Le Tribunal de l’Union européenne (« Tribunal »), dans un arrêt publié le 24 février 2016, est venu confirmer la décision de mars 2014 de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (« OMHI », « Office ») qui avait refusé la demande de The Coca-Cola Company (« Coca-Cola ») d’enregistrer une marque de commerce sur des bouteilles en métal, en verre et en plastique qui reprenaient la forme de la bouteille iconique en verre, mais sans les cannelures. Bien que Coca-Cola prétendait devant l’Office que les nouvelles bouteilles sans cannelures étaient tout simplement une « évolution naturelle de sa célèbre bouteille emblématique » qui était protégée par une marque communautaire, l’équivalent d’une marque de commerce au Canada, l’organisme public avait rejeté cet argument en mentionnant que les cannelures étaient, dans ce cas précis, la distinction nécessaire afin d’obtenir la protection de la loi. En effet, en vertu de l’article 2 de la directive 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil de l’Union européenne, il est mentionné que :
Article 2
Signes susceptibles de constituer une marque
« Peuvent constituer des marques tous les signes susceptibles d’une représentation graphique, notamment les mots, y compris les noms de personnes, les dessins, les lettres, les chiffres, la forme du produit ou de son conditionnement, à condition que de tels signes soient propres à distinguer les produits ou les services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises. »
(Soulignements ajoutés)
Alors que cette explication donnée par l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur pourrait donner l’impression que seules les bouteilles en verres avec cannelures sont distinctives de la compagnie Coca-Cola, l’Office a justifié sa décision en expliquant que :
« la [nouvelle] marque demandée devait être évaluée en tenant compte de la perception de ce signe par le public pertinent, sans supposer que ledit public établirait un lien direct et immédiat entre ce signe et la bouteille à contours avec cannelures pour laquelle la requérante est reconnue dans le monde entier. »
Par conséquent, il ne serait pas possible pour le détendeur d’une marque, tel que la compagnie Coca-Cola, de demander une nouvelle marque, en l’occurrence la bouteille sans cannelures, en prétendant que celle-ci est tout simplement l’évolution d’une marque dont nous détenons déjà, en l’occurrence la bouteille en verre sans cannelures. Une telle analyse conjointe ne saurait satisfaire à l’exigence de la loi. La deuxième chambre de recours de l’OHMI dans une décision datée du 27 mars 2014 (affaire R 540/2013‑2) rejeta donc la demande d’enregistrement de Coca-Cola.
Insatisfait de la décision de l’OMHI, la société américaine de boissons gazeuses poursuit alors l’organisme public devant le Tribunal de l’Union européenne afin que soit annulée la décision. À l’appui de son recours, Coca-Cola soulève deux moyens, à savoir la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 et la violation de l’article 7, paragraphe 3, dudit règlement.
Arrivé devant le Tribunal et en ce qui concerne la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, reproduit ci-dessous, le Tribunal commence par faire un survol de la jurisprudence et mentionne que dans les circonstances où il est question de bouteilles de boissons gazeuses, « seule une marque qui, de manière significative, diverge de la norme ou des habitudes du secteur et, de ce fait, est susceptible de remplir sa fonction essentielle d’origine n’est pas dépourvue de caractère distinctif (voir arrêt Freixenet/OHMI […], EU:C:2011:680, point 47 et jurisprudence citée) ».
Article 7
Motifs absolus de refus
« 1. Sont refusés à l’enregistrement :
[…]
-
b) les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif ; »
« La bouteille ne présente pas de caractéristiques permettant de la distinguer par rapport aux autres bouteilles disponibles sur le marché. En effet, la marque demandée ne constitue qu’une variante de la forme d’une bouteille, qui ne permet pas au consommateur de différencier les produits de Coca-Cola de ceux des autres entreprises », explique le Tribunal dans son arrêt avant de conclure que la marque demandée était donc bel et bien dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.
Arrivé au second moyen soulevé par Coca-Cola, à savoir la violation de l’article 7, paragraphe 3, reproduit ci-dessous, et donc la prétention selon laquelle la bouteille aurait acquis un caractère distinctif par l’usage, le Tribunal mentionne qu’il « convient de vérifier si, au regard de la jurisprudence […], la requérante [, Coca-Cola,] a pu établir que le signe en cause avait acquis, avant qu’elle présente la demande d’enregistrement, un caractère distinctif par l’usage dans l’ensemble de l’Union pour une partie significative du public pertinent. »
Article 7
Motifs absolus de refus
« 1. Sont refusés à l’enregistrement :
[…]
- b) les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif ;
[…]
3. Le paragraphe 1, points b), c) et d) n’est pas applicable si la marque a acquis pour les produits ou services pour lesquels est demandé l’enregistrement un caractère distinctif après l’usage qui en a été fait. »
Après avoir procédé à l’examen de la jurisprudence et de la preuve déposée au dossier suite aux enquêtes auprès du public, le tribunal européen rejette la prétention de Coca-Cola en mentionnant que « les enquêtes [auprès du public] ont été réalisées dans dix États membres de l’Union, à savoir le Danemark, l’Allemagne, l’Estonie, la Grèce, l’Espagne, la France, l’Italie, la Pologne, le Portugal, le Royaume-Uni, alors que l’Union comptait 27 États membres à la date du dépôt de la demande d’enregistrement. » Selon le Tribunal, « il est nécessaire d’établir l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage sur tout le territoire sur lequel la marque serait dépourvue d’un tel caractère. »
Sur ces mots, le Tribunal de l’Union européenne rejette donc le recours de la requérante, Coca-Cola, sur les deux moyens qu’elle a soulevés à l’égard de la décision de la chambre de recours de l’OMHI et, se faisant, confirme les conclusions de celle-ci, en condamnant Coca-Cola à payer les dépens.
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Veuillez prendre note que cet article a été rédigé avant l’entrée en vigueur du règlement (UE) n° 2015/2424 du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement sur la marque communautaire, prévue pour le 23 mars 2016. À compter de cette date, en plus d’un changement de nom de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur pour devenir l’« Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle » (EUIPO), la marque communautaire sera dorénavant dénommée « marque de l’Union européenne ».