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« Pourriez-vous répéter plus près du cellulaire » : ou la surveillance électronique sans mandat

cc Ruth Suehle

16 avril 2016
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Le 12 avril dernier, on annonçait la mise sous enquête de la Gendarmerie Royale du Canada (GRC) par le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada concernant des allégations d’utilisation de technologies d’espionnage interdites. Bien que l’on soit enclin à admettre qu’une force de police devrait avoir accès à toutes informations pertinentes relatives aux enquêtes en cours, une question dérange : devrait-elle pouvoir le faire au détriment de la vie privée des canadiens? Personne n’étant au dessus de la loi, l’équipe d’enquête se doit d’adhérer aux lois et règlements en la matière.

L’affaire en question repose sur l’utilisation d’appareils d’espionnage téléphonique IMSI-catcher (International Mobile Subscriber Identity), mieux connus sous le nom de StingRays. Ces appareils « [mimics] a cellphone tower and collects information such as identifying data, text messages and phone calls from people’s cellphones ». Le Commissariat devra entre autre déterminer si la GRC à enfreint les lois canadiennes concernant la protection des renseignements personnels et autres lois relatives à la vie privée. Jusqu’à présent, la GRC est demeurée muette sur l’utilisation d’une telle technologie.

La situation liée à l’utilisation de StingRays en est une préoccupante aux Etats-Unis. Or, il s’agit d’une problématique nouvelle et inconnue au Canada. En 2014, la Cour suprême de Floride à conclu à l’inconstitutionnalité de l’utilisation d’appareils StingRays sans mandats.

Dans la décision, le juge Labarga souligne que :

« Simply because the cell phone user knows or should know that his cell phone gives off signals that enable the service provider to detect its location for call routing purposes, and which enable cell phone applications to operate for navigation, weather reporting, and other purposes, does not mean that the user is consenting to use of that location information by third parties for any other unrelated purposes. »

L’inconstitutionnalité fut donc reconnue en raison de l’inadéquation entre l’utilisation, sans mandats, d’une telle technologie et les lois sur la vie privée. Comme le sougline Jodan Pearson, un des risque majeur associé à l’utilisation de StingRays est le fait qu’ils opèrent dans un environnement physique donné et sont donc susceptible de capter de l’information appartenant à des individus non visés par l’enquête.

Il n’en fallait pas plus pour enflammer le débat sur la question et OpenMedia a lancé une vaste campagne de mobilisation contre l’utilisation de ces dispositifs de surveillance. Une des questions lancées par OpenMedia est la suivante « [police] aren’t allowed to bug your living room and listen in on your conversations without a warrant. Why should they be allowed to do the same on your phone? ».

Est-ce qu’un corps de police pouvait raisonnablement utiliser la technologie sans obtenir l’autorisation préalable de l’entité gouvernementale responsable des communications radios au Canada. Innovation, Sciences et Développement économique Canada constitue le ministère fédéral chargé de la règlementation des communications radio au pays. Or, les fonctionnaires du ministère affirment ne pas avoir autorisé l’utilisation d’une telle technologie. Selon eux, bien qu’un juge puisse autoriser un mandat autorisant l’utilisation d’un appareil de type StingRay, les forces de police risquent d’agir en contravention avec les politiques de l’ISDE, ce dernier étant responsable des ondes publiques sur lesquelles reposent les communications cellulaires.

La loi reste discrète sur l’utilisation d’appareils comme le StingRay et il ne semble exister aucunes directives précises sur l’utilisation de cette technologie. Malgré tout, il reste que selon le Code criminel l’utilisation d’un « enregistreur de données de transmission » doit faire l’objet d’un mandat délivré par un juge.

492.2 (1) […] un juge de paix ou un juge peut délivrer un mandat autorisant un agent de la paix ou un fonctionnaire public à obtenir de telles données au moyen d’un enregistreur de données de transmission.

La terminologie employée dans la rédaction de l’article nouvellement mis en vigueur, semble suggérer l’incorporation des appareils IMSI dans le spectre des « enregistreurs de données de transmission ». Ainsi, si rien n’empêcherait a priori l’utilisation d’appareils StingRay, il reste néanmoins que ceux-ci doivent être utilisés, au minimum, en concordance avec un mandat délivré par un juge.

Ultimement rappelons que la Cour suprême s’était prononcée dans R c Spencer 2014 SCC 43 et soulignait que « [43] Westin identifies anonymity as one of the basic states of privacy. Anonymity permits individuals to act in public places but to preserve freedom from identification and surveillance ». Les données étant obtenues grâce à l’utilisation d’appareils IMSI étant amenées à révéler de l’information sensible, sur des activités anonymes, et facilitant la traque des individus.

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