L’utilisation des drones par les forces de police fait débat en France. La pratique n’a pas encore de cadre juridique. L’article 8 du projet de loi relatif à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure vient combler ce manque. En créant un régime juridique spécifique à la captation d’image par un drone.
L’historique de l’utilisation par les forces de l’ordre des drones à des fins de surveillance et sa sanction par les instances compétentes
Cette absence de législation n’a pas empêché la police d’utiliser les drones à des fins de surveillance.
Lors du premier confinement des drones ont été utilisé pour permettre de surveiller le respect des règles du confinement.
Le Conseil d’état est la plus haute instance de l’ordre administratif française mais il poursuit également une mission de conseil auprès du gouvernement. Dans une Décision du Conseil d’Etat du 18 mai 2020, Il condamne l’utilisation des drones aux fin de surveillance des règles du confinement. Il considère que c’est une « atteinte grave et manifestement illégale au droit au respect de la vie privée ». Toutefois il considère qu’il est possible de remédier à cette atteinte
« par l’intervention d’un texte réglementaire, pris après avis de la CNIL, […] autorisant […] la création d’un traitement de données à caractère personnel »
Le premier ministre a demandé un avis au Conseil d’état, rendu le 20 septembre 2020. Il a estimé : « il est nécessaire de fixer un cadre législatif d’utilisation des caméras aéroportées par les forces de sécurité et les services de secours ».
Un projet de loi a été déposé le 20 octobre. Le projet de loi dite « sécurité globale ».
Avant l’adoption de cette loi les force de l’ordre ont de nouveau utilisé des drones pour des mission de surveillance, lors de manifestation et de grand rassemblement. Deuxième condamnation par le Conseil d’état. Dans sa décision du 22 décembre 2020 il réaffirme l’illégalité de l’utilisation des drones en l’absence texte l’autorisant. Dans ce cas en plus de l’atteinte au droit au respect de la vie privée il y avait une atteinte à la liberté de manifestation,
La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) est une autorité administrative indépendante. Elle a un rôle d’alerte, de conseil et d’information mais dispose également d’un pouvoir de contrôle et de sanction. Elle prononce une sanction le 12 janvier 2021 à l’encontre du ministère de l’intérieur qui comprend notamment une injonction à « ne recourir à la captation de données à caractère personnel à partir de drones qu’après l’adoption d’un cadre normatif autorisant la mise en œuvre de traitements de telles données ».
La loi dite « sécurité globale » est adoptée le 25 mai 2021, malgré de nombreuses critiques, L’article 47 de la loi sécurité globale donne le cadre législatif tant attendu sur l’utilisation des drones par la police.
Une Décision du Conseil Constitutionnel du 20 mai 2021 censure cette disposition. « Le législateur n’a pas assuré une conciliation équilibrée entre les objectifs de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public et de recherche des auteurs d’infractions et le droit au respect de la vie privée ». Il manque des mesures de protections comme une limite dans le temps de l’autorisation de l’utilisation de ces aéronefs sans conducteurs
Nouveau projet de loi déposé le 20 juillet 2021
Le gouvernement demande au conseil d’Etat de statuer sur ce projet de loi. Dans un Avis du 8 juillet 2021 le Conseil d’Etat estime que la « reconnaissance explicite d’un régime légal d’encadrement du recours aux caméras aéroportées dans le cadre des missions de police judiciaire » serai favorable à la cohérence de la loi. Les avis du conseil d’Etat ne sont pas impératif, ils peuvent être suivis ou non.
Le défenseur des droits a également émis un Avis le 20 septembre 2021. Il estime que l’article 8 « n’assurent pas une conciliation équilibrée entre les objectifs de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public et de recherche des auteurs d’infractions et le droit au respect de la vie privée. »
C’est ce projet de loi que l’assemblée national a voté le 25 septembre 2021 et le 19 octobre 2021 par le Sénat
Ce projet de loi voté par le Sénat prévoit un encadrement juridique de la captation, la transmission et l’enregistrement des images prises à l’aide d’un drone par les forces de l’ordre. Il modifie le chapitre II du titre IV du livre II du Code de la sécurité intérieure.
La captation, la transmission et l’enregistrement des images prises à l’aide d’un drone par les forces de l’ordre est soumise à une autorisation préalable énoncé au futur article 242-5. Elle est faite par le représentant de l’État dans le département.
Une demande d’autorisation doit être faite, elle doit comporter 8 éléments :
- «1 Le service responsable des opérations » ;
Ces services sont limités aux « les services de la police nationale et de la gendarmerie nationale ainsi que les militaires des armées déployés sur le territoire national ». Et les services douaniers ont été implicitement rajouté à travers la finalité rajoutée par l’assemblée nationale.
