Le géant américain Amazon a déposé un brevet le 19 octobre 2015 et ce dernier a été publié le 10 mars dernier. Le brevet explique comment ils pourront confirmer un paiement à l’aide d’un « selfie ». Ce nouveau processus permettra la reconnaissance faciale d’un être humain (vivant) :
« A transaction is authorized using an authentication process that prompts the user to perform an action in view of a camera or sensor. The process identifies the user and verifies that the user requesting the transaction is a living human being. »
Ainsi, selon les informations disponibles dans le brevet, il sera impossible de déjouer l’application en essayant de se faire passer pour quelqu’un d’autre avec une photo ou avec une personne morte.
Pour ma part, je suis mitigé par cette nouvelle. D’un côté, cela pourra venir combler le vide occasionné par l’absence de signature lors d’une transaction faite en ligne. D’un autre côté, Amazon aura en sa possession nos visages et nos expressions faciales.
Substitut à la signature
En préambule à ce sujet, voici 2 définitions provenant respectivement du Code civil du Québec (CCQ) et de la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information (LCCJTI) :
- 2827 CCQ. La signature consiste dans l’apposition qu’une personne fait à un acte de son nom ou d’une marque qui lui est personnelle et qu’elle utilise de façon courante, pour manifester son consentement.
- 39 LCCJTI. Quel que soit le support du document, la signature d’une personne peut servir à l’établissement d’un lien entre elle et un document. La signature peut être apposée au document au moyen de tout procédé qui permet de satisfaire aux exigences de l’article 2827 du Code civil.
Les contrats qui nécessitent des signatures (ex : contrat à exécution successive) pourront, à mon avis, être conclus à l’aide de la reconnaissance faciale. Selon les informations disponibles sur Service Québec, il est obligatoire d’avoir un contrat écrit pour un contrat à exécution successive et celui-ci doit être signé. Par exemple, les contrats de cours de langue ou de danse sont considérés comme des contrats à exécution successive. De plus en plus de consommateurs s’inscrivent à des cours ou activités en ligne. Donc, ils doivent apposer leur signature sur ces contrats. En ce moment, les pratiques de l’industrie et d’imprimer le formulaire, le signer, le numériser et de l’envoyer via courriel. Un mode de paiement comme celui breveté par Amazon pourra simplifier le processus. Selon moi, notre visage est une marque personnelle qui peut être utilisé pour manifester notre consentement de la même manière que la signature le fait en ce moment.
Notre visage
Au préalable, Amazon devra constituer une banque de données contenant les visages de ses utilisateurs pour être en mesure de confirmer l’authenticité du visage de la personne. Cette technique d’authentification ce nomme la biométrie. La Commission d’accès à l’information du Québec (CAI) classe les systèmes biométriques en 2 grandes catégories :
- La biométrie morphologique est basée sur l’identification de traits physiques particuliers qui, pour toute personne, sont uniques et permanents. Cette catégorie regroupe la reconnaissance des empreintes digitales, de la forme de la main, de la forme du visage, de la rétine et de l’iris de l’œil.
- La biométrie comportementale , quant à elle, se base sur l’analyse de certains comportements d’une personne comme le tracé de sa signature, l’empreinte de sa voix, sa démarche et sa façon de taper sur un clavier.
Selon le brevet d’Amazon, les deux catégories de systèmes biométriques seront utilisées. Tout d’abord, la forme du visage fait partie de la biométrie morphologie. Par la suite, pour s’assurer qu’il s’agit d’une personne et non d’une photo, Amazon demandera une action comme un sourire ou un clin d’œil. Ces actions font parties de la catégorie de la biométrie comportementale. Le géant du commerce électronique qui possède déjà les noms et les adresses de ses clients, aura probablement la bibliothèque de renseignement personnelle la mieux garnie du marché.
Heureusement, au Québec, il existe une loi qui encadre l’utilisation d’une telle technologie soit la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information possède un article en lien avec cette pratique :
45-La création d’une banque de caractéristiques ou de mesures biométriques doit être préalablement divulguée à la Commission d’accès à l’information. De même, doit être divulguée l’existence d’une telle banque qu’elle soit ou ne soit pas en service.
La Commission peut rendre toute ordonnance concernant de telles banques afin d’en déterminer la confection, l’utilisation, la consultation, la communication et la conservation y compris l’archivage ou la destruction des mesures ou caractéristiques prises pour établir l’identité d’une personne.
La Commission peut aussi suspendre ou interdire la mise en service d’une telle banque ou en ordonner la destruction, si celle-ci ne respecte pas ses ordonnances ou si elle porte autrement atteinte au respect de la vie privée.
Bref, l’avenir nous dira si la reconnaissance faciale comme confirmation de paiement aura été bénéfique ou maléfique pour les consommateurs. Qui sait, Amazon sera peut-être la raison tant attendu pour arrêter de prendre des selfies.