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Internet coupable ou fléau inévitable ?

29 septembre 2014
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« Respecter l’autre, c’est le considérer en tant qu’humain, et reconnaître la souffrance qu’on lui inflige ».  

Marie-France Hirigoyen.                                                                                                                                                           

                                                                                                                

Les faits

Le 16 septembre 2014, une adolescente a mis fin à ses jours en Belgique. Les réseaux sociaux sont à nouveau montrés du doigt. En effet, dans les jours qui ont suivis, les parents ont découvert que la jeune fille était harcelée sur internet. Le site Ask.FM permet aux utilisateurs d’échanger leurs points de vues sur une série d’informations, mais aussi d’envoyer anonymement des propos blessants et désobligeants.

En l’espèce, la jeune fille aurait reçu des messages insultants en rapport avec son physique qui l’aurait incité à mettre fin à ses jours. Selon le père de la victime, il existe nécessairement un lien direct entre le suicide de sa fille et sa dépendance aux nouvelles technologies. Il affirme qu’ « elle vivait dans une bulle où le moindre souci devenait une montagne à surmonter ». Il poursuit en disant qu’en raison de l’exposition qu’ils entraînent, les réseaux sociaux ont tendance à exacerber les problèmes que les adolescents sont amenés à surmonter dans leur vie quotidienne.

 Le droit belge en matière de cyber-harcèlement

 Le cyber harcèlement peut être définit comme : « l’utilisation des technologies de l’information et de la communication (courriel, téléphone cellulaire, messagerie texte, sites web personnels et sites web de votes) pour soutenir des comportements délibérés, répétés et hostiles d’une personne ou d’un groupe dans le but de causer du tort aux autres. »

 La  loi du 30 octobre 1998 insère un article 442bis dans le Code pénal réprimant le harcèlement et libellé comme suit :

 « Quiconque aura harcelé une personne alors qu’il savait ou aurait dû savoir qu’il affecterait gravement par ce comportement la tranquillité de la personne visée, sera puni d’une peine d’emprisonnement de quinze jours à deux ans et d’une amende de cinquante francs à trois cents francs, ou de l’une de ces peines seulement ».

 De plus, l’article 145 §3.2°  de la loi du 13 juin 2005 relative aux communications électroniques prévoit une amende de 500 à 50.000 EUR et/ou un emprisonnement de un à quatre ans pour la personne qui utilise un réseau ou un service de communications électroniques ou d’autres moyens de communications électroniques afin d’importuner son correspondant ou de provoquer des dommages.

Contrairement à d’autres pays européens, la Belgique a fait le choix d’incriminer le cyber-harcèlement en tant que tel. Selon nous, le fait de réprimer un comportement déviant constitue un acte symboliquement fort et nécessaire.

Cependant, nous déplorons que les poursuites en la matière soient encore trop rares. Deux raisons principales peuvent expliquer ce phénomène. Tout d’abord, les poursuites judiciaires pour harcèlement nécessitent une plainte de la victime (Cass., 25 avril 2012). Pourtant, nous savons que ces dernières sont très souvent inconscientes ou trop effrayées pour demander de l’aide. Ensuite, l’absence d’une définition légale de l’élément matériel de l’infraction respectant le principe de légalité des incriminations et des peines est souvent invoquée par la défense pour empêcher une éventuelle condamnation.Par conséquent, nous invitons le législateur belge à revoir sa copie afin d’apporter les modifications qui s’imposent.

 Les conséquences de l’hyper-connectivité

 Selon un rapport établit par l’observatoire des droit de l’internet, un jeune sur trois est victime de cyber-harcèlement en Europe. Ces statistiques nous amène à nous interroger sur la raison et le fonctionnement de ce phénomène. Autrement dit, nous cherchons à  comprendre comment les nouvelles technologies influencent les rapports sociaux en matière de harcèlement moral. Le harcèlement chez les jeunes implique la prise en compte de l’hyper-connectivité.

Autrefois, une dispute à l’école était un évènement ponctuel sur la ligne du temps. Lorsque les protagonistes se retrouvaient le lendemain, une fois l’émotion retombée, ils arrivaient à renouer le dialogue. Dans le cas contraire, ils pouvaient encore s’éviter momentanément ou pour toujours.

Aujourd’hui, l’internet, les réseaux sociaux permettent aux jeunes de rester connecté en permanence. De ce fait, le conflit prend une tout autre dimension. Tout d’bord, la dispute ponctuelle devient permanente, car les insultes continuent dans le monde virtuel. Ensuite, alors que la querelle était bilatérale, elle devient publique via les réseaux sociaux. Cela permet à toute une série d’intervenants de débattre et éventuellement d’envenimer la situation. Enfin, la publicité du conflit engendre très souvent une escalade de violence qui peut être amplifiée par l’anonymat. Par conséquent, force est de constater que l’hyper-connectivité engendre chez la victime une souffrance accrue.

 Conclusion

Le cyber-harcèlement n’est pas un phénomène nouveau. Le site Ask.FM a déjà fait de nombreuses victimes en Europe et aux USA, sans qu’aucune mesure de fermeture du site ne soit envisagée. Nous pensons que la prévention est la meilleure manière de contrecarrer ce fléau. C’est d’ailleurs ce que recommande un rapport français sur la lutte contre la cybercriminalité.

Dans le même ordre d’idée, la Belgique a mis en place un système de signalement permettant aux internautes de dénoncer à la police les infractions qu’ils constatent. En tout état de cause, l’usage des réseaux sociaux est une bonne chose à condition de savoir s’en servir, car cela peut devenir un outil pouvant nuire à ses utilisateurs.

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