Au mois de mai 2008, David Couture a déposé une demande d’enregistrement pour sa marque de commerce PLAYDOM auprès du USPTO (Bureau des brevets et des marques de commerce des États-Unis). Une capture d’écran de son site web playdomInc.com créé deux mois auparavant a été soumise comme preuve d’emploi. Ce dernier ne comportait qu’une page affichant un message d’accueil et les coordonnées de contact. A l’époque, l’entreprise ne commercialisait aucun service.
En janvier 2009, David Couture a obtenu l’enregistrement de la marque et un mois plus tard Playdom, une entreprise de conception de jeux, a tenté d’enregistrer la même marque. La demande a été rejetée par le USPTO au vu de l’enregistrement antérieur accordé à David Couture. L’entreprise Playdom a donc demandé l’annulation de l’enregistrement en se basant sur le fait que M. Couture n’a pas démontré l’emploi effectif de la marque antérieurement à son enregistrement. En effet, l’exploitation commerciale de la marque Playdom par David Couture n’a débuté qu’en 2010. L’argument a été retenu par le TTAB et l’enregistrement a été annulé. L’affaire a été porté en appel, mais la cour a confirmé le 2 mars dernier la décision rendue par le TTAB en vertu de la section 45 du Lanham Act qui stipule que
A mark shall be deemed to be in use in commerce […] (2) on services when it is used or displayed in the sale or advertising of services and the services are rendered in commerce, or the services are rendered in more than one State or in the United States and a foreign country and the person rendering the services is engaged in commerce in connection with the services. ( nos soulignements)
De plus, le juge a réitéré le fait que la publicité d’une marque projetée n’était pas qualifié « d’emploi » au sens de la loi en citant l’affaire Aycock Eng’g, Inc. v. Airflite, Inc.
Without question, advertising or publicizing a service that the applicant intends to perform in the future will not support registration”; the advertising must instead “relate to an existing service which has already been offered to the public.
Le pire dans cette affaire est que si David Couture avait demandé un enregistrement pour une marque projetée en vertu de la section 2 du Lamham Act, il aurait disposé d’une prolongation jusqu’ à ce que ces services soient réellement commercialisés. La date de cette demande aurait alors été considérée comme date de premier emploi, protégeant ainsi le nom de sa marque.
Vue au travers du prisme juridique canadien
Du côté du droit canadien, la condition d’emploi est également considérée comme la base de l’enregistrement et de la protection des marques de commerce.
Certes, aux termes des changements proposés par le projet de loi C-31, un requérant ne sera plus tenu de démontrer l’emploi de la marque ou son usage projeté pour obtenir son enregistrement définitif. Cependant la notion d’emploi demeure centrale notamment pour revendiquer des droits antérieurs acquis par l’usage de la marque ou encore pour les maintenir.
En effet, selon l’article 4 de la LMC, Loi sur les marques de commerce, l’emploi en relation à des biens consiste en la présence du signe de la marque sur les produits ou leurs emballages dans la pratique normale du commerce permettant ainsi de distinguer les biens d’une entreprise auprès du consommateur
Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée (nos soulignements)
Tandis qu’une marque de commerce en liaison avec des services est réputée employée, au sens de la LMC, si elle est utilisée ou affichée dans l’exécution ou l’annonce de ce service :
A trade-mark is deemed to be used in association with services if it is used or displayed in the performance or advertising of those services.
En conséquence de quoi, la seule publicité d’un service (annonce de service) constituerait un emploi au sens de la LMC tel que souligné dans l’affaire Gesco Industries, Inc c. Sim & McBurney:
L’appelante a présenté une preuve indiquant qu’elle avait largement employé la marque de commerce en conjonction avec ses campagnes publicitaires au cours de la période pertinente. Aux termes du par. 4(2) de la Loi, une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services […] Par conséquent, la preuve soumise par l’appelante satisfait à l’exigence de l’art. 45.
Bref, bien que la notion d’emploi reste un point essentiel à la validité de l’enregistrement d’une marque de commerce, indissociable selon la cour américaine, C-31 est quant à lui, sur le point de l’évincer. De plus, les lois canadienne est américaine divergent aussi sur la notion d’emploi dans le cadre des services, comme quoi, le Canada et les États-Unis ont des visions bien différentes lorsqu’il est question des marques de commerce.