers appelés à siéger dans lesdites salles devraient recevoir une formation accélérée sur le fonctionnement, l’utilisation et la gestion d’ISA. Finalement, une trousse d’information simplifiée devrait être mise à dispositions des juges, avocats et clients appelés à utiliser ces salles d’audience.
Ce processus de mise en place se trouverait facilité par le fait qu’ISA utilise des technologies fonctionnant entièrement sur le Web et développées en code ouvert, de même que par sa grande flexibilité. Ainsi, ISA pourrait par exemple aisément s’adapter à une variété de configurations technologiques de salles d’audience, allant de la plus élémentaire (un ordinateur, un écran et une connexion réseau) à la plus complexe. De plus, advenant la généralisation des capacités de visioconférence et de « streaming », ISA pourrait servir d’interface permettant à une partie d’intervenir à distance lors d’une audience.
Nous croyons fermement à la possibilité de procéder rapidement à la mise en place d’ISA une fois son développement finalisé. À l’heure actuelle, l’application est fonctionnelle et fut testée avec succès, le 13 juin dernier, devant un auditoire d’une trentaine de personnes dans le cadre de l’École d’été sur la cyberjustice 2014. Le développement se poursuivant, nous croyons fermement que l’intégration d’ISA au sein du système judiciaire constituerait une avenue concrète et abordable vers sa modernisation et vers l’amélioration de l’accès à la justice!