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Contenu illicite : la responsabilité des plateformes en ligne

21 novembre 2017
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Avec 1.31 milliards d’utilisateurs quotidiens et 2.07 milliards d’utilisateurs mensuels, Facebook inc. se porte très bien. Cette prospérité est due en partie grâce au temps considérable que nous, chaque utilisateur, consacrons aux réseaux sociaux. Successivement, en déroulant un fil d’actualité en l’espace de quelques secondes, il est facile d’être émerveillé par des articles sur des petits chiots, d’être curieux du nouveau maillot du Canadien pour la classique 100 LNH, de constater la victoire de Valérie Plante ou encore d’y voir une scène aberrante avec des images choquantes. Aujourd’hui avec les changements sociaux et technologiques, les informations communiquées se suivent mais ne se ressemblent pas et peuvent vite se retrouver épidermiques au détriment de l’atrocité qu’elles peuvent contenir. Question éthique on peut y revenir. Bien que des actes criminels aient pu déjà être commis en live sur Facebook, cette question est revenue avec force le dimanche 16 avril 2017 lorsqu’un homme décida de commettre un meurtre en live sur Facebook. Le lendemain l’entreprise Facebook rend un communiqué où il est admis expressément qu’ «  It was a horrific crime — one that has no place on Facebook, and goes against our policies ». Bien qu’il soit difficilement possible de tracer tout contenu déposé par un tiers et implicitement de garantir la sécurité absolue, Facebook s’assure de pouvoir éviter toute situation tendancieuse dès lors qu’il en prend connaissance. Dans la mesure où les échanges de contenus se font rapidement et sans retenue dans le cyberespace, il est important de pouvoir prévoir un cadre permettant de réguler et contrôler les contenus mis en ligne. Dans l’état actuel du droit, les plateformes pourraient-elles être tenues responsables du contenu mis en ligne ? Quels sont les moyens juridiques mis en place pour éviter de placer en ligne du contenu « illicite » ?

Au-delà des conditions et politiques d’utilisation d’une plateforme en ligne, au Québec selon l’article 1457 Code civil du Québec celui qui décide de mettre en ligne du contenu ou adopte un comportement de contrôle sur la diffusion de celui-ci endosse la responsabilité découlant de son caractère délictueux ou illicite. Il est difficile de reconnaître une présomption de responsabilité des plateformes en ligne dans la mesure où celles-ci n’exercent pas de droit de regard sur les contenus qui passent dans leurs environnements technologiques. En effet, selon l’article 27 Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information, ci-après « lccjti », les plateformes en ligne n’ont aucunement l’obligation de faire une surveillance active sur le contenu mis en ligne. En ce sens, elles n’ont pas à endosser un costume de gendarme et, selon l’article 22 de la lccjti, exercer un contrôle préventif sur le contenu publié par des tiers. Elles n’ont donc pas l’obligation de prendre connaissance et d’apprécier la teneur des documents hébergés. Néanmoins, les plateformes en ligne seront reconnues responsables dès lors où elles auront pris connaissance du caractère illicite du contenu publié. À partir du moment où les plateformes en ligne ont connaissance d’un contenu illicite, elles ont l’obligation d’agir. Ainsi, c’est le facteur connaissance de la nature délictueuse de l’information qui engendrera la responsabilité de celles-ci. De cette manière, bien qu’elles n’aient pas d’obligation de surveillance il demeure que si la plateforme en ligne ne procède pas aux retraits de contenus illicites elle pourrait entraîner sa responsabilité pour les dommages causés par de tels contenus. Il est à noter que la caractérisation d’un contenu illicite, délictueux n’en demeure pas moins une source de conflit. À l’évidence suffit-il d’évoquer l’illicéité d’un contenu pour engager la responsabilité de l’intermédiaire ? [Sur la question voir : Pierre Trudel ].

