Après de longs débats, le projet de loi britannique sur la sécurité en ligne (en anglais Online Safety Act) a finalement été adopté le 26 octobre 2023. L’objectif de la loi est de faire du Royaume-Uni « l’endroit le plus sûr au monde pour être en ligne » en imposant des obligations aux plateformes et aux grandes entreprises technologiques.
« Today will go down as an historic moment that ensures the online safety of British society not only now, but for decades to come. »
Michelle Donelan, secrétaire à la technologie
Il s’agit d’une loi très vaste, contenant plus de 200 dispositions et couvrant un large éventail de sujets. Elle vise notamment à lutter contre l’accès des mineurs à la pornographie en ligne, les « trolls anonymes », les publicités frauduleuses, le partage non consensuel de « deepfakes » intimes et la diffusion de matériel pédopornographique et de contenus liés au terrorisme. Les entreprises technologiques devront également empêcher les enfants de voir des contenus qui leur sont préjudiciables, tels que le harcèlement, les contenus promouvant l’autodestruction et les troubles des conduites alimentaires.
Bien que la loi ait déjà été adoptée, il faudra encore un certain temps avant que les plateformes ne soient obligées de s’y conformer. Ofcom, l’autorité britannique de régulation des télécommunications, qui est responsable de l’application des règles, prévoit de publier ses codes de pratique en trois phases.
La première phase, qui concerne les préjudices associés à des infractions en lien avec des thèmes tels que le terrorisme et les contenus pédopornographiques, a été déjà lancée et une consultation contenant des propositions sur la manière de gérer ces obligations devrait être publiée le 9 novembre 2023. La deuxième phase suivra bientôt avec des consultations en décembre 2023 (axées sur la pornographie) et au printemps 2024 (sécurité des enfants). Au printemps 2025, un projet de lignes directrices sur la protection des femmes et des filles sera publié.
La dernière phase ne s’applique qu’aux services qui répondent à certains critères liés au nombre d’utilisateurs ou aux caractéristiques à haut risque. Ces services seront désignés par l’Ofcom d’ici à la fin de 2024 et auront plusieurs obligations, telles que la publication de rapports de transparence et le déploiement de mesures de responsabilisation des utilisateurs.
« Creating a safer life online for people in the UK », Ofcom (30 octobre 2023), en ligne : <https://www.ofcom.org.uk/news-centre/2023/safer-life-online-for-people-in-uk> (consulté le 1 novembre 2023). |
Les obligations et les sanctions prévues par Online Safety Act
Afin d’atteindre la protection des enfants, ce qui est l’objectif principal de la loi, l’Online Safety Act exige que les plateformes de médias sociaux se conforment aux obligations suivantes :
- Supprimer rapidement les contenus illégaux ou empêcher leur apparition (article 10 de l’Online Safety Act) ;
- Empêcher les enfants d’accéder à des contenus préjudiciables et inappropriés à leur âge (article 12 de l’Online Safety Act) ;
- Faire respecter les limites d’âge et utiliser des mesures de vérification de l’âge sur les plateformes où sont publiés des contenus préjudiciables aux enfants (article 12 de l’Online Safety Act) ;
- Veiller à ce que les plateformes de médias sociaux soient plus transparentes en ce qui concerne les risques et les dangers encourus par les enfants sur leurs sites, notamment en publiant des évaluations des risques (par exemple article 9 de l’Online Safety Act) ;
- Fournir aux parents et aux enfants des moyens clairs et accessibles de signaler les problèmes en ligne lorsqu’ils surviennent (par exemple article 21 de l’Online Safety Act).
Comme l’Online Safety Act couvre divers sujets et questions, elle prévoit également diverses sanctions en cas de non-respect des règles qu’elle contient. Parmi les sanctions les plus importantes, on trouve une amende pouvant aller jusqu’à 18 millions de livres sterling ou 10 % de leur chiffre d’affaires annuel global (le montant le plus élevé étant retenu) pour les plateformes de médias sociaux en cas de violation de leurs obligations (annexe 13 de l’Online Safety Act). L’Online Safety Act introduit également plusieurs sanctions qui ne sont pas très courantes dans le domaine de la sécurité sur l’internet, à savoir l’emprisonnement (par exemple, article 69 ou 113 de l’Online Safety Act).
Une loi controversée
L’Online Safety Act exige que les plateformes identifient les contenus pédopornographiques, qu’ils soient communiqués en public ou en privé, c’est pourquoi elle a été vivement critiqué par les fournisseurs d’applications de messagerie cryptées, telles que Whatsapp ou Signal. Selon les entreprises, une telle obligation compromet gravement leur capacité à fournir un chiffrement de bout en bout et elles ont même suggéré de se retirer du marché britannique.
D’autres obligations imposées par l’Online Safety Act (par exemple les contrôles d’âge) pourraient créer des problèmes pour les services qui choisissent de collecter un minimum de données auprès de leurs utilisateurs.
Malgré la controverse susmentionnée, les législateurs britanniques sont très heureux que la loi ait finalement été adoptée et ils refusent les critiques :
« I am immensely proud of the work that has gone into the Online Safety Act from its very inception to it becoming law today. The Bill protects free speech, empowers adults and will ensure that platforms remove illegal content. »
Michelle Donelan, secrétaire d’état à la technologie
« Ofcom is not a censor, and our new powers are not about taking content down. Our job is to tackle the root causes of harm. We will set new standards online, making sure sites and apps are safer by design. Importantly, we’ll also take full account of people’s rights to privacy and freedom of expression. »
Melanie Dawes, directrice générale de l’Ofcom
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