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Embarquement immédiat! Tous les passagers du vol sont priés de fournir leurs données personnelles au Fichier d’Information Passagers (Passenger Name Record – PNR)!

13 avril 2015
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Dans les couloirs institutionnels de l’Union européenne, circule de nouveau le projet PNR (Passenger Name Record). Passé presqu’inaperçu, sans doute grâce à l’émotion provoquée par les récents attentats de Paris, ce projet de texte avait pourtant peu d’espoir de voir le jour.

Né en 2011 sous la forme d’une proposition de directive relative à l’utilisation des données des dossiers passagers, ce projet marquait une nouvelle étape dans la politique européenne de surveillance de masse et de stockage des données. Bien que l’existence des PNR ne soit plus un secret, ce projet était bloqué au Parlement européen depuis sa soumission après avoir été rejeté la même année par la Commission des libertés civiles. Celle-ci estimait que le texte était trop attentatoire aux droits fondamentaux. La décision de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) du 8 avril 2014 n’a d’ailleurs pas facilité un éventuel déblocage. En effet, la Cour, saisie de la question de la conservation des données et de la validité de la Directive 2006/24/CE au regard de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, a jugé que celle-ci était invalide au motif

qu’elle comporte une ingérence dans es droits fondamentaux d’une vaste ampleur et d’une gravité particulière dans l’ordre juridique de l’Union sans qu’une telle ingérence soit précisément encadrée par des dispositions permettant de garantir qu’elle est effectivement limitée au strict nécessaire.

Les réticences, pourtant majeures, des parlementaires européens semblent s’être soudainement évaporées. L’atteinte manifeste aux droits fondamentaux qui était reprochée sans équivoque à ce texte n’apparait plus comme insurmontable aux yeux des mêmes parlementaires qui font preuve cette fois d’un volontarisme soudain. En effet, c’est le Parlement européen qui s’est empressé, suite aux attentats de Paris, de relancer le débat sur le projet PNR dans la perspective de faire adopter rapidement un projet de résolution (porté par Timothy Kirkhope) qui – disons-le clairement – est une copie conforme à la proposition de directive de 2011. Les seuls changements substantiels proposés touchent au délai de conservation des données dites sensibles qui est ramené à 30 jours et à l’application qui est cette fois limitée aux infractions dites terroristes et aux crimes transnationaux graves. Il convient néanmoins de noter la volonté de ce projet d’instaurer un droit de recours pour les passagers.

Pourtant, bien que ces changements aient une réelle portée pratique, les finalités du texte restent les mêmes : récolter les données des passagers à leur insu, traiter ces mêmes données et les archiver pour une durée allant jusqu’à 5 ans. En effet, la question n’est pas tant de savoir s’il est tolérable de récolter et traiter ce type de données, mais plutôt l’absence d’accord préalable des passagers. La lutte contre le terrorisme, une fois encore le socle pour légiférer, et ce à grande vitesse, justifie bien trop souvent des mesures exorbitantes de droit commun en violation claire des droits et libertés fondamentales, sans qu’aucun recours ne soit réellement possible et/ou contrôle effectué.

Si le nouveau projet se veut plus restrictif et mieux encadré que le texte initial, il n’en demeure pas moins qu’il soulève les mêmes questions. Comment trouver le juste équilibre entre la prévention et la poursuite des actes terroristes et la protection des données et de la vie privée ? Peut-on justifier une législation qui s’ingère dans nos vies sur la base d’un besoin sécuritaire quand ce même besoin sécuritaire n’est pas lui-même défini clairement ?

La sécurité semble de plus en plus prédominer sur les droits et libertés. Le terrorisme fait peur, et ce à juste titre. Reste que personne ne sache réellement ce dont on parle. Certes, il faut parvenir à prévenir les actes terroristes et poursuivre leurs auteurs présumés. Cependant, ne serait-il pas plus légitime de le faire sur la base d’une définition claire et précise de l’adjectif « terroriste » et selon des critères ciblés ?

 

 

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