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Les Love dolls : Quel bordel dans ce bordel !

23 novembre 2018
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Blade Runner en faisait une fiction mais aujourd’hui, l’œuvre d’anticipation n’est plus car la société canadienne « Kinky S dolls », spécialisée dans la vente de robots sexuels a entrepris l’ouverture d’une boutique à Houston (Texas). Outre la possibilité d’acquérir une de ces poupées du plaisir, les clients pourront également « tester la marchandise » (« try it before you buy it ») dans l’intimité d’une chambre feutrée pour la modique somme de 120$ l’heure.

Cependant, l’entreprise se heurte à une forte contestation de la part des habitants ainsi que des institutions gouvernementales aux mœurs profondément conservatrice.

Même si les travaux de cet autoproclamé « love doll brothel » sont au point mort en raison d’irrégularité purement administrative, les citoyens ainsi que le maire de la ville s’insurgent contre ce projet qu’ils jugent dangereux, soulevant alors la question suivante : Comment empêcher un tel projet de voir le jour alors que le droit texans ne semble pouvoir s’y opposer ?

L’avocate américaine Annie McAdams affirme que l’état actuel du droit ne peut empêcher un tel commerce d’ouvrir car :

Any of the laws that currently apply to what we call sexually oriented businesses don’t really apply to robots. They apply to human beings”.

En effet, selon le § 43.02 – 43.06 du Code pénal du Texas, les lois relatives à la prostitution s’appliquent uniquement aux êtres humains (« a person »); il n’a jamais été question d’en douter.

Il semblerait donc que les portes de la ville ne peuvent se fermer à une telle entreprise qui ne fait que proposer les services de poupées siliconées le temps de quelques heures.

L’ordonnance No. 97-75 en date de Janvier 1999 relative à la règlementation des activités et ventes de biens et services à caractère sexuelle, dans sa section 28-81, ne les fait également pas entrer dans la définition d’un « arcade device » et subséquemment, écarte ce type de commercialisation de son champ d’application matériel.

En parallèle, les règles relatives au zonage permettant de diviser le territoire afin de pouvoir en contrôler l’usage n’existe pas, ou tout du moins très peu dans la ville de Houston. Ainsi, cela facilite l’installation de telle entreprise qui n’ont pas l’obligation de se conformer à certaines exigences administratives visant à garantir la sécurité et le bien-être général.

Le maire de la ville n’est pourtant pas prêt à mettre en œuvre une politique plus restrictive :

« We are very reluctant to place restrictions on how people use their property. And that’s been something that we’ve carried with a great deal of pride and certain people (Kinky S Dolls) will try to take advantage of that”

Malgré tout, la question ne fut pas laissée en suspens bien longtemps car le City Council de Houston a amendé cette ordonnance qui a pris effet le 8 Novembre de cette année en complétant la définition d’un « Arcade device »:

« Arcade device shall also mean an anthropomorphic device or object that is utilized for entertainment with one or more persons » .

Conséquemment, elle peut désormais s’appliquer en interdisant à l’entreprise de faire tester les poupées à ses clients avant l’achat sans pour autant en prohiber la vente.

Cependant, un problème de taille se pose : quelle est la définition d’un « anthropomorphic device » ? quelles en sont les limites ? quelles types d’objets prend-elle en compte ? Un flou juridique reste donc à éclaircir.

Un autre problème se pose également ; selon Greg Travis (Councilman), le but de cette régulation n’est pas d’accoler un jugement morale à une pratique sexuelle strictement personnelle à partir du moment où celle-ci est pratiquée dans l’intimité de son propre domicile :

« we’re not getting into your bedroom, but don’t bring it into our district. Don’t bring it into our city. This is not a good business for our city. We are not Sin City ».

Pourtant, au vu de ces propos et de la rapidité avec laquelle cette amendement est entrée en vigueur, la morale semble belle et bien se confondre avec le droit.

En effet, cette modification semble avoir été votée dans l’urgence et avec seul et unique but d’empêcher à la société d’ouvrir ses portes.

En fondant juridiquement cette interdiction postérieurement au fait, le législateur donne à cet amendement une dimension individuelle et particulariste qui ne cherche pas à protéger rétroactivement l’intérêt et le bien-être collectif de sa population mais défend, en réalité, la justice du cas par cas.

Pourtant, un certain nombres d’arguments liés à des problématiques de santé publique auraient pu être avancées dont notamment le risque de propagation de maladies sexuellement transmissibles de part l’utilisation répété d’une même poupées par plusieurs usagers .

Ainsi, après une première tentative de réglementation et interdiction de la vente et de l’usage de jouets pour adulte, jugée inconstitutionnelle par la Cour fédérale américaine en 2008, le Texas s’attaque désormais au marché de la poupées sexuelles.

Le sexe fait tourner le monde et tout particulièrement les villes les plus pieuses et puritaines. L’être humain est décidément pleins de contradictions.

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