Ce débat est d’une importance capitale pour les chaînes TV car ces programmes, en tant que fiction, permettraient de rentrer dans les quotas de diffusion de fictions des chaînes.
La scripted-reality ce sont ces programmes de téléréalité où tout est écrit d’avance. Il y a un réalisateur, un auteur et des comédiens. Les scènes sont jouées beaucoup plus rapidement que dans des œuvres audiovisuelles classiques ce qui permet à ces émissions d’être beaucoup moins onéreuse qu’une fiction classique. Ainsi, les émissions « Au nom de la vérité » (TF1), « Mon histoire vraie » (TF1), « Face au doute » (M6), « Si près de chez vous » (France 3), se distinguent des émissions de télé réalité classiques comme « Secret Story »(TF1) par la présence de véritables comédiens et d’une écriture anticipée.
Le CSA (Conseil supérieur de l’audiovisuel) a, cet été, considéré, à la demande des chaînes citées ci-dessus, ces émissions de « scripted-reality » comme des fictions et rentrant ainsi dans les quotas et obligations de diffusion des chaînes. Francine Mariani-Ducray, conseillère du CSA en charge du dossier justifie cette décision : « lorsqu’une chaîne nous demande de qualifier de fiction une émission de scripted-reality, nous appliquons les critères que nous avons énoncés dans notre consultation, c’est-à-dire nous regardons qu’il y avait des auteurs, des réalisateurs et des comédiens. En pratique, nous avons procédé à un examen poussé avec les chaînes et les producteurs. Finalement, toutes les émissions qui nous ont été soumises remplissaient ces critères. Dès lors, nous avons décidé de les considérer comme des fictions ».
En revanche, le CNC (Centre national du cinéma et de l’image animé) a une position inverse que celle du CSA. Il considère que la part de création est insuffisante par rapport à des fictions classiques.
Les conséquences ne concernent pas simplement les obligations de diffusion des chaînes. En effet, si on étend la décision du CSA à toute émission de télé réalité, les candidats seraient ainsi de véritables comédiens et donc artistes-interprètes et aurait ainsi des droits voisins en plus que leur cachet initial (salaire). En réalité, la part de création d’une scripted-reality paraît être la même que pour une émission comme Secret Story. De plus, tout au long de l’émission, les candidats ont des missions et jouent un rôle différent du leur. Il y a en plus des directives de la production qui scénarise le programme. Ainsi, en réalité, le débat pourrait avoir lieu afin de considérer une émission de pure télé réalité comme une fiction.
Sur ce point, « Pop stars » avait été considéré déjà, au tout début de la télé réalité, comme une fiction par le CSA. Ainsi, M6 avait pu faire rentrer son émission dans ses quotas de diffusion de fiction. La SACD avait contesté cette décision, en vain.
Rappelons tout de même, que la Cour de cassation a rendu un arrêt le 24 avril 2013, qui avait tranché sur la question de savoir si les candidats d’une émission de télé réalité (en l’occurrence ici « L’île de la tentation ») pouvait bénéficier du statut d’artiste-interprète et donc avoir des droits voisins. Le juge a procédé à une vision restrictive de la qualité d’artiste-interprète. En effet, même si le statut d’artiste-interprète repose sur l’apport d’une « contribution originale et personnelle » à travers l’interprétation (Cass. 1ère civ. 6 juillet 1999), « la qualité d’artiste-interprète était surtout née lorsque la personne agissait exclusivement dans la réalité de son activité »(Cass 1ere civ. 13 novembre 2008). Ainsi, ici ce n’est pas le cas, car le candidat joue un rôle mais en restant en partie lui-même.
Ainsi, cette décision permet peut-être de clore le débat. Non il n’y a pas de véritables comédiens dans une émission de télé réalité. Or, le CSA a basé sa décision sur la scripted–reality en s’attachant à la présence de comédiens, d’un auteur et d’un réalisateur.