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Mais qui étaient ces « Charlies »…

Christian R. Hamacher

Étudiant dans le cadre du cours DRT-6929E.
22 janvier 2015
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…qui profitent de l’émotion générale pour tenter d’améliorer leur image internationale !? 

N’EST PAS CHARLIE QUI VEUT OÙ PRESQUE, DU MOINS, LE TEMPS D’UNE MARCHE !

Bras dessus bras dessous, tous unis pour défendre la liberté. La liberté de la presse, la liberté d’expression. Toutefois à y regarder de plus près, certains n’avaient vraiment rien de « Charlie ». La plus part des gouvernants qui entouraient le Président Hollande lors du défilé du 11 janvier à Paris sont habituellement les « clients » de la plume des journalistes assassinés le 7 janvier dernier. Des chefs d’État ou de gouvernements qui ne respectent pas les droits fondamentaux, qui ont pris ces dernières années des mesures de restriction de la liberté d’expression et d’association. Le Secrétaire Géneral de l’ONG Reporters Sans Frontières s’est d’ailleurs «indigné de la présence de représentants de pays répressifs de la liberté d’information».

Au nom de quoi les représentants de régimes prédateurs de la liberté de la presse viennent-ils défiler à Paris en hommage à un journal qui a toujours défendu la conception la plus haute de la liberté d’exception ?», interroge le secrétaire de l’ONG, soutenant que dans ces pays «les journalistes et les blogueurs sont systématiquement brimés, tels l’Egypte, la Russie, la Turquie, l’Algérie et les Emirats arabes unisAu classement mondial de la liberté de la presse publié par RSF, ces pays sont respectivement 159e, 148e, 154e, 121e, 118e sur 180e.

Triste ironie, voilà le genre de défilé d’hypocrites que Charb, Cabu, Wollinski, Honoré ou Tignous n’auraient pas hésité à caricaturer.

Parmi la liste (non exhaustive) des invités gênants, on a pu apercevoir le premier ministre Turc dont le gouvernement a arrêté plus de 70 journalistes; le Ministre des Affaires Étrangères d’Égypte, qui a emprisonné la rédaction d’Al Jazeera et détenu le journaliste Shawkan pendant 500 jours ou encore le Roi et la Reine de Jordanie qui ont ordonné la fermeture de 300 sites internet en moins d’un an, et condamné l’année dernière un journaliste palestinien à 15 ans de prison avec travaux forcés. Mais la palme de l’imposture revient à l’Arabie Saoudite. Cette dernière qui fouettait publiquement Vendredi 9 janvier (soit deux jours avant la marche Républicaine Parisienne) le blogueur Raif Badawi des 50 premiers coups de fouet d’une série de 1000.

ILS SONT CHARLIES MAIS PAS RAIF !

Le blogueur susmentionné, dont la famille est établie à Sherbrooke, a été sanctionné de 10 ans de prison, 1 000 coups de fouet et une amende en plus d’une interdiction de voyager pendant dix ans à sa sortie de prison et D’UTILISER LES MEDIAS. Comme l’explique RFI, Raif Badawi a été reconnu coupable d’insultes à l’islam, d’apostasie et de désobéissance au père, un délit en Arabie saoudite. Le jeune militant paie en fait ses écrits critiquant la place de la religion dans l’ultraconservatrice société saoudienne. « La laïcité est une solution pour sortir des pays comme le nôtre du tiers-monde », écrivait-il par exemple en 2010, selon The Guardian (en anglais)« Les États qui sont fondés sur la religion confinent leurs peuples dans un cercle de foi et de peur », poursuivait-il, louant la séparation de l’Église et de l’État dans les pays européens.

Si son intervention sur la toile l’a fait condamner, aujourd’hui, c’est peut être grâce aux réseaux que le vainqueur du prix Reporter sans Frontières pour la liberté de la presse 2014 va échapper à la flagellation.  Dans la foulée du #JesuisCharlie des attentats de Paris, le mot-clé #JesuisRaif est apparu sur Twitter. Face à cette mobilisation internationale et à quelques jours de leur défilé « hypocrite » dans les rues de Paris les gouvernements n’avaient pas d’autres choix que de demander au Roi Abdallah d’intervenir. Ce dernier aurait en effet demandé à la Cour Suprême de l’Arabie Saoudite de réexaminer le dossier du blogueur.

LE # MOT-DIESE VECTEUR INCONTOURNABLE DE LA LIBERTE D’EXPRESSION !?

Face à nos politiques qui omettent parfois le principe fondamental susvisé, le « # » serait-il devenu l’alarme la plus efficace pour signaler les atteintes à la liberté d’expression ? À titre d’exemple, mots-dièses #twitterisbloquedinturkey est rentré dans « l’histoire » depuis que le premier ministre turc, Recep Tayyip, a bloqué Twitter le 20 mars 2014. C’est à partir du moment (et seulement à partir de ce moment-là) où le « htag » a commencé à voler au-dessus des time-lines que la presse internationale a relayé la situation inquiétante dont souffraient les internautes turcs. « # » permet de créer et de donner de l’ampleur à des mouvements citoyens nationaux ou internationaux et –en fonction de leurs popularités- de placer les atteintes à la liberté d’expression au centre des débats médiatico-politique et de mettre nos dirigeants face au tribunal populaire d’internet. Ainsi le #jesuisRaif a permis d’attirer l’attention sur le cas du  blogueur Saoudien. Peut-être le sauvera t’il.

Toutefois, si les #jesuisCharlie ou #jesuisRaif connaissent actuellement un succès qui se compte en million de « followers » ce n’est pas le cas du #CharlieCoulibaly de l’humoriste Français Dieudonné qui s’est vu placé en garde à vue pour apologie du terrorisme suite à son poste sur Facebook dans la soirée du 11 janvier dernier :

Après cette marche historique, que dis-je… Légendaire ! Instant magique égal au Big Bang qui créa l’Univers ! …ou dans une moindre mesure (plus locale) comparable au couronnement de Vercingétorix, je rentre enfin chez moi. Sachez que ce soir, en ce qui me concerne, je me sens Charlie Coulibaly. 

#JESUISDIEUDO OU PAS !?

Liberté d’expression, liberté d’être amnésique ou réelle apologie du terrorisme et incitation à la haine ? À chacun son opinion mais c’est à croire que les « Charlies » de la semaine passée (dont le premier ministre Français et son ministre de l’intérieur) ont déjà oublié la raison de leur marche dominicale.

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