Les services d’écoute de musique en ligne ont connu depuis ces derniers jours une actualité particulièrement florissante, mais force est de reconnaître que leurs fortunes sont bien diverses. Parmi eux, Deezer et Spotify, figurant à la catégorie des poids lourds de l’activité, s’extraient visiblement le mieux de la joute tandis que GrooveShark voit sa chute se profiler inéluctablement.
Le premier, né en France en 2007, vient d’entamer sa tentative de percée sur le marché américain, qui fut officiellement annoncée le 10 septembre dernier et amorcée cinq jours plus tard. La société a pris le parti de proposer son offre en partenariat avec le fabricant de matériel Hi-Fi Sonos et de se lancer dans le créneau du son de très haute définition. Bien qu’il soit évidemment trop tôt pour en évaluer les retombées, il est raisonnable de penser que cette stratégie dénote une bonne santé financière de la société.
Le second, développé en 2006 en Suède, a officiellement été lancé sur le marché canadien ce mardi 30 septembre. La raison principale de ces huit années d’absence tient à la négociation entre Spotify et la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN) portant sur l’attribution d’une licence et la rémunération au prorata des artistes locaux. L’exploitation du contenu canadien par Spotify est donc légale, adéquate et se conforme à la gestion collective du droit d’exécution et du droit de communication comme entendue par la Commission du droit d’auteur du Canada dans une décision rendue le 16 mai 2014.
L’intérêt principal de ce billet ne réside cependant pas dans l’étude des deux cas évoqués précédemment, mais comme son titre laisse l’entendre dans l’actualité récente qui a touché le site GrooveShark.
Originellement client de P2P, la plate-forme est devenue un service d’écoute de musique en ligne en mars 2007. Sa jeune histoire ne lui a pourtant pas évité les écueils juridiques. Ainsi en est-il de l’exploitation douteuse des licences négociées avec EMI Music et du défaut de paiement répété des droits d’auteur dont elle s’est rendue coupable.
La saga judiciaire les unissant a commencé le 5 janvier 2012, lorsque EMI Music a intenté un procès contre GrooveShark pour non-exécution des obligations du contrat. Alors qu’un compromis portant sur une somme de $450 000 avait été trouvé, GrooveShark ne s’est pas acquitté du paiement d’un premier versement de $100 000, en conséquence de quoi, EMI a décidé de révoquer unilatéralement ses engagements avec la plate-forme. « La perte d’EMI revêt une importance significative pour GrooveShark dans la mesure où elle était la seule major de l’industrie du disque à conférer des licences au service d’écoute de musique en ligne. » comme l’analysait Greg Sandoval sur cNET.com.
Le site d’écoute de musique en ligne n’en était pourtant pas à son coup d’essai en matière de mauvaise publicité. Ainsi en 2011, Google avait décidé de retirer de son catalogue Google Play l’application GrooveShark disponible sur tablettes et téléphones intelligents sous Android, suite à une plainte de la Recording Industry Association of America (RIAA). Depuis le 23 juillet 2013, la plate-forme n’apparaît d’ailleurs plus dans les suggestions de résultats du moteur de recherche Google.
GrooveShark aurait certainement dû faire contre mauvaise fortune bon cœur. L’estocade pourrait en effet lui avoir été portée ces derniers jours.
À l’origine d’une plainte déposée en novembre 2011 par Universal Music Group (UMG), l’exploitation des licences contractées avec les majors de l’industrie musicale n’est plus maintenant la question, mais bien le respect des droits d’auteur.
Aux termes de la loi américaine, et notamment de l’Online Copyright Infringement Liability Limitation Act (OCILLA), GrooveShark ne pouvait être tenu directement responsable si les morceaux hébergés illégalement avaient été ajoutés par des tiers utilisateurs, mais était dans l’obligation de les retirer du catalogue dans les plus brefs délais une fois signalés. UMG affirme en l’espèce que non seulement des utilisateurs, mais aussi des employés de GrooveShark auraient ajouté plus de 100 000 titres à son catalogue en parfaite méconnaissance du Digital Millenium Copyright Act of 1998, de l’US Copyright Office Summary.
Le procès, auquel se sont notamment joints Sony Music Entertainment et Warner Music Group, a pris le 29 septembre une tournure qui laisse présager du pire pour le site d’écoute de musique en ligne GrooveShark. Le juge fédéral Thomas P. Griesa de la U.S. District Court de Manhattan a en effet estimé que GrooveShark s’est rendu coupable d’une violation massive des droits d’auteur, portant sur 5977 morceaux téléchargés sans permission par ses employés et responsables.
La prochaine étape de ce procès résidera dans la fixation des dommages et intérêts qui pourraient s’élever à plusieurs centaines de millions de dollars, avant un éventuel appel formé par les avocats de GrooveShark.
L’avenir a beau être incertain pour GrooveShark, il n’est résolument pas brillant.