Mélodie Perrault, jeune tatoueuse montréalaise, publie ses dessins sur son compte Instagram afin de promouvoir son talent et ainsi trouver de nouveaux clients. On remarque, dans ses œuvres, un style audacieux qui tend vers l’osée… une originalité qui la distingue de quiconque. En janvier 2016, Mélodie Perrault a eu la surprire de découvrir que la compagnie russe Serious Cat avait repris un de ses dessins pour l’apposer sur des vêtements et en faisait la promotion sur Instagram.
Au Canada, selon l’article 5 de la Loi sur le droit d’auteur, une œuvre bénéficie de la protection du droit d’auteur dès lors qu’elle est originale et qu’elle a été fixée. Il ne fait aucun doute que le dessin de Mélodie est original et été ainsi protégé par un droit d’auteur. Or, d’après l’article 3 de la même loi, Mélodie est la seule à avoir le droit de reproduire le dessin ou de la communiquer au public, y compris sur Internet, ou d’autoriser d’autres à le faire.
Or, Serious Cat a repris son œuvre et l’a affiché sur un modèle de leurs chandails qu’ils ont, par la suite, vendu sur internet. Cependant, l’entreprise n’a pas repris de manière identique le dessin de la jeune artiste. Ils ont plutôt refait un dessin, inspiré fortement en y modifiant quelques détails. Toutefois, au Canada, malgré le fait que le droit d’auteur ne protège pas l’idée derrière un œuvre, il vient protéger l’expression qui en est dégagée. Suivant cette logique, en comparant les deux dessins, on reconnaît facilement que les deux œuvres possèdent la même expression.
Il faut se demander si Serious cat a copié l’idée de Mélodie ou son dessin est un oeuvre original ? À bien comparer les deux dessins, on constate qu’ils n’ont pas juste fait une œuvre basée sur une idée commune mais copier l’œuvre protégée en modifiant quelques éléments. Or, des légères modifications qui ne viennent pas modifier l’expression initiale de l’œuvre de l’auteur, son originalité, ne suffisent pas pour éviter d’être considéré comme une copie.
Selon l’article 27(1) de la Loi sur le droit d’auteur, il y a une violation du droit d’auteur si on reproduit ou communique une œuvre protégée sans l’autorisation du titulaire des droits, en l’occurrence Mélanie.
Avait-elle toujours un droit d’auteur sur cet œuvre malgré la publication sur Instagram ?
Il se pose la question de savoir si le fait qu’elle ait publié son dessin sur Instagram, celui-ci était libre de droit ? La réponse est non ! Mélodie conserve tous ses droits sur son dessin. Selon l’article 13(4) de la Loi sur le droit d’auteur, afin de céder ses droits d’auteurs, on doit renoncer expressément à ceux-ci. Cela n’est aucunement le cas et fait qu’elle est toujours protégée par la loi et garde ainsi tous ses droits liés à son dessin même si celui-ci a été publié sur un réseau social.
Si elle a pu donner une licence à Instagram pour diffuser ses œuvres au public sur le réseau (c’est dans les conditions d’utilisations) et permettant aux autres utilisateurs de reposter la photo via le bouton d’Instagram, elle a toujours ses droits vis-à-vis des autres utilisateurs pour toutes les autres utilisations.
Comme on peut lire sur les conditions d’utilisations, Instagram n’aime d’ailleurs guère que l’on dérobe les œuvres de ses utilisateurs. On peut lire dans la section droit des conditions d’utilisations d’Instagram :
« 5. Le Service est composé d’un contenu qui est la propriété ou qui est sous licence d’Instagram (le “Contenu Instagram”). Le Contenu Instagram est protégé par des droits d’auteur, des marques de commerce, des brevets, des secrets commerciaux et d’autres lois. Ainsi que cela a été convenu entre vous et Instagram, Instagram possède et conserve tous les droits liés au Contenu Instagram et au Service. Vous n’êtes pas autorisé (e) à supprimer, modifier ou dissimuler les droits d’auteur, marques de commerce, marques de service et autres avis de droits de propriété inclus dans le Contenu Instagram ou qui l’accompagnent, et vous ne devez pas exploiter le Contenu Instagram, notamment en le reproduisant, en le modifiant, en l’adaptant, en préparant des œuvres qui en dérivent, en l’affichant, en le publiant, en le distribuant, en le transmettant, en le diffusant, en le vendant ou en le concédant sous licence. »
Instagram vient clairement préciser que le contenu qui se retrouve sur sa plateforme est protégé par des droits d’auteurs et que nul ne peut exploiter ce contenu de quelconque façon. Mais encore, Instagram ne permet pas non plus de publier du contenu qui ne nous appartient pas.
