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Sexting en toute intimité

Étudiante dans le cadre du cours DRT 6929O.
18 mars 2016
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« Sexting », premier geste de ce qui pourrait constituer du Revenge Porn. Les discussions sur le sujet fusent de partout et à tous les niveaux. Il y a quelques jours, CBC news rapportait qu’une ancienne assistante de cours Albertaine devra purger un an de prison après avoir échangé des messages texte sexuellement explicites avec deux élèves mineurs. Aux États-Unis, une vingtaine d’États ont légiféré sur la pratique du sexting et plus récemment en Californie où un projet de loi a été présenté à l’Assemblée législative, qui permettrait désormais aux écoles d’expulser ou de suspendre un étudiant s’étant adonné au sexting. La sexting y a été décrit comme étant :

“[…]the dissemination of, or the solicitation or incitement to disseminate, a photograph or other visual recording by a pupil to another pupil or to school personnel by means of an electronic act with the purpose or effect of humiliating or harassing a pupil. ”

Cet effort s’inscrit dans les mesures draconiennes afin d’aborder les problèmes de cyberintimidation et de Revenge Porn chez les jeunes Américains.

Au Canada, la Loi C-13, entrée en vigueur il y a un an suite à l’affaire Rehtaeh Parsons, a introduit une nouvelle infraction au Code criminel, soit l’article 162.1 qui traite de la publication/distribution/vente non consensuelle d’une image intime, offrant ainsi une nouvelle assise au recours en matière de Revenge Porn. Dans cette même vague, l’art 163.1 du Code criminel, quant à lui, régit les infractions relevant de la pornographie juvénile. L’objectif de ces dispositions est de protéger les mineurs contre l’exploitation sexuelle et ses conséquences. Or, ces dispositions n’écartent pas le scénario impliquant deux mineurs consentants s’échangeant des photos intimes, puisque la loi ne vient pas directement adresser la question du consentement. À ce titre, l’arrêt Sharpe rendu en 2000, vient introduire la possibilité d’exceptions à ces dispositions:

« En conséquence, la validité du par. 163.1(4) devrait être confirmée pour le motif que la définition de la « pornographie juvénile », à l’art. 163.1 , doit être considérée comme incluant une exception visant (1) les écrits ou représentations créés par l’accusé seul et conservés par ce dernier exclusivement pour son usage personnel; (2) tout enregistrement visuel créé par l’accusé ou dans lequel ce dernier figure, qui ne représente aucune activité sexuelle illégale et qui est conservé par l’accusé exclusivement pour son usage personnel.  Ces deux exceptions s’appliquent également à l’infraction de « production » de pornographie juvénile prévue au par. 163.1(2) (mais pas à l’impression, à la publication ou à la possession de pornographie juvénile en vue de la publication).  Les exceptions ne pourront pas être invoquées par la personne qui nourrit des intentions autres que la simple possession personnelle. »

La cour, en parlant du cas d’un couple d’adolescents :

« Ainsi, par exemple, la disposition [163.1(4)] ne s’appliquerait pas à un couple d’adolescents qui créerait et conserverait des photos sexuellement explicites d’eux-mêmes séparément ou ensemble en train de se livrer à une activité sexuelle légale, pourvu qu’ils aient pris les photos ensemble et qu’ils ne les aient échangées qu’entre eux.  Le fardeau de la preuve à l’égard de ces catégories d’exceptions serait semblable à celui qui s’applique aux moyens de défense fondés sur la « valeur artistique », le « but éducatif, scientifique ou médical » et le « bien public ».  L’accusé soulèverait l’exception en indiquant des faits susceptibles de lui permettre de s’en prévaloir, après quoi il incomberait au ministère public d’établir hors de tout doute raisonnable que cette exception ne s’applique pas. »

Ce que l’on peut comprendre c’est que l’usage personnel qui est fait d’images intimes/vidéos et le fait qu’elles soient conservées dans la sphère privée pour le seul bénéfice de ceux qui y sont représentés relève de l’exception. En ce sens et d’un point de vue pratique tant que le sexting respecte ces balises il serait très étonnant de voir les autorités s’en mêler. D’ailleurs au Canada, aucun cas n’a été rapporté faisant état de mineurs consentants inculpés sous l’art 163.1 (4) C.cr, mais on ne peut pas en dire autant aux États-Unis où ces lois qui se veulent protectrices des jeunes se retrouvent a être utilisées pour les incriminer.

La professeure Dr. Shaheen Shariff, experte en politiques sociolégales relative à l’utilisation des médias sociaux chez les jeunes, est d’avis que la situation canadienne demeure encore floue et que la notion de « sextage consensuel » mériterait d’être revue, afin de ne pas pénaliser la nouvelle génération, pour qui texter est devenue une seconde nature.

 

 

 

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