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Respect de la vie privée et projet de Loi C-51 : le gouvernement Canadien est-il allé trop loin ?

Étudiant dans le cadre du cours DRT 6929-O
24 mars 2015
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Le parlement est actuellement saisi pour l’étude du projet de Loi C-51, aussi appelé « Loi antiterroriste de 2015 ». Ce projet de loi, porté par le Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, ne fait pas l’unanimité et certains affirment qu’il représente une menace importante pour le respect de la vie privée en raison, notamment, d’une surveillance facilitée de la population. Le Nouveau Parti démocratique s’y est opposé et les Libéraux ont annoncés qu’ils supporteront le projet de loi même s’ils estiment que certaines modifications peuvent être introduites. À travers le pays, de nombreux citoyens se sont réunis pour protester contre C-51 qu’ils jugent extrémiste. Mais qu’est-ce que cette loi va changer et quels sont les enjeux et conséquences de son adoption pour le gouvernements et les canadiens ?

Présentation et critiques de C-51

La Loi antiterroriste de 2015 se divise en 3 parties qui couvrent respectivement la communication d’information ayant trait à la sécurité du Canada (LCISC), la sûreté des déplacements aériens et le code criminel. En matière de respect de la vie privée c’est principalement la première partie de C-51 qui fait débat car les conditions dans lesquelles des informations peuvent être collectées et partagées dépassent les activités terroristes.

À la lecture de la loi, nous constatons que des termes vastes sont utilisés et d’autres redéfinis. Ainsi, plutôt que d’employer la définition du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) pour tout ce qui attrait aux menaces envers la sécurité du Canada, la LCISC propose sa propre définition de ce qui est considéré une « activité portant atteinte à la sécurité ». La portée de cette vaste définition dépasse également la notion d’ « activité terroriste » telle que décrite dans le code criminel. Cela permettrait au gouvernement de mener à bien des activités de surveillance dans de nombreux cas non exclusifs aux activités terroristes, sous le couvert par exemple de la « sécurité publique » ou de la « stabilité économique ou financière du Canada ». Ainsi, des manifestants ou militants pourraient être directement visés par C-51.

De plus, la portée du partage des renseignements personnels est vaste et inclut, jusqu’à présent, 17 institutions canadiennes. Notons que le Centre de la sécurité des télécommunications (CST) fait partie de cette liste ce qui nous laisse à penser que les résultats d’actions de surveillance sur Internet pourraient facilement être partagés avec C-51. La loi encadre aussi la notion de communication subséquente en permettant aux institutions qui ont de l’information « de l’utiliser ou de la communiquer de nouveau à toute personne […], et ce à toute fin ».

C-51 et la gestion des données personnelles

Aucun élément n’a été ajouté au projet de loi pour s’assurer de la pertinence et intégrités des informations partagées, en d’autres termes, aucune imposition de garanties. Les personnes qui conduisent des recherches doivent s’assurer de la véracité des informations et de leurs analyses pour que des affaires comme celle de Maher Arar ne se reproduisent plus. Ce sujet est sensible et le projet de loi C-51 ne prend pas en considération les résultats et bonnes pratiques suggérées par la commission d’enquête Arar. Cet oubli a été qualifié de « Arar amnesia » par les professeurs Forcese et Roach.

Nous constatons aussi que le projet de loi C-51 vient diminuer la portée de la Loi sur la protection des renseignements personnels qui est assez permissif et n’impose pas beaucoup de contraintes au secteur public en matière de collection, stockage et utilisation de données. C-51 propose un vaste champ d’action et ne précise aucunes conditions quant à la façon dont ces dernières seront analysées, conservées et supprimées.

Ainsi, de grandes quantitées d’information sur les citoyens pourraient être conservées pour des durées indéterminées, car aucune limite n’a été précisée quand à la période de conservation. Il s’agit là d’un changement radical  de politique pour le gouvernement canadien. Le regroupement de données permettrait aussi d’obtenir plus d’informations pertinentes grâce au data mining.

Enfin, notons également que le commissariat à la protection de la vie privée n’a pas été invité a partager publiquement ses remarques concernant le nouveau projet de loi. Son expertise aurait toutefois été pertinente pour se rapprocher d’une loi qui respecte plus la vie privée.

Quelques suggestions

Certaines modifications pourraientt être introduites dans C-51 pour assurer un meilleur respect du droit à la vie privée. Au delà de la redéfinition des termes qui décrivent ce qui représente une menace pour la sécurité du Canada, nous constatons qu’il faut clarifier quelles informations seront collectées, comment elles seront partagées et combien de temps elle seront conservées.

Le partage des informations entre institutions devrait ainsi être régit par des ententes écrites pour assurer qu’elles ne communiquent seulement des données pertinentes et qu’il n’y a aucune dérive. La conservation des données devrait aussi être limitée dans le temps : les informations doivent seulement être utilisées pour la raison de leur collecte et il faut, par la suite, les détruire. De plus, il apparaît primordial de documenter et préciser toutes les étapes du cycle de vie des données, chose que C-51 ne fait pas explicitement. Cette non précision accorde aux institutions gouvernementales une grande marge de manœuvre.

En définitif, le projet de loi C-51 vise une sécurité accrue en proposant une large définition de ce qui représente une menace, ce qui au final en diminue sa portée. De plus, cette volonté de sécurité se fait au détriment du respect de la vie privée, sujet de préoccupation pourtant important pour les canadiens. La question n’est pas d’interdire des mesures visant à protéger le Canada, mais de s’assurer que ces mesures respectent la vie privée de chaque individu. Il s’agit donc là d’un débat entre, d’un côté le gouvernement qui veut avoir le plus de libertés en matière de surveillance, et de l’autre la population qui demande des garanties. Une chose est certaine : c’est un projet de loi sensible dont l’avancement de l’étude mérite d’être suivi de près.

 

 

 

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