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Décision de la CJUE : une année qui se termine mal pour Uber

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3 janvier 2018
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L’année 2017 a été une année pourrie pour Uber. Tourmentée par une kyrielle de scandales allant des révélations d’harcèlement sexuel dans ses bureaux, à celle d’un piratage massif impliquant les données de 57 millions d’utilisateurs, en passant par des allégations de vols de secrets commerciaux par Google, de l’admission de l’utilisation du logiciel « Greyball » pour déjouer les gouvernements locaux et du départ du PDG et co-fondateur Travis Kalanick, l’entreprise américaine n’a pas arrêté de faire les manchettes. L’entreprise plutôt combative n’a pas non plus été victorieuse dans ses combats judiciaires. En effet, côté judiciaire, c’est notamment au Québec, en Grande-Bretagne, et en France qu’elle a subi des échecs.

Dans une décision rendue le 20 décembre 2017, l’entreprise a essuyé un autre coup dur lorsque la Cour de justice de l’union européenne (CJUE) a statué qu’Uber ne constitue pas un service d’intermédiation appartenant au commerce électronique, mais plutôt un service de transport. En effet, dans l’affaire C‑434/15 opposant la Asociación Profesional Elite Taxi (Elite Taxi), une association professionnelle de chauffeurs de taxis de Barcelone à Uber Systems SpainSL, la Cour devait qualifier le service rendu dans le cas de fourniture « au moyen d’une application pour téléphone intelligent, d’un service rémunéré de mise en relation de chauffeurs non professionnels utilisant leur propre véhicule avec des personnes souhaitant effectuer des déplacements urbains, sans disposer de licences et autorisations administratives. »

La nécessité de qualifier le service Uber est devenue évidente, lorsqu’en 2014, Elite Taxi entreprit des démarches judiciaires auprès du Juzgado de lo Mercantil no 3 de Barcelona (tribunal de commerce no3 de Barcelone). En effet, l’association de taxi a déposé une plainte après la mise en service d’UberPOP, une application ouverte à des chauffeurs sans permis de taxi, car elle considérait que le service consistait en de pratiques trompeuses et d’actes de concurrence déloyale, car il était ainsi « exempté des licences et agréments réclamés aux services de taxis de l’agglomération catalane. » Or, puisque la qualification du service n’avait pas été statuée, que le cadre applicable n’était pas clair, le juge espagnol a décidé de solliciter l’avis de la CJUE avant de trancher la question.

Deux années plus tard, le haut tribunal européen a tranché en faveur de l’opinion de l’avocat général Szpunar selon laquelle « la plateforme électronique Uber, tout en étant un concept innovant, relève du domaine du transport, si bien qu’Uber peut être obligée de posséder les licences et les agréments requis par le droit national.» Uber n’a donc pas réussi à convaincre la CJUE qu’elle n’offre qu’un simple service d’intermédiation en fournissant une application informatique mettant en lien des personnes à la recherche d’un moyen de transport et des chauffeurs prêts à les transporter. Plutôt, ce sont les arguments suivants qui l’ont convaincue du contraire :

  • Sans l’application, les chauffeurs non professionnels ne seraient pas amenés à fournir des services de transport ;
  • Sans l’application, les personnes désireuses d’effectuer un déplacement urbain n’auraient pas recours aux services desdits chauffeurs ;
  • Uber exerce une influence décisive sur les conditions de prestation de service de ces chauffeurs, notamment en fixant le prix maximum de la course, en récoltant ce prix avant d’en reverser une partie au chauffeur non-professionnel et en excluant ceux dont la qualité du service n’est pas satisfaisante.

Ainsi, selon la Cour, puisque ce service fait partie intégrante d’un service global dont l’élément principal est un service de transport, il relève plutôt du « service dans le domaine des transports au sens du droit de de l’Union. » En conséquence, son service doit être exclu « du champ d’application de la libre prestation des services en général ainsi que de la directive relative aux services dans le marché intérieur et de la directive sur le commerce électronique » (voir l’article 3 de la Directive no 2000/31/CE du Parlement Européen).

Cette décision risque d’avoir des conséquences importantes. Pour Uber, au-delà du fait que la cour espagnole risque de la condamner pour pratiques trompeuses et concurrence déloyale, elle risque également de se faire imposer des conditions de réglementation et de taxation plus sévères. On dit bien « risque », car la Cour a laissé aux États membres une très grande marge de manœuvre en déclarant qu’il « revient aux États membres de réglementer les conditions de prestation des services d’intermédiation tels que celui en cause au principal dans le respect des règles générales du traité FUE. » L’augmentation des coûts risquent également d’affecter la politique tarifaire agressive d’Uber, un élément clé de sa stratégie d’affaires. De surcroît, les autres applications offrant des services semblables s’en trouveront affectées. Par ailleurs, cette décision est perçue positivement par plusieurs gouvernements. Taxi Elite, quant à elle, espère qu’elle soit « étendue à d’autres entreprises qui continuent d’essayer d’éviter les responsabilités légales dans les services qu’ils fournissent. »

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