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Vers un changement des lois encadrant l’investissement au Québec: l’apport des médias sociaux

David Saint-Onge est étudiant dans le cadre du cours DRT6903 A2012 (Prof. V. Gautrais)
29 novembre 2012
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La puissance des médias sociaux pourra possiblement servir à atténuer l’éternel problème de financement relié aux startups ; ces projets tels les longs métrages indépendants ou les nouveaux jeux vidéos qui en sont à leurs premiers balbutiements. Hier soir, le 26 novembre, un événement signé SeedingFactory avait lieu à Montréal pour sensibiliser les investisseurs, les entrepreneurs ainsi que les spécialistes de médias sociaux au phénomène récent du crowdfunding.

Au Québec, lorsqu’un projet débute, celui-ci fait généralement face à un défi de taille : l’obtention d’un financement adéquat. Les petits entrepreneurs parviennent généralement à recueillir entre 200 000$ et 400 000$ provenant de leur famille directe et de leurs amis proches, sous forme de prêts ou d’investissements. En vertu de l’article 2.4 du Règlement 45-106 sur les dispenses de prospectus et d’inscription, les proches sont autorisés à investir sans que l’entreprise ait préalablement l’obligation de produire un prospectus auprès de l’Autorité des marchés financiers, ce qui n’est évidemment pas le cas lors d’un appel public à l’épargne. Dans la majorité des cas, les coups initiaux dépassent largement la somme recueillie auprès des proches, et le startup se retrouve à la case de départ, n’étant pas en moyen de rédiger un prospectus pour faire un appel public à l’épargne et ne disposant pas d’avoirs assez importants pour être en mesure d’emprunter une somme suffisante auprès des banques. Certes, d’autres options sont disponibles : le capital de risque, ou encore les Business Angels. Ce capital est toutefois très difficile à obtenir et ceux-ci accordent du capital qu’en échange d’un contrôle futur très significatif dans l’entreprise. Voici une illustration du problème :

Il y a quelques mois, une startup canadienne dans une telle situation se serait retrouvée avec peu espoir. Mais un vent nouveau souffle sur le Canada. En effet, aujourd’hui, le 27 novembre 2012, se tiendra un panel tenu par la New Brunswick Securities Commission dans le cadre de son initiative de développement des capitaux propres baptisée Fullsail. Le président de la Commission, David Barry, se dit très enthousiaste par rapport à l’événement :

“We know this is a hot topic and we want to be ahead of the curve in Canada as we evaluate the implications of crowd funding on the regulation of our capital markets. It is important that we provide a venue and actively participate in this discussion to ensure that our dual mandate of balancing capital markets development and investor protection is integrated.”

Le panel inclura l’éminent représentant de la Canadian Advanced Technology Alliance, Norm Betts. Cette société est très impliquée dans l’établissement de la reconnaissance législative future du crowdfunding au Canada. Dans une lettre ouverte au président d’Industrie Canada, la CATA soutient :

« Canada is out of step with Europe, and with the U.S. in its recent move to legalize equity based crowdfunding to enable businesses to raise up to $1 million via online « funding portals. »…There is every reason to suggest that frustrated Canadian entrepreneurs will see the advantages offered by the crowdfunding provisions for raising capital when those provisions are implemented in the United States, and they will take their best ideas to the U.S. to develop and commercialize. Already, they are talking to us about the issue. »

Au Québec, cet avis coïncide avec l’opinion de bon nombre d’experts en la matière, dont Diana Yazidjian, entrepreneure en médias sociaux et cofondatrice du nouveau site web Crowdfund Québec :

« Il y a effectivement urgence d’agir, car nous assistons actuellement à une fuite de certains de nos meilleurs entrepreneurs en technologie, qui vont chercher du financement à l’étranger. Ce ne sont pas de grosses sommes, quelques centaines de milliers de dollars tout au plus, mais ça fait la différence »

Elle faisait partie hier de l’événement montréalais Crowdfund Night, mentionné plus haut, mis en place pour promouvoir le développement et inciter l’Assemblée nationale à modifier sa Loi sur les valeurs mobilières et sa Loi sur l’Autorité des marchés financiers afin d’autoriser le crowdfunding. Le crowdfunding implique la mise en oeuvre d’un système simple et efficace en ligne permettant à plusieurs petits investisseurs de financer un nouveau projet quelconque. Les opposants à ce concept clament qu’il brimera les droits des investisseurs qui se feront inévitablement flouer par des offres d’investissement économiquement non viables camouflées par la baisse de rigidité des normes imposant actuellement des obligations d’information strictes.

Or, à la lumière du rapport de Nordicity, mandaté par le Canada Media Fund (CMF) pour répondre entre autres à ces questions épineuses, ces objections seraient mal fondées, puisque 1) les investisseurs devront être enregistrés et devront être bien nantis, comme l’impose la loi aux États-Unis, 2) les investissements individuels seront généralement peu élevés, et 3) les startups auront intérêt à être aussi transparents que possibles afin de préserver la confiance des investisseurs, ces derniers pouvant être instantanément avertis de tous problèmes liés à leur investissement grâce au pouvoir des médias sociaux.

Soulignons que ce concept nouveau est en grande partie relié au potentiel énorme de rassemblement et de communication instantanée associés à ces médias sociaux, lesquels sont en mesure d’amener des communautés en ligne à investir dans des projets qui leur semblent prometteurs. Kevin Lawton, auteur du livre The Crowdfunding Revolution, souligne :

« While group funding dates back millennia, the social networking aspects of crowdfunding are quite new, and are a major driving force behind this revolutionary form of financing. (…) Building on social networking, crowdfunding creates a vehicle for people to invest or pledge money to projects for which they have an interest, a passion and an attachment. In doing so, it creates a marketplace opportunity for a diversity of players. Whether financing an indie movie, a fashion line, an around-the-world sailing adventure, or the next Lance Armstrong, crowdfunding is being applied everywhere. (…) Ironically, while nearly every other market sector has incurred disruption by new technologies, venture finance, which funds many of these new technologies, has innovated little itself. That shows in the downward-trending performance of venture capital, now negative across the industry. »

Dans son article intitulé Crowdfunding, Disintermediated Investment Banking, le professeur Vishang Errunza, de l’Université McGill, écrit :

« Modern technology decentralizes, and eventually, it disintermediates–giving users inde- pendent access to previously private, and often analog, networks. Relationship Banking is such a network. We have discussed how and why crowdfunding is theoretically superior ; it is more efficient, it is scalable, it offers price discrimination, it is ‘wiser’, it distributes risk and it democratizes access to capital markets. »

Soulignons qu’une loi autorisant cette nouvelle plateforme d’investissement a déjà été adoptée aux États-Unis en avril dernier et a reçu de nombreux éloges, même si certains détails restent encore à clarifier avant qu’elle ait plein effet. Elle a été parrainée par le président Obama et se dénomme Jumpstart Our Business Startups Act (J.U.M.P). Du côté de nos voisins ontariens, le premier architecte américain de ce modèle de financement y a été invité afin qu’il puisse les conseiller.

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