Il ne faut pas être le plus ardent cinéphile pour se rappeler de Space Jam, de ses extra-terrestres multicolores, de Bugs Bunny, des Looney Tunes et enfin de la populaire chanson Fly Like an Eagle. Nous doutons pourtant que ce film populaire aurait autant marqué l’imaginaire collectif de la jeunesse d’antan sans la participation de son principal acteur. Nous nommons le seul et l’unique : Michael Jordan, vedette de la NBA et, pour en choquer plusieurs, l’incontestable GOAT « Greatest of All Time » du basketball.
Il est irréfutable que Michael Jordan « MJ » doit sa popularité, dite transcendante, à sa carrière sportive. En revanche, il est opportun de souligner que MJ s’est tout aussi démarqué dans le monde des affaires. En 2010, il achète la franchise NBA des Hornets de Charlotte et devient, en 2014, le premier sportif milliardaire. C’est cependant grâce à son affiliation avec Nike, dont est issu l’iconique soulier Air Jordan, puis finalement la marque de commerce Jordan, que MJ s’est affirmé en tant qu’homme d’affaires. Inutile de mentionner, suite à cet illustre exposé, que le nom Michael Jordan revêt une reconnaissance populaire certaine et que son utilisation doit être protégée, voire encadrée. Cette évidence n’est toutefois pas aussi claire en Chine, où plusieurs « non-Chinois » peinent à faire reconnaître leurs droits de propriété intellectuelle.
La Cour populaire suprême de Chine a finalement donné raison à Michael Jordan, après quatre longues années de litige. Matthew Dresden, du site ChinaLawBlog écrit à ce sujet :
« But the highest court in China today ruled that in fact “乔丹” was well-known and associated with Michael Jordan personally, and that therefore Qiaodan Sports’ trademark registrations for “乔丹” should be invalidated. »
En fait, la cour a reconnu que le nom de Michael Jordan est manifestement reconnu par les Chinois et que l’enregistrement de ce nom démontrait de la mauvaise foi de la part de Quiaodan.
Trois aspects de cette décision chinoise doivent être soulignés, puisqu’assez marquants.
En premier lieu, la cour n’a pas donné d’explication rationnelle de sa décision. Elle s’est contentée de rendre une conclusion, laissant chacun libre de tirer ses propres conclusions.
En deuxième lieu, bien que la décision ait été rendue en faveur de MJ, celui-ci ne s’est pas fait accorder de compensation financière. Cette omission, volontaire ou non, de la cour nous laisse penser que la Chine est finalement peut-être encline à limiter l’activité des « copycats », mais qu’elle n’est pas prête à les punir financièrement pour cette activité.
Enfin, la cour a refusé de protéger l’utilisation phonétique chinoise de Jordan dans sa forme Pinyin, soit Quiaodan « Chee-ow-dahn », puisqu’elle a déterminé qu’il n’y avait aucune association à faire entre l’épellation phonétique d’un nom et la personne associée à ce nom. La cour n’a ainsi accordé à MJ qu’une victoire partielle. La société chinoise pourra continuer à utiliser le nom « Quiaodan » en toute liberté.
Pourquoi déterminer que 乔丹 doit être interdit alors que Quiaodan est permis, si les deux termes renvoient directement au même nom ? Cet aspect nous semble assez particulier.
Michael Jordan a aussi commenté cette victoire en soulignant qu’il était important que les consommateurs aient l’heure juste :
« Chinese consumers deserve to know that Qiaodan Sports and its products have no connection to me. »
Cette décision est importante en matière de protection des consommateurs, mais elle est aussi certainement encourageante pour les multinationales œuvrant en Chine et qui veulent y intenter des processus d’invalidation de marque de commerce. Elle expose d’ailleurs qu’il est nécessaire, en matière d’enregistrement de marque de commerce en Chine, de procéder à l’enregistrement en anglais, en caractère chinois et même en phonétique Pinyin de sa marque. Contrairement aux États-Unis qui utilisent le principe du « first-to-use », la Chine implémente la politique du « first-to-register », c’est-à-dire que le propriétaire de la marque sera non pas l’utilisateur, mais bien le premier à s’enregistrer. La plupart des sociétés œuvrant en Chine sont hautement familières avec ce dernier principe et il est conseillé de développer une stratégie proactive d’enregistrement en Chine. Même si une société étrangère n’est pas certaine de souhaiter utiliser une marque de commerce, elle devrait, dans une optique défensive, enregistrer cette marque en Chine, préalablement à son usage. Enfin, David W. Braswell, du cabinet Armstrong Teasdale, résume bien la stratégie envisageable face au caractère dit idiosyncrasique et hautement règlementé du système chinois :
« Overseas copycats are difficult to detect, and by the time they are discovered, either the statute of limitation has passed or the counterfeiting business has developed too far. More challenges are posed with the rise of cross-border shopping on e-commerce platforms. International companies should implement robust anti-counterfeiting programs to monitor and detect potential infringements around the globe for early prevention. »
Il reste à voir si le cas de Michael Jordan s’inscrit dans une réelle volonté chinoise de faire face aux « Copycats » ou si le GOAT faisait purement et simplement face à un juge sympathique. À la suite d’une décision similaire en faveur de TRUMP, plusieurs auteurs soutiennent la première théorie. Soulignons cependant que, bien que nous reconnaissions aisément l’égalité de tous devant la justice, nous ne nous s’opposerions pas personnellement à un usage abusif, voire même créatif, caricatural ou satirique, du nom du tout dernier récent élu « POTUS »…