- « 2° La finalité poursuivie »,
Elles sont aux nombres de 6
- La prévention des atteintes à la sécurité des personnes et des biens dans des lieux particulièrement exposés
- La sécurité des rassemblements de personnes sur la voie publique ou dans des lieux ouverts au public ainsi que l’appui des personnels au sol
- La prévention d’actes de terrorisme
- La régulation des flux de transport
- La surveillance des frontières
- Le secours aux personnes
L’Assemblée nationale a rajouté une nouvelle finalité. « Aux agents des douanes dans leur mission de prévention des mouvements transfrontaliers de marchandises prohibées. », mais le service douanier n’a pas été rajouté au premier alinéa.
- « 3° La justification de la nécessité de recourir au dispositif, permettant notamment d’apprécier la proportionnalité de son usage au regard de la finalité poursuivie »
Les termes proportionné et strictement nécessaire sont visible dans ce projet de loi
- « 4° Les caractéristiques techniques du matériel nécessaire à la poursuite de la finalité ».
Le son ne peut pas être capté uniquement l’image.
- « 5° Le nombre de caméras susceptibles de procéder simultanément aux enregistrements ».
Le nombre de caméra pour l’opération qui sous tend la demande, qui se décidera au regard du nombre de caméra déjà utilisée dans le périmètre car il existe un « nombre maximal de caméras pouvant être simultanément utilisées dans chaque département (qui) est fixé par arrêté du ministre de l’intérieur. »
- « 6° Le cas échéant, les modalités d’information du public ».
- « 7° La durée souhaitée de l’autorisation ».
Elle ne peut pas être permanente. Et doit être maximum de 3 mois renouvelable ou le temps du « rassemblé concerné » .
- « 8° Le périmètre géographique concerné ».
En plus de cette limite géographique il existe une protection particulière pour l’entrée ou l’intérieur d’un domicile où la captation d’image est interdite. Toutefois l’article prévoit de exceptions lorsque l’interruption de la captation n’a pas été possible les images sont alors conservées 48 heures.
Il existe une exception à cette autorisation.
« lorsque l’urgence résultant d’une exposition particulière et imprévisible à un risque d’atteinte caractérisée aux personnes ou aux biens le requiert, les traitements mentionnés au présent article peuvent être mis en œuvre de manière immédiate, après information préalable du représentant de l’État dans le département ou, à Paris, du préfet de police, qui peut y mettre fin à tout moment. Au-delà d’une durée de quatre heures, la poursuite de la mise en œuvre du traitement est subordonnée à son autorisation expresse et ne peut excéder une durée de vingt-quatre heures. »
La police municipale a son régime spécial, très similaire à celui des autres, si ce n’est qu’il se fait à titre expérimentale pour une durée de 5 ans. Il serait énoncé à l’article L 242-7 du Code de la sécurité intérieure. Ce régime a été ajouté par le Sénat.
De nombreuse garanties ont été mises en place pour le traitement des images récoltées qui relève d’un traitement de données à caractère personnelles selon la CNIL. Elles ne peuvent être ni rapprochés ni interconnectés ni mises en relation automatisé avec d’autres traitements de données personnelles. La reconnaissance faciale ne peut pas être appliqué à ces images, cela peut être vu comme une réponse à la censure du Conseil Constitutionnel.
Il existe un responsable de la conservation de ces données. C’est le chef du service ayant mis en œuvre le dispositif. Elles ne peuvent pas être conservées plus de 7 jours à compter de la fin du dispositif de déploiement. Nul ne peut y accéder sauf pour les besoins d’un signalement à l’autorité judiciaire. Cette protection ne joue pas si les enregistrements sont utilisés dans le cadre d’une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire.
Le Sénat à travers un amendement (article 8 bis) montre sa volonté de créer un régime spécifique aux enquêtes pénales, cela pourrait être vu comme une réponse à l’avis du Conseil d’Etat. Cet amendement modifierait le Code de procédure pénale.
Ce régime encadrait l’utilisation des drones pour les enquêtes « portant sur un crime ou un délit puni d’au moins trois ans d’emprisonnement, ou les nécessités d’une procédure d’enquête en recherche des causes de la mort ou la disparition, ou encore les nécessités d’une procédure de recherche d’une personne en fuite. » pour limiter l’atteinte au respect à la vie privée, cet amendement « prévoit qu’aucune séquence relative à la vie privée étrangère à l’objet pour lequel les opérations ont été autorisées ne peut être conservée dans le dossier de la procédure ».
On voit donc que les institutions ont conscience de la nécessité de légiférer sur non seulement l’utilisation des drones mais aussi l’utilisation et le stockage des données capturées par ceux-ci.
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