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Droit voisin en France: La Cour d’appel de Paris confirme une négociation de rémunération entre Google et les éditeurs de presse

12 octobre 2020
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Alors que la reforme européenne du droit d’auteur de 2019 envisageait la création de droits voisins au profit des éditeurs et agences de presse, le 25 septembre de la même année Google annonçait que :

“Lorsque la Loi française entrera en vigueur, nous n’afficherons plus d’aperçu du contenu en France pour les éditeurs de presse européens, sauf si l’éditeur a fait des démarches pour nous indiquer que c’est son souhait. Ce sera le cas pour les résultats des recherches effectuées à partir de tous les services de Google”

Pour le géant du web il était hors de question de rémunérer les agents et les éditeurs de presse pour l’utilisation d’extraits de leurs contenus. Ainsi, à défaut de verser un montant compensatoire à ceux-ci, il opterait préalablement pour leur accord. Ce qui n’enchantait pas tellement le gouvernement français.

Selon les faits, au regard de la préférence de Google d’obtenir l’accord des éditeurs et agences de presses en lieu et place de leur verser une quelconque rémunération, le SEPM, l’Alliance de la presse d’information générale (APIG) et l’AFP déposaient auprès de l’Autorité de la concurrence une plainte pour abus de position dominante contre Google, refusant de se soumettre à la nouvelle Loi. La saisine des plaignants reposait essentiellement sur les modifications brutales et unilatérales que Google avait apportées à sa politique d’affichage contraignant ainsi les éditeurs à se soumettre sans dire mot pendant que leur contenu serait repris sans aucune rémunération. Ce faisant, Google aurait ainsi dire contourné la loi de 2019 en leurs imposant des conditions de transactions inéquitables et aurait de ce fait abusé de leur dépendance économique à son égard.

C’était le temps pour l’Autorité de la concurrence de venir confirmer les faits dénoncés par les plaignants, et ce, par le truchement de sa décision no 20-MC-01 du 09 avril 2020. Il en ressortait notamment plusieurs mesures conservatoires, qui devaient prendre effet à compter du 24 octobre 2019 jusqu’à la publication de la décision de l’Autorité du fond.

Google contestait fermement les allégations de l’Autorité de la concurrence, fondées sur les conditions inéquitables, discriminatoires imposées par lui aux éditeurs et agences de presse et sur le détournement de la Loi.

Ce 08 octobre 2020, la Cour d’Appel de Paris allant dans le même sens que l’Autorité de la concurrence vient de confirmer les mesures d’urgence qui avaient été prononcées par celle-ci. Ainsi le géant devra négocier avec les éditeurs et agences de presse la rémunération de ceux-ci pour la reprise de leurs contenus protégés.

La Cour affirme que

“La Loi de 2019 confère aux éditeurs et agences de presse des droits voisins du droit d’auteur. Ces droits patrimoniaux sur le fondement desquels leur autorisation est requise avant toute reproduction où communication au public totale ou partielle de leurs publications sous une forme numérique par un service de communication au public en ligne, peuvent être cédés ou faire l’objet d’une licence, la rémunération due au titre de ces droits étant assise sur les recettes d’exploitation de toute nature directs ou indirects, ou à défaut évalué forfaitairement, dans les conditions prévues par l’article L.218- 4 du code de la propriété intellectuelle.”

De façon plus claire, les droits voisins des éditeurs et agences de presse exigent que le titulaire desdits droits puisse être en mesure de demander une rémunération au titre de la reproduction de ses contenus protégés. Ce qui implique une négociation préalable entre les parties et ce en application de l’article L.218-4 du code de la propriété intellectuelle.

Ainsi,

“Google ne peut justifier sa position unilatérale et systématique à l’égard de tous les éditeurs et pour l’ensemble de contenus repris par son moteur de recherche, par le fait que ses modalités d’affichage sous la forme de très courts extraits échapperaient par principe, au champ d’application de la loi de 2019.”

Et

“Compte tenu de l’agrégation et de l’utilisation massive de publications de presse par les prestataires de services de la société de l’information, il importe que l’exclusion des très courts extraits soit interprétée de manière à ne pas affecter l’efficacité des droits prévue.”

Alors Google ne saurait prétendre ne pas être visé par toute négociation quand on sait que le litige portait en réalité sur la reprise de contenus intégraux d’articles de presse.

Rappelons que l’adoption de la directive no2019/790 du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique, en son article 15  qui emporte création de droits voisins au profit des éditeurs et agences de presse, avait pour but de permettre à ceux-ci, de toucher une rémunération au regard de leurs contenus qui seront repris sur les plateformes en ligne et autres agrégateurs dans l’optique de compenser l’effondrement de leurs gains émanant des publicités traditionnelles.

 Jusque là, la France est le premier pays de l’Union européenne à avoir adopté la législation européenne sur les droits voisins.

Qu’est-ce qu’il en est du Canada ?

Face à la crise médiatique qui s’est surtout reflétée pendant la COVID-19, plusieurs dirigeants de presse exhortaient le gouvernement canadien à taxer les géants du web à l’instar de la France.

Le Canada envisagerait une législation sur les droits voisins, plus enclin aux réalités tel que l’affirmait le ministre du Patrimoine canadien Steven Guilbeault dans un courriel envoyé à la Presse.

“ Nous nous sommes engagés à moderniser la Loi sur la radiodiffusion, pour nous assurer d’un environnement équitable dans lequel autant les joueurs étrangers – dont les géants du web – que nationaux qui bénéficient du secteur culturel canadien contribuent à la création du contenu local, l’offrent sur leurs plateformes et en font la promotion”

En vérité la question de la modernisation de la Loi sur la radiodiffusion est sur les tables depuis un bon moment. En mars 2017 le gouvernement avait déjà annoncé sa volonté de procéder à un réexamen de ladite Loi.

Puis c’était autour du Comité permanent de l’industrie, des sciences et de la technologie d’affirmer dans son rapport sur la Loi du droit d’auteur datant de juin 2019 que :

“Le Comité permanent du patrimoine canadien de la Chambre des communes, en s’appuyant sur les travaux antérieurs sur le paysage médiatique canadien, envisage de mener une étude afin d’examiner le rémunération des journalistes, les recettes des éditeurs de nouvelles, les licences octroyées aux fournisseurs de services en ligne et le violations du droit d’auteur commises sur leurs plateformes, l’offre et l’utilisation de services en ligne ainsi que l’innovation et la concurrence des marchés en ligne.”

Encore que depuis janvier 2020, le gouvernement canadien détient en sa possession le rapport final du comité portant examen de la législation en matière de radiodiffusion et télécommunication.

Une volonté notoire a vouloir palier aux éventualités récurrentes de la crise médiatique est à féliciter et les éditeurs de presse restent confiant face la promesse du ministre du Patrimoine de mettre en place un projet de Loi d’ici la fin de l’année.

Mais en attendant les éditeurs et agences de presse au Canada n’auront d’autres choix que de continuer à voir leurs contenus repris par le GAFAM sans aucun retour rémunératoire.

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