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La préinstallation des applications Google : une pratique contraire à la concurrence ?

22 novembre 2016
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Le 10 novembre 2016, Google répondait, après avoir obtenu pas moins de 4 délais supplémentaires pour préparer sa défense, aux allégations de la commission européenne datant d’avril 2016 quant à la question d’abus de position dominante par le biais de son système d’exploitation Android.  Dans un cas presque similaire ayant eu lieu en Russie, Google a déjà écopé d’une amende de 6.8 millions de dollars.

En substance, il est reproché à Google de passer des contrats avec divers constructeurs afin de les contraindre à préinstaller certaines applications de Google, telles que Gmail, Maps, ou Drive. Selon la plainte de la Commission, Google priverait les consommateurs d’un choix plus large d’applications. En violant les règles de concurrence imposées par l’article 102 du traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne, Google freine l’innovation des autres acteurs. Actuellement, 80% des smartphones en circulation fonctionnent sous licence Android. L’enjeu de la question sur le marché des smartphones pourrait donc avoir un impact énorme. 

En principe, l’OS Android est open source. Cela signifie que n’importe qui peut, tout à fait légalement, créer un système d’exploitation basé sur le code source Android. C’est ainsi que plusieurs communautés d’amateurs ont vu le jour en créant des dérivés du système d’exploitation, comme par exemple Cynanogen OS. Cependant, si un fabricant souhaite intégrer certaines applications Google au système d’exploitation ainsi créé, il devra nécessairement contracter avec la société californienne. La firme impose alors un contrat dit d’« anti-fragmentation » aux constructeurs. Cela signifie que, si ils souhaitent intégrer le Play Store ou Google Maps sur leurs terminaux, ils devront obligatoirement installer toute la suite Google sans pouvoir choisir les seules applications qui les intéressent. C’est la règle du « tout ou rien » qui s’applique. Or, l’absence du Google Play store, qui constitue, à l’instar de l’appstore d’Apple, la porte d’accès aux applications tierces, rend le système d’exploitation bien moins attractif pour le consommateur. Les constructeurs sont donc contraints d’accepter l’accord d’anti-fragmentation, ce qui prive les concurrents des services Google de la possibilité de solliciter des constructeurs la préinstallation de leurs applications sur Android. A titre d’exemple, Microsoft Outlook Mobile, disponible mais sur le play store ne peut être préinstallé de par l’existence de l’application Gmail dans la suite Google.

Par sa réponse rendue le 10 novembre, Google conteste en bloc les accusations de la commission. L’argumentaire est basé sur plusieurs points, résumé dans un billet posté sur le blog de Google. D’abord, ce serait grâce aux accords avec les constructeurs et au système de préinstallation que Google peut continuer de distribuer Android librement. De plus, les accords avec les constructeurs permettraient de concilier la possibilité de créer des versions personnalisées d’Android avec un seuil minimum de contrôle quant à la compatibilité des versions commercialisées. Cette compatibilité est nécessaire pour permettre aux développeurs de créer et de proposer des applications fonctionnant sur différentes versions d’Android. Comme le souligne Kent Walker, vice-président de Google, dans le billet posté ce 10 novembre :

We are concerned that the Commission’s preliminary findings underestimate the importance of developers and the dangers of fragmentation in a mobile ecosystem.  Developers — and there were at least 1.3 million of them in Europe in 2015 — depend on a stable and consistent framework to do their work. Any phone maker can download Android and modify it in any way they choose. But that flexibility makes Android vulnerable to fragmentation (… ) When anyone can modify your code, how do you ensure there’s a common, consistent version of the operating system, so that developers don’t have to go through the hassle and expense of building multiple versions of their apps? To manage this challenge, we work with hardware makers to establish a minimum level of compatibility among Android devices

Par ailleurs, Google souligne que les utilisateurs peuvent toujours désinstaller ces applications et que des applications concurrentes (tels Instagram ou Whatsapp) sont disponibles sur le Google Play Store. Enfin, l’uniformité d’Android serait nécessaire pour stimuler et maintenir la compétitivité à l’égard de l’IOS d’Apple, avec qui Google se considère comme en concurrence. En effet, selon la société californienne, ses concurrents appliquent la même politique de préinstallation avec leurs terminaux. Toujours selon le billet de Kent Walker :

Android’s competitors, including Apple’s iPhone and Microsoft’s Windows phone, not only do the same, but they allow much less choice in the apps that come with their phones. On Android, Google’s apps typically account for less than one-third of the preloaded apps on the device (and only a small fraction of device memory). A consumer can swipe away any of our apps at any time.

Google défend donc sa politique économique en se basant, notamment, sur l’attitude adoptée par les autres acteurs du secteur. Sans préjuger de la décision de la commission, les arguments semblent quelques peu fragiles. En effet, si Apple ou Blackberry préinstallent bien certaines applications, ils produisent leurs propres terminaux, comme par exemple l’Iphone, sans contracter avec des tiers-constructeurs. Leur situation ne semble pas assimilable aux cas de contrats « anti-fragmentation » de Google. De plus, certaines applications préinstallées ne peuvent pas être totalement désinstallées d’un smartphone Android. 

Cette affaire s’ajoute à deux autres cas, tout aussi complexes, qui confrontent Google et la commission européenne. Il est notamment reproché à Google, d’une part, de violer les règles de concurrence par le biais de son système de publicité ad word et, d’autre part, de fausser la comparaison des prix. Les enjeux sont loin d’être anodins pour le géant de Mountain View, étant donné que, dans chacune de ces affaires, l’amende est souhaitée dissuasive par la commission. Elle représenterait 10% du chiffre d’affaires de Google, soit 7.5 milliards de dollars.

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