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Google espionne-t-il les données collectées sur les étudiants américains ?

Étudiant dans le cadre du cours DRT-6929O.
18 mars 2016
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La polémique commence au début de l’année 2016, lorsque le sénateur de l’état du Minnesota, Al Franken, décide d’envoyer une lettre au CEO de Google, Sundar Pichai. Dans cette lettre, Al Franken questionne le géant des technologies américains sur l’utilisation des données personnelles recueillies dans le cadre d’un programme destiné aux écoliers. Si Google admet bien collecter les données des étudiants utilisant ses services, qu’est-ce que l’une des entreprises les plus puissantes du monde fait-elle effectivement de ces données ? Menons l’enquête aux États-Unis et au Canada sur un programme qui facilite néanmoins la personnalisation des résultats et les progrès des écoliers.

Quelles données Google collecte-t-il réelement ?

Commençons notre enquête par quelques explications d’ordre pratique. Dans le cadre d’un programme baptisé Google Apps For Education (GAFE), Google fournit gratuitement un ensemble de services aux écoliers américains du K12, âgés de 4 à 19 ans, ainsi qu’aux universités. Cela concerne ainsi un large public d’environ 30 millions d’étudiants et de professeurs à travers les États-Unis. Parmi l’éventail de services fournis, nous retrouvons donc les outils phares de Google tels que Gmail et Google Docs par exemple, mais aussi un espace de stockage via le cloud. Les ordinateurs portables estampillés Google sont aussi proposés à bas prix, avec la suite de logiciels offerts par Google préinstallée sur la machine. Le but de cet arsenal est ainsi de favoriser l’accès aux nouvelles technologies au sein du système éducatif américain sans pour autant ruiner les contribuables.

Cette promesse ne serait cependant pas totalement gratuite selon plusieurs utilisateurs du GAFE. À la fin du mois de janvier 2016, quatre étudiants et diplômés de l’université de Californie à Berkeley poursuivent la firme de Mountain View pour avoir scanné leurs conversations via courriel à des fins commerciales. Même si Google dément recourir à de telles pratiques, le débat reste cependant ouvert.

En effet, Google admet se servir des données des utilisateurs du GAFE, mais seulement dans l’optique de servir au mieux les écoliers et d’améliorer ses services. C’est d’ailleurs ce que répond Google au Sénateur Franken en rappelant la responsabilité des écoles et le nécessaire consentement des parents :

«Personal information collected in GAFE core services is used solely to provide those services. Schools are responsible for compliance with the Children’s Online Privacy Protection Act of 1998, including obtaining parental consent for collection of students personal information in GAFE core services ».

Il suffirait donc de bien faire attention à lire les termes du contrat avant d’y consentir et de le signer.

Le cadre juridique canadien protège-t-il nos enfants ?

Même si le Canada est un des rares pays à protéger les enfants de moins de 13 ans face à la publicité, notamment sur le Web, qu’en-est-il de la collecte des données à des fins commerciales ? Ce segment de clientèle est en effet très lucratif puisque les enfants canadiens âgés entre 9 et 14 ans exercent un pouvoir d’influence sur l’achat de leurs parents estimés à plus de 20 Milliards de dollars par an.

Le Canada a par ailleurs participé en 2015 à ratifier la troisième édition du Global Privacy Enforcement Network (GPEN). Une des tendances importantes de ce sommet fut justement de constater l’augmentation de la collecte des informations personnelles des enfants faites par des sites internet ou des applications :

« Some websites and apps also offered free-text chat functions, which open the door to the inadvertent collection of personal data ».

Afin de contrer cette menace, le GPEN propose par exemple d’utiliser des noms d’utilisateurs prédéfinis à la place des vrais noms des enfants. Si nous revenons dans la cadre de l’utilisation des technologies de l’information dans les établissements d’enseignement, cela diminuerait sensiblement la personnalisation du programme, mais améliorerait la confidentialité des écoliers.

Que dire donc au niveau de la collecte d’informations dans le cadre du GAFE, si celle-ci a vraisemblablement reçu le consentement de la part de ses utilisateurs ? Selon la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (LPRPDE)

« le consentement de l’intéressé n’est valable que s’il est raisonnable de s’attendre à ce qu’un individu visé par les activités de l’organisation comprenne la nature, les fins et les conséquences de la collecte, de l’utilisation ou de la communication des renseignements personnels auxquelles il a consenti ».

Nous pouvons donc nous poser la question à savoir si les professeurs et parents des écoliers utilisant le GAFE avez bien pris conscience que leurs données et comportements allaient être collectées et exploitées par Google.

La LPRPDE va plus loin et propose même aux entreprises de ne pas avoir besoin du consentement de l’utilisateur d’un service numérique dans le cas où

« la collecte du renseignement est manifestement dans l’intérêt de l’intéressé et le consentement ne peut être obtenu auprès de celui-ci en temps opportun ».

Imaginons que le GAFE soit développé au Québec, cela signifierait que Google peut collecter les informations des écoliers si la firme arrive à prouver l’utilité de cette démarche.

VERDICT

En somme, Google semble bel et bien ne pas se servir des informations recueillies dans le cadre du GAFE à des fins commerciales. Mais le fait de seulement posséder ces informations et de les utiliser à des fins éducatives pose-t-il problème ? La question de l’arbitrage entre la personnalisation de l’éducation et la sécurité des écoliers reste ainsi ouverte et le cadre juridique canadien en est pour l’instant toujours au stade du constat.

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