« 4. Vous déclarez et garantissez que : (i) vous êtes propriétaire du Contenu que vous publiez sur le Service ou par son intermédiaire, ou vous êtes autorisé (e) à accorder les droits et licences évoqués dans les présentes Conditions d’utilisation ; (ii) la publication et l’utilisation de votre Contenu sur le Service ou par son intermédiaire n’enfreignent pas, ne détournent pas et ne violent pas les droits de tiers, y compris, mais s’y limiter, les droits de respect de la vie privée, les droits de publicité, les droits d’auteur, les marques de commerce et autres droits de propriété intellectuelle; (iii) vous acceptez de payer l’ensemble des redevances, droits d’auteur et autres sommes dues en relation avec le Contenu que vous publiez sur le Service ou par son intermédiaire; et (iv) que vous avez le droit et la capacité d’être lié par les présentes Conditions d’utilisation dans votre juridiction. »
En ce sens, en plus d’enfreindre la Loi sur droit d’auteur, Serious cat vient enfreindre les conditions d’utilisations d’Instagram puisqu’ils ne sont pas propriétaires du contenu qu’ils publient et qu’ils n’ont jamais été autorisés, par la propriétaire, à publier ce dessin. De plus, suite à des discussions entre Mélodie et la compagnie, ces derniers ont refusé de payer une redevance à la plaignante. Ils viennent, donc détourner et violer les droits d’auteur de cette artiste.
Malgré la publication initiale sur Instagram, il y a donc contrefaçon !
Dans ce cas-ci, Mélodie est l’auteure et titulaire de son œuvre malgré que celui-ci ait été publié sur Instagram. Elle détient tous les droits s’y rattachant. Serious Cat a atteint à ses droits en reproduisant l’œuvre, même légèrement modifiée, sur des chandails et en communiquant au public lesdites reproductions sur Instagram.
De plus, il y a une atteinte aux droits moraux de l’article 14.1 de la Loi sur le droit d’auteur. En effet, en n’indiquant le nom de l’auteure originale, l’entreprise russe ne respecte pas le droit de paternité de l’œuvre. De plus, on pourrait considérer qu’il y a une violation du droit à l’intégrité de l’œuvre qui a été modifiée et alterrée.
Un recours possible…
Puisqu’il y a eu violation de ses droits d’auteur, Mélodie pourrait porter plainte devant les tribunaux canadiens. Pour la violation d’un droit, la loi permet une injonction contre la compagnie en question, d’avoir des dommages et intérêts et de demander une reddition de compte des bénéfices de la contrefaçon.
Bien que les lois soient entièrement du côté de l’artiste, le fait que les contrefaiseurs soient situés en Russie complique la chose. Il en coûterait beaucoup trop de temps et d’argent à Mélodie afin de les poursuivre. De plus, pour être efficace, il faudrait aller les poursuivre devant le tribunal près de Serious Cat qui se trouve… en Russie.
Notons qu’Instagram a néanmoins mis en place des procédures pour contrer les atteintes aux droits d’auteur, notamment au https://help.instagram.com/contact/539946876093520. Instagram n’aime guère que l’on vienne porter atteinte à ses utilisateurs de la sorte, il est fort probable qu’ils effaceraient toutes publications reliées à ce dessin et pourraient aller jusqu’à bloquer complètement la compagnie de sa plateforme…