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Pourquoi un contrôle onusien serait nocif à Internet et la « neutralité du réseau »

Bachar Daher est étudiant dans le cadre du cours DRT 6903 A2012 (Prof. V. Gautrais)
20 décembre 2012
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Internet s’est muté avec le temps pour accéder au statut de droit fondamental dans plusieurs coins de la planète (exemples : FranceFinlandeCosta Rica). Pour sa part, l’ONU a déclaré que l’accès à internet est un droit fondamental. De surcroit, il y a quelques mois, l’ONU est revenue à la charge, et s’est dotée d’une résolution affirmant que l’accès à internet ainsi que la liberté d’expression sur internet représentent un droit fondamental. Étonnamment, certains Étatsreconnus pour leur censure et leur ingérence sur la toile ont tout de même soutenu cette résolution.

La particularité inhérente à internet transcende de son caractère supranational. En d’autres mots, le contrôle de ce réseau ne relève d’aucune autorité, soit-elle privée ou publique, mais relève d’une multitude d’organismes décentralisés qui en assure le bon fonctionnement. Certes, internet n’est tout de même pas le wild wild west. Il demeure influencé autant par l’entreprise privée (ex : les Fournisseurs d’Accès Internet), que l’autorité gouvernementale. Malgré tout, ce réseau garde, à tout le moins présentement, une indépendance souvent promue et défendue sous la bannière de la « neutralité du réseau » (net neutrality).

De prime abord, il faut savoir ce qu’on vise par l’expression de « neutralité du réseau ». La popularisation de l’expression remonte à 2003 soutenue par l’article du Professeur de droit Tim Wu. Essentiellement, la neutralité du net s’explique par la non-discrimination de l’information circulant sur le réseau. Par exemple, votre fournisseur d’accès internet (exemple : Vidéotron, Bell, Roges, Telus, etc…) ne peut en aucun temps décider quel trafic numérique devrait avoir préséance. Par exemple, Vidéotron ne peut ralentir le trafic numérique de ses abonnés utilisant Skype pour communiquer. En agissant de la sorte, la compagnie de télécommunication porterait atteinte à la neutralité du réseau en discriminant la circulation du trafic, certainement à des fins commerciales dans ce cas-ci.

Il est évident que le concept de « neutralité » reste tout de même subjectif, il n’en demeure pas moins que les éléments essentiels de ce concept se rapportent à l’idée de libre-échange de l’information entre le producteur de contenu et le destinataire – ou consommateur – de ce contenu. L’idée est de limiter, voire abolir l’interférence et le parasitage entre les deux acteurs.

Voici quelques illustrations et citations de quelques personnes versées dans le domaine qui vulgarisent et définissent le concept de neutralité du réseau :

Le concept de neutralité du réseau ne semble s’appliquer qu’aux acteurs privés, soit entre les usagers et les compagnies de télécommunications. Or, la censure, l’ingérence étatique (ou la nonchalance législative) envers le réseau et envers son bon fonctionnement sont des facteurs aussi importants affectant la neutralité du réseau. Autrement dit, l’État est également un élément dans la formule de neutralité. L’atteinte à la neutralité du réseau ne découle pas uniquement de l’entreprise privée. Elle est également attribuable aux agissements de l’État. Un réseau n’est définitivement pas neutre avec des Fournisseurs d’Accès Internet (FAI) qui suivent les règles du jeu, alors que l’État se permet de filtrer et censurer l’information.

Le sujet de neutralité du réseau n’est certes pas un sujet d’actualité, puisqu’il remonte au début de la dernière décennie, par contre, la possibilité d’un chapeautage onusien de l’internet ramène la question à l’ordre du jour. Avec la Conférence mondiale des télécommunications internationales (CMTI) à Dubaï ce décembre 2012 (UIT) (une agence de l’ONU), le débat sur le contrôle d’internet divise les 193 pays en deux camps. Cette réunion vise essentiellement à réviser le Règlement des Télécommunication Internationales (RTI) adopté en 1988 avant la naissance d’internet. Or, certains pays sont en faveur de l’adoption d’une section consacrée à internet dans cette tentative de révision.

La majorité des États sont en faveur de l’adoption de règles visant une centralisation supranationale de la gestion et contrôle d’internet. Pour leur part, les pays opposés à cette idée dénoncent le fait que cette centralisation accroit le pouvoir des autorités gouvernementales, ainsi leur permettant de contrôler le contenu accessible à leurs citoyens et menacer le concept même d’internet. Ainsi, Eric Schmidt (Président Exécutif de Google) décrit la balkanisation de l’internet, prenant exemple de l’Iran, la Chine et la Russie qui essayent de couper leur pays du réseau en limitant leurs citoyens à leur frontière nationale, créant une sorte d’intranet national. Or, la proposition de la Russie pour la CMTI, soutenue par la Chine et plusieurs pays arabes, est menée sous le même angle du contrôle étatique. L’article 3A.3 de la proposition se lit ainsi :

« Member States shall have the sovereign right to establish and implement public policy, including international policy, on matters of Internet governance, and to regulate the national Internet segment, as well as the activities within their territory of operating agencies providing Internet access or carrying Internet traffic. »

Il est évident que cet article accorderait des droits incontestables aux États de gérer le réseau nationalement selon leur vision et politique nationale. Or, internet est un réseau supranational, et sa gestion doit rester décentralisée et désétatisée pour en assurer la viabilité. Elle ne peut se faire d’une façon locale, indépendante du reste des acteurs planétaires. Le rôle de l’État n’est pas celui d’un dompteur et apprivoiseur du réseau, mais devrait se limiter à un protecteur contre les invasions parasitaires et malveillantes. Le cheminement du réseau doit dépendre du producteur de contenu et le consommateur de ce contenu. Le rôle de l’État est celui de l’encadreur, protecteur et promoteur. Un État ne doit pas avoir comme mission de façonner internet à son image culturelle ou idéologique. Il n’est certainement pas du ressort de l’État, ni des Nations Unies d’ériger des règles sur la possibilité de contrôle et de gestion d’internet. De plus, accepter l’inclusion de l’État dans la gestion proactive du réseau marque une dichotomie importante avec la position préalable de l’ONU étant qu’internet est un droit fondamental. Internet est une ressource mondiale où quiconque devrait être en mesure d’en puiser. La contamination, la censure, le ralentissement, l’inaccessibilité, la menace, la « balkanisation » devraient être tous limités et éradiqués pour en assurer un épanouissement et un cheminement fleurissant. À l’ONU revient la responsabilité de promouvoir internet et de maintenir sa position originelle en défendant le réseau.

Perdre le contrôle d’internet en faveur de quelques régimes malveillants ne serait pas ce que la majorité voterait dans le cas d’un référendum sur la question :

«  In a referendum among the world’s two billion Internet users, how many would vote to transfer control of the Internet to the United Nations ? Perhaps 100,000, an estimate based on the number of top officials ruling the most authoritarian countries, whose power is threatened by the open Web.

Under the one country, one vote rule of the U.N., these 100,000 people trump the rest of the two billion. It only takes a majority of the 193 countries in the U.N. to hijack the Internet. »

Il vaut mieux garder ce statu quo sur la question d’internet, que de s’engouffrer dans un changement qui ruinerait cette ressource mondiale si chère à notre société de l’information.

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