Depuis de nombreuses semaines, la polémique concernant la non-réglementation du réseau de taxi privé Uber ne cesse d’attiser les tensions. Au Québec, l’affrontement s’intensifie puisqu’aucun projet de loi n’a encore été déposé. Or, c’est principalement la situation en Belgique et aux États-Unis qui nous préoccupent actuellement.
Bruxelles et la Loi Thévenoud
Cette loi française fut adoptée en 2014, et entrée en vigueur le 1er janvier 2015, réglementent les taxis et les voitures de transport avec chauffeur. Cette loi avait pour objectif de restaurer un équilibre concurrentiel. Toutefois, suite à une plainte déposée par la société Uber, la Commission européenne procède actuellement à un examen de la loi en question afin de déterminer si elle enfreint les principes inscrits au droit de l’Union européenne.
Bruxelles commence à faire de la pression afin de connaître où en est la Commission européenne dans ces travaux et se dit prête à déposer une notification à la France, soit la première étable à prendre lorsqu’un État de l’Union européenne croit que la loi d’un autre État membre viole les traités européens.
En effet, on critique deux mesures de la Loi Thévenoud, soit : l’interdiction pour une société d’assurer la mise en relation des clients avec des chauffeurs et le fait que seuls les taxis officiels peuvent être géolocalisés. À l’heure actuelle, l’objectif est d’arriver à un terrain d’entente et d’ainsi éviter de se rendre devant les tribunaux pour poursuivre le débat de la Loi Thévenoud.
Comme au Québec, et comme ce fut le cas dans de nombreuses villes et de nombreux États, la légalité de Uber est contestée et la réglementation en place s’affronte à cette nouvelle forme de prestations de service de transport de personnes.
À San Francisco : Les chauffeurs sont-ils des salariés ?
Les enjeux concernant Uber sont nombreux. En attentant un procès qui se penchera sur la question de savoir si les chauffeurs sont des salariés ou des travailleurs indépendants, San Francisco exige aux chauffeurs une redevance comme s’ils étaient des indépendants. Cela avait incité d’anciens chauffeurs à intenter un recours contre Uber afin d’être considérés comme des salariés et d’ainsi bénéficier d’avantages sociaux.
La Labor Code of California, à son article 2750.5, exige la preuve de certains éléments pour conclure que le travailleur est indépendant. Cependant, les Cours appliquent généralement les onze critères développés dans dans S.G. Borello & Sons, Inc. v. Department of Industrial Relations.
Ces derniers sont :
- whether the worker is engaged in an occupation separate and distinct from that of the principal
- whether the work is part of the regular business operations of the principal
- who provides the tools, materials, and equipment for performing the work
- whether the worker has invested in any equipment or materials to perform the work
- whether the work requires a special skill
- whether the work being done is of the kind that doesn’t require direction or supervision by theprincipal
- whether the worker has an opportunity for profit or loss in the business
- how long the services are to be performed
- how permanent the relationship is
- how the worker is paid, whether by the hour or by job, and
- whether the parties believe that they have created an employment relationship (although thisfactor is not determinative). »
En fin de soirée, le 21 avril on rapportait que les parties ont décidé de régler l’affaire hors cour. Suite à cet accord entre les parties, de nombreux changements seront faits dans la pratique d’Uber, en plus de devoir payer 100 millions de dollars aux chauffeurs de l’action collective (une affaire similaire intentée dans cet État fut réglée au même moment). Cela implique qu’on ne pourra être fixé sur le statut d’emploi selon la loi puisque l’entente entre les parties fut de conserver le statut de travailleur indépendant des chauffeurs. D’ailleurs, une affaire de 2015 avait permis à une ancienne chauffeuse californienne de se faire payer ses dépenses puisque le Commissaire avait conclu que la dame en question était une employée. Rien n’est donc garanti pour Uber. D’ailleurs, comme le précise l’avocate des chauffeurs de taxi dans son communiqué concernant l’entente du 21 avril :
« Importantly, the case is being settled—not decided. No court has decided here whether Uber drivers are employees or independent contractors and that debate will not end here. This case, however, with this significant payment of money, and attention that has been drawn to this issue, stands as a stern warning to companies who play fast and loose with classifying their workforce as independent contractors, who do not receive the benefits of the wage laws and other employee protections. As a result of this litigation, many companies have chosen to go the other way and not fight this battle, and instead to classify their workers as employees with all the protections that accompany that classification.»
Amende record en Pennsylvanie ?
Enfin, la côte est américaine n’est pas épargnée. De fait, pendant près de 6 mois, Uber fût en fonction en Pennsylvanie de manière illégale. En effet, Uber n’avait pas obtenu l’autorisation de la Pennsylvania
Public Utility Commission qui est pourtant requise par l’article 29.352 du Public Utility Code. Le 21 avril dernier, la Commission à sanctionner Uber pour une somme record de 11.4 millions de dollars. Bien que cette amende soit très élevée et témoigne de l’importance que l’État accorde au respect de sa régulation, Uber peut se réjouir de ne pas avoir à payer les 49.9 millions qui étaient initialement demandés.
Suivant sa décision du 21 avril, la Commission a ajouté :
« We recognize that the service provided by transportation network companies is very popular with consumers and is meeting a need that incumbent passenger carriers were not providing,” […] “Accordingly, we are pleased that new transportation options are available to customers throughout this Commonwealth. We look forward to working with our colleagues and the Pennsylvania General Assembly in crafting a regulatory scheme that serves the public interest in safe, modern and affordable passenger transportation services in this Commonwealth. »
Ces propos nous sont pertinents afin de prendre conscience du fait que le Québec, la France, la Belgique et tous les pays où Uber fait son arrives, ne sont pas les seuls à être confronté à une difficile application de la législation actuelle à la réalité d’Uber. Que ce soit au niveau du statut du chauffeur, de la légalité des services ou encore de l’importance que l’on accorde à ce que cette entreprise s’insère dans le cadre législatif existant. De nombreux développements sont à prévoir et ce n’est pas demain que toutes ces questions se régleront.