Adobe a annoncé, le 22 mars, l’arrivée du service Co-op, une fonctionnalité de « retargeting cross-device » très attendue dans le domaine du marketing web. Jusqu’à présent, si suivre un visiteur sur un support ne représente pas un défi technique, il était beaucoup plus compliqué de savoir s’il avait déjà visité le site sur un autre support.
Comment ça fonctionne ?
Le « retargeting » est une technique qui consiste à placer un outil appelé tracker sur le navigateur d’un visiteur. Le tracker, un cookie ou un pixel par exemple, est déposé lors de la visite d’une page ou lorsque le visiteur réalise une action particulière.
Le problème, c’est que les visiteurs n’utilisent pas toujours qu’un seul support. Pour savoir si un visiteur desktop est le même qu’un visiteur mobile, le tracker, qui dépend du navigateur, ne suffit pas. Pour suivre un utilisateur, certains sites ont recours à une méthode très simple : créer un compte. Ca fonctionne très bien mais le système ne se prête pas à tous les sites, comme le souligne le communiqué de presse d’Adobe sur le su
“Currently, only brands like Google and Facebook, which have huge numbers of users logged into their ecosystems regularly, have been able to keep track of consumers as they move from one device to another.”
Le but du « retargeting » est de servir de la publicité ciblée aux visiteurs pour maximiser le revenu des annonceurs, et des éditeurs par la même occasion. Or, quand on perd la trace du visiteur entre deux supports, on perd en pertinence dans la publicité servie, en clics et donc en achats.
Selon Strategy Analytics, une personne possède en moyenne 1.7 supports de connexion : desktop, mobile, tablette. Ce chiffre devrait passer à 4.3 d’ici 2020. C’est dans ce contexte aux enjeux économiques importants que l’annonce d’Adobe survient.
Échange de données
Ce que souhaite faire Adobe, c’est de créer un réseau coopératif d’échange de données entre entreprises : le Adobe Co-op. Les données partagées permettront de créer des liens entre des supports utilisés par la même personne ou le même foyer sous forme de “device clusters”.
Ce sont des entreprises qui utilisent déjà la solution Marketing Cloud d’Adobe qui seront invitées à partager leurs données. Si le système s’appelle Co-op, c’est parce que, pour profiter de l’information partagée par les autres, les entreprises devront partager les leurs.
De plus, Co-op prévoit que les données recueillies auprès des visiteurs ne soient partagées qu’entre Adobe et l’entreprise qui les a collectées. Si l’entreprise A autorise Adobe à se servir de certaines données sur ses utilisateurs, c’est Adobe qui traite ces données pour créer des device clusters. Lorsque l’entreprise B, membre du réseau, aura besoin de l’information, elle ne connaîtra que ces device clusters.
D’un point de vue légal
Au Canada, la jurisprudence à donné la définition suivante d’un renseignement personnel :
“[33] Ainsi, les renseignements, quels que soient leur forme et leur support, sont des renseignements « concernant » un individu s’ils « permettent » d’identifier l’individu ou « rendent possible » son identification, que ces renseignements soient utilisés seuls ou combinés avec des renseignements d’autres sources […]”
Le problème légal que soulève le programme Co-op est le partage des renseignements sur les visiteurs, qui semble être contraire à la Loi sur la Protection des renseignements personnels dans le secteur privé :
“13. Nul ne peut communiquer à un tiers les renseignements personnels contenus dans un dossier qu’il détient sur autrui ni les utiliser à des fins non pertinentes à l’objet du dossier, à moins que la personne concernée n’y consente ou que la présente loi ne le prévoie.”
Adobe se prémuni contre cette faille par plusieurs moyens. Le premier est de s’assurer que les informations échangées soient anonymes, c’est-à-dire qu’elles ne permettent pas de connaître l’identité du visiteur :
“The Co-op will not share any personal data, such as name, email or phone number, or site visit data among its members, addressing a key privacy concern commonly associated with cross-device technologies. Consumers will have privacy controls that exceed industry standards.”
Le Consentement…
Les sites participants devront intégrer à leur politique de confidentialité une mention sur le programme Co-op. De plus, la politique de Co-op prévoit aussi que les visiteurs d’un site participant auront le choix de décliner le partage de leurs données. L’entreprise recueille ainsi le consentement de ses clients, comme le prévoit l’article 13 cité ci-dessus.
L’ironie du sytème veut que ce soit un cookie, déposé sur le navigateur du visiteur qui indique que celui-ci a décliné. Ainsi, un visiteur qui efface ses données de navigation, et donc ses cookies, sera de nouveau « retargeté » sur plusieurs supports et ses informations seront partagées à nouveau…