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La non-application de la « First Sale Doctrine » américaine aux produits faits à l’étranger risque de faire mal aux marchés secondaires

Francis Alerte est étudiant dans le cadre du cours DRT6903 A2012 (Prof. V. Gautrais)
11 décembre 2012
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La « first sale doctrine » est une notion de droit d’auteur qui stipule que le titulaire du droit d’auteur ne peut contrôler que la « première vente » du produit. Une fois que le produit est vendu à quelqu’un d’autre, par exemple un détaillant ou un consommateur, le titulaire du droit ne peut pas contrôler les acquéreurs subséquents.

C’est grâce notamment à ce concept en droit d’auteur que les compagnies telles qu’Ebay, Amazone ou même Costco réussissent à vendre des produits à bas prix ou de seconde main sans avoir à rendre compte aux titulaires des droits d’auteurs relativement à ces produits. Or la donne vient récemment de changer dans la mesure ou l’application de ce concept est maintenant controversée, plus spécifiquement en ce qui concerne les produits fabriqués à l’étranger et revendus aux États-Unis. En effet, la Cour Suprême des États-Unis devra rendre sous peu une décision dans l’affaireSupap Kirtsaeng d/b/a Blue Christine99 v. John Wiley & Sons, Inc. Dans cette affaire, M. Kirtsaeng reconnu la possibilité qui existait sur la base de la first sale doctrine, en mettant en place un plan d’affaires qui consistait à revendre des manuels scolaires aux États-Unis. Lesdits manuels étaient fabriqués en Thaïlande et ces livres étaient vendus dans le marché thaïlandais à des prix nettement inférieurs par rapport à leur prix de vente aux États-Unis. M. Kirtsaeng a donc contacté ses proches, soit sa famille en Thaïlande, afin de leur demander d’acheter les livres à prix réduit et de lui expédier aux États-Unis.

On parle ici de controverse parce que certaines décisions des tribunaux inférieurs divergent sur la question. En effet, La « Second Circuit Court » a déjà statué que la revente de produits fabriqués à l’étranger peut se faire qu’après l’obtention de l’approbation d’un titulaire de droits. La «  Ninth Circuit Court » a nuancé cette décision en permettant aux produits étrangers destinés à être vendus aux États-Unis dans l’éventualité ou l’auteur ou titulaire du droit aurait approuvé une vente de ce type préalablement à ladite contestation aux États-Unis. Enfin, la « Third Judicial Court » a été directement à l’opposé de la Second Circuit Court en permettant la revente d’un article, protégé par le droit d’auteur et fabriqué à l’étranger, pour autant qu’il a été acheté légalement, indépendamment du lieu où l’achat a eu lieu.

Au Canada, cette doctrine ne trouvait pas application malgré le fait que la Cour Suprême semblait partager cette vision. En effet, en 2002, dans l’affaire Théberge c. Galerie d’Art du Petit Champlain inc., la Cour Suprême du Canada invoque aux paragraphes 32 et 33 la notion de juste équilibre entre la reconnaissance du droit d’auteur et celui du public :

« On atteint le juste équilibre entre les objectifs de politique générale, dont ceux qui précèdent, non seulement en reconnaissant les droits du créateur, mais aussi en accordant l’importance qu’il convient à la nature limitée de ces droits. D’un point de vue grossièrement économique, il serait tout aussi inefficace de trop rétribuer les artistes et les auteurs pour le droit de reproduction qu’il serait nuisible de ne pas les rétribuer suffisamment. Une fois qu’une copie autorisée d’une œuvre est vendue à un membre du public, il appartient généralement à l’acheteur, et non à l’auteur, de décider du sort de celle ci.

Un contrôle excessif de la part des titulaires du droit d’auteur et d’autres formes de propriété intellectuelle pourrait restreindre indûment la capacité du domaine public d’intégrer et d’embellir l’innovation créative dans l’intérêt à long terme de l’ensemble de la société, ou créer des obstacles d’ordre pratique à son utilisation légitime. »

D’ailleurs, la nouvelle Loi sur le droit d’auteur traite dans sa nouvelle version mise en vigueur en novembre dernier, à son article 3.1(j), la portée du droit exclusif de l’auteur relativement à tout transfert de propriété. Selon l’interprétation que nous en faisons, il semble que la First Sale Doctrine est maintenant officiellement reconnue au Canada. Cela signifie-t-il que son interprétation suivra celle de nos voisins du sud ? Dans l’affirmative, nous avons tout intérêt à porter une attention particulière à la décision sur le mérite de l’affaire Kirtsaeng !

La décision que devra rendre la Cour Suprême est très importante et aura un effet sur ce que l’on appelle le marché secondaire. Ce marché est principalement constitué de grosses compagnies comme celles citées ci-devant, mais également de petits détaillants allant jusqu’au consommateur. Le fait d’interdire l’application de cette doctrine aux produits étrangers peut donc nuire au commerce en ligne des produits importés de l’étranger. Imaginons que la Cour Suprême décide de tenir comme interprétation celle statué de la Second Circuit Court, le contrôle que possèderons les titulaires de droit d’auteur sur leurs œuvres, bien que déjà vendues à des tiers, sera substantiellement augmenté. Cependant, on se demande du point de vue pratique comment les auteurs réussirons à contrôler toutes ses ventes, si ce n’est que par les services centralisés tels que Ebay, Craigslist ou Kijiji.

À suivre…

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