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Gouvernance du web et plan numérique

Rapport d'étonnement

Présenté par
19 novembre 2012
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Avec 12 autres « passionnés » du web (Mario Asselin, René Barsalo, Michelle Blanc, Cyrille Béraud, Sylvain Carle, Michel Cartier, Monique Chartrand, Michel Chioini, Jean-François Gauthier, Hervé Fisher, Claude Malaison et Monique Savoie), nous allons jeudi prochain dévoiler un rapport d’étonnement quant au fait que le gouvernement actuel ne semble pas très enclin à prioriser le secteur d’activité transversal s’il en est un que constitue le numérique. Au-delà du rapport en tant que tel, nous devions nous commettre en quelques mots sur le pourquoi de ce plan. Dans une perspective juridique, évidemment, et plus largement de gouvernance, voici quelques mots, quelques réflexions sur ce déjà demain.

Je me souviens… C’était au tout début du web moderne, au milieu des années quatre-vingt-dix et déjà, nombreux étaient ceux qui prétendaient que le vieux droit ne s’appliquait pas au numérique, au cyberespace. Plus de quinze après sa déclaration d’indépendance, le web, quel que soit son numéro, demeure plus que jamais connecté au monde qui l’alimente, aussi bien réel que virtuel. La raison de participer à ce rapport d’étonnement est d’abord en avant tout motivée par le fait que trop souvent, les projets technologiques se développent en autarcie et sont mis en place avant que l’on ait réfléchit à leurs conséquences, notamment juridiques. Ensuite, conformément au terme de « gouvernance » provenant du grec « kubernân » et signifiant « piloter », il importe d’articuler autour d’une même direction la manière de gérer les spécificités que ce domaine présente. Un plan « nerd » (l’expression n’est pas de moi) pourrait, sans aucun doute, faciliter le lien entre l’hier et le déjà demain.

Un plan numérique pour intégrer le passé

Le droit est une science, ou un art, de la réaction. Basé sur des lois, parfois anciennes, et de la jurisprudence qui se construit sur la règle du précédent, ce domaine des sciences sociales utilise un regard dans le rétroviseur presque par nature. De plusieurs de considérer que le droit est en retard face à la révolution numérique qui est la notre. C’est vrai, il l’est. Et c’est une très bonne chose !

Dans ce monde tout feu tout flamme que nous vivons, la rédaction d’un plan « Nerd » vise en premier lieu à faire une pause et à réfléchir sur les manières d’optimiser le numérique et d’éviter ses écueils. Avec la rapidité tant des sociétés modernes que des technologies, il est une fâcheuse tendance de perdre le lien avec « l’avant ». Conformément à une chronique de Normand Cousins, s’intitulant « The Poet and the Computer » et qui fit, à une époque, le tour du web, ce médecin de UCLA a écrit, en 1989, un article où il fait l’éloge de la poésie pour le traitement de cette interaction entre l’homme et la machine :

« Le cerveau électronique (…) ne permet pas non plus de mettre un homme en relation avec ce à quoi il doit être relié ; la possibilité d’un épanouissement créatif ; la mémoire de la race ; et les droits des générations à venir.

La raison pour laquelle ces problèmes sont importants à l’âge informatique est qu’il y a une tendance à prendre les données pour de la sagesse, à confondre la logique avec les valeurs, l’intelligence avec la perspicacité. »

Cette tendance à privilégier, comme disait Camus, le réflexe à la réflexion, est amplifiée par la vitesse à laquelle l’information circule et avec le peu d’analyse qui lui est consacrée. De façon identique, les époux Schiller, économistes bien connus, furent parmi les premiers à dénoncer cette déperdition des sciences sociales dans les sciences économiques

« After the apparent failure of economists to see the possibility of our recent financial crisis, there are emerging signs of greater interest in a balance between specialization and knowledge of findings in other fields, including history, psychology, and sociology. »

Le même phénomène s’applique aux technologies : celles-ci ne sont pas neutres et leur utilisation doit être analysée au regard du droit existant. Un « vieux » droit qui, fort d’une patine apportée par des décennies de réflexion, dispose souvent d’une meilleure capacité d’adaptation pour gérer la nouveauté que des lois plus récentes.

Un plan numérique pour intégrer le futur

Mais cela ne s’arrête pas là ! Si le droit a beaucoup à offrir quant à la gouvernance du numérique, en se basant sur une longue tradition, il n’en demeure pas moins qu’il constitue aussi une construction inhérente à tout exercice d’interprétation. Comme Giraudoux faisait dire à Hector dans « La guerre de Troie n’aura pas lieu » :

« Mon cher Busiris, nous savons tous ici que le droit est la plus puissante des écoles de l’imagination. Jamais poète n’a interprété la nature aussi librement qu’un juriste la réalité. »

Aussi, pour éviter les travers liés à l’interprétation, un « bon droit » doit tenter d’être connecté avec la réalité nouvelle et face à l’économie numérique qui révolutionne nos manières de faire, un dialogue, des dialogues, doivent être initiés afin d’optimiser le « vieux » droit et le monde « neuf ». Une harmonie doit se construire, des habitudes doivent se créer. Or, face à l’ampleur de cette tâche, un « plan nerd » devra nécessairement passer en second lieu par une approche pluridisciplinaire, ouverte aux autres. Comme directeur et codirecteur d’une Maîtrise en commerce électronique entre l’UDM et HEC pendant plus de 10 ans, j’ai pu apprécier les atouts d’un dialogue entre disciplines. Un dialogue d’autant plus important qu’il correspond à la remise en cause des « fameux » silos, souvent décriés, trop souvent conservés, en ce qui a trait à l’économie numérique.

Le numérique fait en effet sentir son influence à tous les étages des sociétés civile, gouvernementale et économique. Il importe donc d’institutionnaliser des liens de discussion afin de tenir compte de la transversalité que le numérique présente. Des normes informelles telles que codes de conduite ou lignes directrices, fruit de ces échanges, auraient besoin d’être considérées pour pallier aux doutes provenant de la nouveauté. La gouvernance, le droit, du numérique comprennent aussi ce type de normes ; des normes informelles qui plus dans le droit ancien que le droit moderne étaient d’ailleurs régulièrement utilisées pour introduire de l’efficacité dans le droit. Comme l’affirmait si justement Michel Serres, les nouvelles technologies nous condamnent à devenir intelligent.

MAJ (19 novembre 11h55)

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