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Amazon remporte la partie et est temporairement libéré des lourdes obligations de la DSA

22 octobre 2023
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Le tribunal de justice européen a mis fin au suspense ce 27 septembre en rendant une décision en faveur d’Amazon, le géant du commerce en ligne ayant momentanément réussi à échapper à son statut de « très grande plateforme en ligne » telle que désignée par la Commission européenne dans sa décision du 25 avril en vertu de l’article 33(4) du digital service Act (DSA). En effet, malgré sa position dominante dans le commerce en ligne, l’entreprise a remis en question son classement en tant une grande plateforme en ligne soumis aux réglementations et aux obligations strictes du DSA la nouvelle législation européenne qui régit les entreprises opérant en ligne adopté le 5 juillet 2022 par le parlement européen. Selon la Commission européenne plus de 10 000 plateformes opèrent sur le marché européen du numérique mais seule une petite fraction d’entre elles réalisent la majeure partie des bénéfices. Or, ce sont précisément ces services qui posent des risques systémiques pour la démocratie et les sociétés européennes que ce soit en raison de leurs architecture ou algorithme visant à propager la désinformation et attaquer les droits fondamentaux des utilisateurs ou encore parce qu’ils utilisent les contenus illégaux. C’est pourquoi la Commission européenne a décidé de s’attaquer à cette question de front en adoptant le DSA au près du DMA. 

Le DSA est entrée en vigueur depuis le 25 août dernier pour les plateformes en ligne et les moteurs de recherche ayant plus de 45 millions d’utilisateurs au sein de l’Union européenne et entrera en application à partir du 17 février 2024 pour les autres plateformes et intermédiaires en ligne qui proposent leurs contenus et services sur le marché européen.

Procédure en référé

Dès sa nomination comme étant un VLOP (Very Large Online Platform) amazon avait décidé de contester cette décision la désignant parmi plus de 18 plateformes tel que Bing, Google, Brookings, Meta, ou encore TikTok et Wikipédia et a décidé de saisir la Cour de justice européenne le 11 juillet dernier pour réclamer la suspension de la décision de la commission européenne. Cette demande a été faite dans le cadre d’une procédure en référé qui est une procédure d’urgence visant à protéger ses intérêts spécifiques en attendant qu’une décision soit prise sur le fond du litige. Le géant américain avait justement fait valoir que si des mesures n’étaient pas immédiatement prises, ses parts du marché pourraient subir des réductions irréversibles. 

Que conteste réellement Amazon ?

Conformément aux dispositions du règlement sur les services numériques, les sociétés désignées comme VLOP (plateforme numérique comptant au moins 45 millions d’utilisateurs actifs mensuels dans l’UE) seront soumises à la surveillance de la Commission européenne et devront respecter des règles plus strictes y compris l’exigence d’un audit annuel indépendant pour garantir leur efficacité dans la lutte contre la désinformation, les discours haineux et la contrefaçon. Elles seront aussi tenues de partager leurs algorithmes avec les experts de l’exécutif européen et d’accorder un accès à leurs données. De plus, elles devront effectuer leur propre évaluation des risques liés aux contenus illégaux sur leurs plateforme et mettre en œuvre des mesures pour réduire ces risques.

