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Les « références » sur les réseaux sociaux : source de risques déontologiques pour les avocats ?

Pascal Marchi est étudiant dans le cadre du cours DRT6903 (A2012).
30 octobre 2012
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Les réseaux sociaux sont de plus en plus utilisés par les internautes, non seulement pour entretenir leurs relations amicales, mais également pour tisser des liens professionnels avec de futurs employeurs ou clients. Certaines de ces réseaux, tels que LinkedIn , sont conçus précisément pour permettre aux professionnels de mettre en valeur leurs expériences et compétences, dans le but de dénicher éventuellement des offres d’emploi ou des occasions d’affaires.

Entre autres fonctions, LinkedIn permet au titulaire d’un profil de recevoir des recommandations (ou références) de la part de partenaires professionnels et de recommander en retour les services d’une connaissance. Plus récemment, LinkedIn a également permis aux utilisateurs de confirmer la« qualité » spécifique de chacune des compétences professionnelles énumérées sur le profil d’une connaissance. Les recommandations et la confirmation des compétences professionnelles par des tiers a l’avantage de conférer une certaine crédibilité au titulaire du profil. Toutefois, nous croyons que les avocats devraient être prudents lorsqu’ils utilisent ces techniques, puisqu’elles pourraient potentiellement entrer en conflit avec les règles déontologiques relatives à la publicité des services des avocats québécois.

Dans sa section relative à la publicité, le Code de déontologie des avocats énonce la règle suivante relativement aux témoignages d’appui ou de reconnaissance :

5.06. Nul avocat ne peut, dans sa publicité, utiliser ou permettre que soit utilisé un témoignage d’appui ou de reconnaissance qui le concerne.

On comprend donc qu’un avocat ne peut demander à des anciens clients, ni à quiconque d’ailleurs, de produite une déclaration favorable à son égard pour des fins de publicité. Dans l’affaire Balazsi et Mullie c. Mercure, ès-qual. (médecins), 2000 QCTP 017, concernant une règle semblable applicable aux médecins, le Tribunal des professions, citant le syndic, expliquait ainsi la raison d’être de cette prohibition :

« L’interdiction des témoignages d’appui ou de reconnaissance est essentielle à la préservation de la dignité et de l’honneur de la profession ainsi qu’à la protection du public, évitant ainsi au public de se retrouver devant une multitude de personnalités les plus connues et respectées les unes que les autres s’affrontant dans diverses publicités et apportant leur appui à tel ou tel professionnel. Ce type d’intervention n’aurait en effet pas pour but d’augmenter le professionnalisme des médecins mais aurait, au contraire, pour effet d’instaurer une image mercantiliste de la profession. »

Ajoutons que, de par la nature des professions concernées, les clients se trouvent souvent dans une situation de vulnérabilité par rapport au professionnel, d’où le souci d’éviter que ne dernier ne soutire un témoignage favorable pour des fins purement commerciales. D’ailleurs, cette prohibition est reprise à l’article 145 de l’Avant-projet de [nouveau] Code déontologie des avocats publié par leBarreau du Québec : elle est donc là pour rester. À l’ère des réseaux sociaux, la question se pose : la recommandation écrite ou la confirmation d’une compétence professionnelle constitue-t-elle un élément de publicité prohibé par l’article 5.06 du Code de déontologie des avocats ?

Le profil LinkedIn est –il porteur d’une forme de publicité ?

Tout d’abord, les informations présentées sur le profil LinkedIn d’un avocat constituent-elles une forme de publicité ? Il est intéressant de constater que les deux plus récentes décisions concernant l’article 5.06 C.d.a. (les affaires Marchand et Mercure) portaient sur le site web de l’avocat en cause. On pourrait donc pratiquement conclure que le profil LinkedIn est aussi concerné.

Il y a également lieu d’examiner l’utilisation que le professionnel fait du réseau social. Outre le simple maintien du réseau de contacts (à ne pas négliger), LinkedIn nous semble remplir deux fonctions : faire connaître son profil à de potentiels employeurs (donc la recherche d’une relation d’emploi) et se faire de connaître de potentiels clients (donc la recherche d’une relation fournisseur-client). À supposer qu’une limite claire puisse être établie entre les deux formes d’utilisation, l’utilisation de LinkedIn aux fins de la recherche de clients peut très certainement être assimilée à de la publicité, au même titre que le site web.

Qu’est-ce qu’un témoignage d’appui ou de reconnaissance ?

Dans la plupart des affaires examinées par le Conseil de discipline du Barreau du Québec, le témoignage provient d’un ancien client qui se déclare satisfait des services rendus et qui explique en quoi les qualités de l’avocat ont permis une résolution efficace de son dossier. Toutefois, il ne s’agit que de l’une des possibilités de retrouver un « témoignage d’appui ou de reconnaissance ». Le bref message d’un ancien camarade de classe vantant les qualités exceptionnelles de celui avec qui il a réalisé des travaux d’équipe pourrait-il être considéré comme un tel témoignage ? Un simple « clic » pour confirmer la qualité d’une compétence énumérée sur le profil LinkedIn ? Qu’en est-il des messages de tiers laissés sur la page Facebook utilisée par l’avocat pour promouvoir ses services ? C’est à suivre…

Ce genre de questionnements devrait à tout le moins inciter les avocats à la vigilance quant à chacun des gestes qu’ils posent sur les réseaux sociaux. Ils doivent conserver un esprit critique et se rappeler que les mêmes règles déontologiques s’appliquent aux actions posées en ligne qu’à celles posées en face-à-face ou sur un support imprimé. Il ne devrait pas en résulter un appel à boycotter les réseaux sociaux pour les fins professionnelles, mais plutôt à bien comprendre leur fonctionnement… et peut-être à apprendre comment désactiver certaines fonctions lorsque l’utilisation de celles-ci ne peut être contrôlée efficacement par le titulaire du profil.

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