Depuis de nombreuses années, un appel est lancé en faveur d’une législation qui fixerait des limites claires pour les technologies numériques, car les lois existantes se sont révélées insuffisantes. L’un des acteurs les plus actifs à cet égard est l’Union européenne, qui a adopté deux textes législatifs clés en 2022 – le Règlement sur les marchés numériques (en anglais communément appelé Digital Markets Act (DMA)) et le Règlement sur les services numériques (en anglais communément appelé Digital Services Act (DSA)). Dans cet article, nous nous concentrerons uniquement sur le DMA.
En général, le Règlement sur les marchés numériques vise à rendre l’économie numérique plus équitable en se concentrant sur les plus grandes plateformes numériques qui opèrent dans l’Union européenne. En adoptant ce règlement, l’UE entend garantir un niveau de concurrence plus élevé sur les marchés numériques européens en empêchant les grandes entreprises d’abuser de leur pouvoir de marché et en permettant à de nouveaux acteurs d’entrer sur le marché.
L’un des instruments utilisés par l’UE pour atteindre les objectifs susmentionnés consiste à désigner ce que l’on appelle des « contrôleurs d’accès » (en anglais gatekeepers). Ce sont les entreprises avec une position durable dans le marché européen qui répondent à certains critères déterminés par l’article 3 du règlement (par exemple, le chiffre d’affaires, le nombre d’utilisateurs, etc.) et qui fournissent au moins l’un des dix services de plateforme essentiels (énumérés dans le règlement en article 2 du règlement). Ces services de plateforme essentiels comprennent les suivants : services d’intermédiation en ligne, moteurs de recherche en ligne, services de réseaux sociaux, services de plateformes de partage de vidéos, services de communications interpersonnelles non fondés sur la numérotation, systèmes d’exploitation, navigateurs internet, assistants virtuels, services d’informatique en nuage, places de marché en ligne et services de publicité.
Les contrôleurs d’accès sont désignés par la Commission européenne. Bien que le règlement sur les marchés numériques soit entré en vigueur le 01 novembre 2022 et soit devenu applicable le 02 mai 2023 (pour la plupart des dispositions), la Commission européenne n’a nommé les premiers contrôleurs d’accès que la semaine dernière, le 6 septembre 2023.
« Davantage de choix pour les consommateurs et moins d’obstacles pour les concurrents de plus petite taille: le règlement sur les marchés numériques ouvrira les portes de l’internet. En procédant à cette désignation aujourd’hui, nous jugulons enfin le pouvoir économique de six contrôleurs d’accès, offrant ainsi un plus large choix aux consommateurs et de nouvelles perspectives aux entreprises technologiques innovantes de plus petite taille, grâce à l’interopérabilité, au téléchargement hors magasin, à la portabilité des données en temps réel et à l’équité. Il était grand temps que l’Europe fixe les règles du jeu en amont, afin de garantir l’équité et l’ouverture des marchés numériques. »
Thierry Breton, commissaire au marché intérieur – 05/09/2023
Les premiers contrôleurs d’accès sont 6 plateformes très connus – Alphabet, Amazon, Apple, ByteDance, Meta et Microsoft. En outre, la Commission européenne a également désigné 22 services de plateforme essentiels qui sont fournis par ces plateformes.
En plus de la désignation des contrôleurs d’accès, la Commission européenne a ouvert plusieurs enquêtes de marché afin d’examiner si certains services de plateforme essentiels devraient être désignés (par exemple, les navigateurs d’internet Bing et Edge de Microsoft). D’autre part, la Commission européenne a décidé de ne pas désigner Gmail, Outlook.com et Samsung Internet Browser comme services de plateforme essentiels bien qu’ils répondent aux critères du règlement.
Les obligations des contrôleurs d’accès
Après la désignation, les contrôleurs d’accès disposent désormais de 6 mois se conformer pleinement aux obligations du règlement pour chaque service de plateforme essentiel désigné. Et quelles sont les obligations que le règlement leur impose ?
Ils sont déterminés par les articles 5 – 8 du règlement, les obligations les plus importantes sont les suivantes :
- Permettre aux tiers d’interagir avec leurs propres services dans certaines situations spécifiques ;
- Permettre aux entreprises utilisatrices d’accéder aux données générées par leurs activités sur leur plateforme ;
- Fournir aux entreprises qui font de la publicité sur leur plateforme les outils et les informations nécessaires pour que les annonceurs et les éditeurs puissent effectuer leur propre vérification indépendante des annonces publicitaires hébergées par le contrôleur d’accès ;
- Autoriser les entreprises utilisatrices à promouvoir leur offre et à conclure des contrats avec leurs clients en dehors de leur plateforme.
Néanmoins, certaines obligations commenceront à s’appliquer dès la désignation. Par exemple, elles ont désormais l’obligation d’informer la Commission européenne de toute concentration envisagée (article 14 du règlement). De plus, chaque contrôleur d’accès désigné est tenu de soumettre un rapport de conformité (décrivant comment elles se conforment à des obligations du règlement) dans un délai de 6 mois dès la désignation (article 11 du règlement).
Si les contrôleurs d’accès ne respectent pas leurs obligations prévues par le règlement, ils risquent d’être sanctionnés. La Commission européenne peut puis décider d’imposer un des suivantes sanctions (articles 30-31 du règlement) : amendes allant jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires annuel mondial total de l’entreprise (20 % en cas d’infractions répétées) astreintes allant jusqu’à 5 % de son chiffre d’affaires journalier moyen. La Commission européenne est également en mesure d’imposer des mesures correctives en cas d’infractions systématiques aux obligations du règlement par les contrôleurs d’accès (article 18 du règlement).
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