Dans sa demande Amazon présente deux questions au tribunal: la première porte sur l’article 38 qui impose aux fournisseurs de très grandes plateformes en ligne l’obligation de proposer au moins une option de leur système de recommandation qui n’est pas basée sur le profilage. Sur ce point Amazon a fait valoir que l’obligation de proposer un système de recommandation entraînerait un préjudice significatif et une perte irréversible de sa part du marché. La compagnie a soutenu que sans la possibilité de personnaliser les recommandations elle aurait du mal à répondre aux attentes de ses clients et au lieu de présenter des produits susceptibles d’intéresser sa clientèle, la plateforme affichera des produits peu pertinents ce qui nuirait à l’expérience d’achat. De plus Amazon craignait que de nombreux clients optant pour le non-partage de leurs données ne seraient pas pleinement conscients des conséquences de leur décision et pourraient associer une mauvaise expérience d’achat à Amazon. La compagnie a aussi expliqué que cette obligation l’obligerait à modifier un élément fondamental de son logiciel et qu’elle se retrouverait en situation concurrentiel désavantageuse par rapport à d’autres plateformes en ligne et détaillants qui ne sont pas désignés comme des VLOP. Le tribunal de l’Union européenne n’a pas retenu les arguments d’Amazon et a rejeté ce motif soulignant que l’article 38 du règlement n’interdit pas à l’utilisation du système de recommandation mais exige simplement une option de désactivation laissant ainsi le choix aux consommateurs. En conséquence le préjudice allégué était incertain et ne pouvait pas être prouvé de manière concluante.

Dans un second temps Amazon remettait également en question l’application de l’article 39 du DSA qui exige des VLOP de compiler et de rendre publiquement accessible aux utilisateurs un registre publicitaire, dans une section spécifique de leur interface en ligne au moyen d’un outil de recherche fiable, permettant des requêtes multi-critères pour toute la période pendant laquelle il diffuse une annonce et jusqu’à un an après que cette dernière soit diffusée. En outre, mettre à la disposition du public un registre publicitaire qui doit inclure des informations sur le contenu de la publicité comme le nom du produit du service ou de l’objet promu et l’entité responsable de la diffusion de la publicité est difficile à mettre en place. Selon Amazon, cette exigence l’obligerait à divulguer des informations qu’elle considère confidentiel ce qui pourrait entraîner un préjudice grave et irréparable à ses activités publicitaires et par extension à l’ensemble de ces activités. La cour a confirmé cette position en soulignant que les obligations liées au registre publicitaires donneraient à des tiers un accès significatif aux secrets commerciaux relatifs aux stratégies publicitaires des annonceurs clients; ce qui a mené à conclure qu’Amazon ne peut attendre l’issue du litige principal sans subir un préjudice sérieux.

Par ailleurs, Amazon a souligné aussi que la plupart de ses revenus proviennent de son activité de vente au détail et que la plateforme n’est pas « le plus grand détaillant dans aucun des pays de l’UE » où elle opère. De même Le porte-parole de la compagne a déclaré :

« Aucun de ces plus grands détaillants dans chaque pays européen n’a été désigné comme VLOP. Si la désignation VLOP devait s’appliquer à Amazon et non aux autres grands détaillants de l’UE, Amazon serait injustement pointé du doigt et contraint de respecter des obligations administratives onéreuses qui ne profitent pas aux consommateurs européens »,

L’entreprise considère qu’elle est traitée de manière discriminatoire par rapport à d’autres acteurs de la grande distribution, le porte-parole de l’entreprise ajouta que : 

« Si la classification de très grandes plateformes s’applique à Amazon tout en épargnant les autres grands distributeurs de l’Union européenne cela reviendrait à stigmatiser injustement Amazon et à l’obliger à assumer des charges administratives coûteuses ».

En outre, la grande entreprise affirme avoir investi en 2022 de plus de 1,2 milliard de dollars et employer plus de 15000 personnes pour protéger ses clients contre les produits illégaux et d’autres types de fraudes et qu’elle s’engage à continuer à investir dans la protection des consommateurs.

La Cour de justice européenne a accepté les allégations d’Amazon et suspend momentanément la décision de la Commission européenne dans la mesure ou en vertu de cette décision Amazon Store sera tenu de rendre un registre publicitaire accessible au public conformément à l’article 39 sans le préjudice de l’obligation de compiler le dit registre publicitaire.

Toutefois, si cette bataille est remportée par Amazon, le verdict final n’est pas encore rendue et l’entreprise demeure provisoirement libérée de ses obligations comme étant une VLOP jusqu’à nouvel ordre. 

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