Les moyens juridiques mis en place envers les plateformes en lignes ne sont pas forcément coercitifs et n’incitent pas ces derniers à adopter une attitude plus active sur le contrôle de l’information. L’obligation des plateformes en ligne quant aux contenus publiés est relativement une obligation de moyen. Dès lors où elles n’ont pas l’obligation de surveillance sur les contenus hébergés et l’obligation d’exercer un contrôle sur ceux-ci, leur seule obligation est de prendre les moyens raisonnables de coercition lorsqu’elles acquièrent la connaissance d’un contenu illicite hébergé sur leurs plateformes. Bien que l’état du droit actuel ne le permettrait pas, serait-il possible d’imaginer une présomption de responsabilité à l’égard des plateformes en ligne. Pour cela, à l’image du régime juridique des éditeurs, il faudrait reconnaître aux plateformes en ligne une obligation de résultat quant aux contenus publiés et hébergés.  En reconnaissant à ces dernières l’obligation d’exercer un contrôle sur l’activité et le contenu de chaque publication, ceci permettrait d’établir une présomption de responsabilité à leur égard. Assurément, la plateforme en ligne qui exerce une autorité éditoriale répond de chacun des éléments qui constituent le contenu d’une publication. Toutefois, contrôler et filtrer la moindre des informations publiées sur leurs réseaux, la tâche semble ardue et paraît inconcevable. Afin de lutter contre les contenus illicites mis en ligne, ne serait-il pas plus judicieux d’imposer une obligation de surveillance active aux plateformes en ligne. Loin d’arriver à une obligation de résultat. L’idée serait qu’en imposant une telle obligation, la responsabilité ne résiderait plus seulement dans le facteur connaissance du caractère illicite ou délictueux de l’information. En outre, du facteur connaissance, la responsabilité des plateformes en ligne pourrait être engagée dès lors où ces dernières n’auraient pas pris les moyens nécessaires pour adopter une surveillance active et par conséquent prévenir la publication de contenus illicites.  Il convient dans un tel exercice de rechercher un équilibre entre d’une part, la liberté d’expression et, d’autre part, la protection des utilisateurs. Un exercice qui n’est pas sans embûche.

À l’instar du régime québécois, le législateur européen n’a pas déchu les plateformes en ligne de toute surveillance active quant à la licéité de l’information. Concernant les contenus illicites, le 28 septembre 2017, la commission européenne au travers d’une communication invite clairement les plateformes en ligne à adopter un comportement proactif. Entre autres, par le biais de mesures non contraignantes, la commission européenne recommande : « using technology to detect illegal content » ; « cooperate closely with law enforcement and other competent authorities » ; « platforms should remove illegal content as fas as possible » ; « the close cooperation between online platforms and trusted flaggers. Notices from trusted flaggers should be able to be fast-tracked by the platform ».  Ne verrait-on pas dans ces recommandations non contraignantes l’établissement futur d’un nouveau cadre juridique européen entourant la responsabilité des plateformes en ligne. La question demeure. Le point d’orgue est clair, la position européenne accroît peu à peu l’obligation des plateformes en ligne à endosser un costume proactif concernant les contenus illicites. Considérant la responsabilité des plateformes en ligne, le régime juridique québécois aurait perdu de son avant-gardisme comparativement aux avancées législatives européennes. Toutefois, les législations européennes et québécoises apparaissent moins protectrices pour les plateformes en ligne que le droit américain dont celles-ci se réclament. Au-delà d’une refonte du régime de responsabilité des plateformes en ligne soutenu peut-être par l’évolution prétorienne, il semble intéressant de prendre le problème autrement. Effectivement, rien ne sert de rechercher un responsable si aucune faute n’a été commise. Afin de garantir les règles de bienséance sur les plateformes en ligne, nous, chaque utilisateur devrons avoir à l’esprit les règles de la nétiquette. À cet effet, internet ne devrait pas être un lieu de défouloir ou de voyeurisme.

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