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L’acte notarié technologique bientôt possible au Québec?

24 novembre 2019
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Les notaires affirment clairement, une fois de plus, leur intention de faire la transition vers le numérique. En effet, la Chambre des notaires, par le biais de son programme « Émergence », qui vise la modernisation de la profession, vient de publier un Guide relatif à la numérisation des dossiers et de la comptabilité en fidéicommis des notaires. Ce guide du praticien se veut simple et convivial, afin d’assurer la transition d’une documentation papier vers une documentation numérique, et ce, en conformité avec la Loi concernant le cadre des technologies de l’information (ci-après « LCCJTI »), le Règlement sur la tenue des dossiers et des études des notaires (ci-après « Règlement sur les dossiers ») et le Règlement sur la comptabilité en fidéicommis des notaires (ci-après « Règlement sur la comptabilité »). 

Le guide aborde, en tout premier lieu, les avantages de la numérisation des documents, notamment une libération de l’espace physique, une facilité d’accès aux documents numérisés et une réduction des coûts d’archivage. Il établit également une distinction entre les documents pouvant être détruits après avoir été numérisés et ceux qui ne le peuvent pas, soit les actes notariés, les autres documents authentiques nécessaires à l’exécution d’un dossier, les documents à valeur archivistique, historique ou patrimoniale et les documents appartenant à un tiers.  

Concernant les actes notariés et les autres documents authentiques nécessaires à l’exécution d’un dossier, le guide mentionne que dans l’état actuel du droit une copie numérisée de l’acte ou une copie certifiée conforme numérisée ne peut pas être considérée comme une copie authentique. D’où l’importance de conserver l’acte papier. En effet, le document perdra son caractère authentique et n’aura donc pas la même valeur juridique en matière de preuve. Il ne faut cependant pas en conclure que l’acte authentique technologique n’existe pas. En effet, le certificat de localisation de l’arpenteur-géomètre peut exister uniquement en version numérique et tout de même être authentique, tel que le permet la Loi sur les arpenteurs-géomètres. Dans ce domaine, l’acte authentique numérique ou technologique est même encouragé comme le démontre l’article 2 du Règlement sur le greffe des membres de l’Ordre des arpenteurs-géomètres du Québec qui édicte que : 

« 2. Rien dans le présent règlement ne doit être interprété comme excluant l’utilisation de l’informatique ou de toute autre technique pour la constitution et la tenue du greffe. » 

Concernant les documents à valeur archivistique, historique ou patrimoniale, l’original papier ne peut pas être détruit considérant l’article 20 in fine de la LCCJTI, et ce, même en l’absence de critères élaborés en vertu du pouvoir réglementaire de l’article 69 de cette même loi.  

Pour ce qui est du transfert à proprement parler, le guide rappelle que ce dernier doit se faire dans les bureaux du notaire et que toute numérisation qui serait faite à l’extérieur de ses locaux devra faire l’objet d’une autorisation écrite du secrétaire de la Chambre des notaires conformément à l’article 23 du Règlement sur les dossiers. Citant les articles 17 et 18 de la LCCJTI, l’accent est mis sur l’importance de documenter le transfert, si le but final est la destruction du support papier. Le guide renvoie même à un modèle de fiche de documentation qui est disponible en ligne sur le site internet dédié à la LCCJTI. 

Il y est ensuite abordé les conditions légales à respecter pour la conservation, l’accessibilité, la disponibilité et la tenue des documents et des dossiers sur support informatique. Parmi ces conditions, mentionnons notamment l’exigence de protéger par un mot de passe ses données informatiques (art.16 du Règlement sur les dossiers) et l’obligation d’assurer l’intégrité des documents et la disponibilité du matériel permettant de les rendre accessibles et intelligibles (art.19 de la LCCJTI et art.3 du Règlement sur la comptabilité).  

Le guide élabore dans les moindres détails les étapes cruciales de la numérisation et de la destruction subséquente des documents sources et est incontestablement un outil de travail précieux pour, en tout premier lieu, les notaires. Ce guide pourrait également être fort utile pour ceux qui, n’étant pas soumis aux mêmes obligations déontologiques, aimeraient numériser leur documentation papier, et ce, conformément aux exigences législatives. La Chambre des notaires peut très certainement avoir le sentiment d’une mission accomplie en ce qui concerne la vulgarisation des différents concepts abordés. 

Cependant, l’élément qui retient le plus notre attention dans ce guide et qui peut sembler très mineur pour certains est la note 6 au bas de la page 5 qui est la suivante : 

« Le règlement prévu par l’article 35 al.2 de la Loi sur le notariat (RLRQ, c. N-3) est en cours d’élaboration. Voir également l’article 58 de cette loi. » 

(nos soulignements) 

L’article 35 al.2 de la Loi sur le notariat prévoit la possibilité pour le Conseil d’administration de la Chambre des notaires d’édicter un règlement afin de permettre que les actes notariés en minute soient reçus et conservés sur support numérique. Il est donc à prévoir que les notaires pourront, dans un avenir rapproché, recevoir et conserver des actes notariés en minute sur un support faisant appel aux technologies de l’information. Il s’agit d’une excellente nouvelle pour la profession. Cette indication, qu’on ne peut qualifier à l’heure actuelle d’annonce officielle, n’est cependant pas étonnante considérant qu’en septembre dernier, la Chambre des notaires sondait ses membres sur l’acte notarié technologique.  

Ce sondage, dont il est fait état dans le Rapport annuel 2018-2019 de la Chambre des notaires, nous indique que 500 membres y ont répondu sur les 3 857 inscrits au 31 mars 2019 (page 33 du rapport annuel) et que les principales conclusions sont les suivantes :  

« • 88 % des répondants se disent enclins à recevoir des actes en minute sur support technologique.  

• 90 % sont prêts à offrir à leurs clients un outil pour signer un acte notarié sur support technologique, et 82 % croient que leurs clients sont prêts à délaisser le stylo.  

• 84 % sont d’avis que la tenue des répertoires et index exclusivement sur support technologique faciliterait leur travail, citant les avantages liés à l’espace, aux coûts, à l’efficience et à la sécurité. 

• 84 % se disent ouverts à numériser l’ensemble de leur patrimoine notarial (actes papier) à un coût raisonnable, c’est-à-dire équivalent ou inférieur au coût actuel de conservation et de gestion du papier. » 

(page 46 du rapport annuel) 

Le nombre de répondants peut sembler peu, mais l’échantillonnage était représentatif de la population notariale du Québec. Ces résultats démontrent, de manière non équivoque, l’engagement et l’intérêt des notaires pour l’utilisation des nouvelles technologies et ils sont grandement soutenus par leur ordre professionnel, à ce niveau.  

Lorsque les notaires québécois acquerront la possibilité de recevoir et de conserver des actes notariés en minute de manière numérique, ils rejoindront finalement leurs confrères de la France qui peuvent le faire depuis 2008.    

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