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L’exigence de l’écriture manuelle d’un testament olographe : encore justifiée au XXIème siècle ?

Pascal Marchi est étudiant dans le cadre du cours DRT6903.
12 octobre 2012
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Le 7 septembre dernier, la Cour supérieure du Québec rendait une décision concernant la validité d’un testament olographe rédigé à l’ordinateur, décision signalée par Me Karim Renno, du blogue juridique À bon droit. Essentiellement, la Cour décide que le testament olographe doit absolument, sous peine de nullité, être rédigé à la main, excluant toute utilisation d’un moyen technologique. Même si le sujet se démarque des thèmes traditionnels liés au commerce électronique, il nous semble que la justification d’une telle restriction à l’évolution technologique peut faire l’objet d’une analyse sur la base du principe de l’équivalence fonctionnelle. En 2012, cette règle de droit a-t-elle encore sa raison d’être ou doit-elle être rangée parmi les curiosités historiques de notre droit civil ?

La décision de la Cour s’appuie principalement sur l’article 726 du Code civil du Québec :

726. Le testament olographe doit être entièrement écrit par le testateur et signé par lui, autrement que par un moyen technique.

Il n’est assujetti à aucune autre forme.

Suivant l’article 713 C.c.Q., le testament qui ne respecte pas les exigences de forme imposées par la loi est nul de nullité absolue. Dans l’affaire sous étude, le patron du défunt aurait retrouvé dans le bureau de ce dernier une enveloppe cachetée contenant un document rédigé à l’ordinateur et signé de la main du défunt. Selon ce document, le défunt lègue tous ses biens personnels à sa nouvelle conjointe qui, bien évidemment, tente maintenant d’en faire reconnaître la validité comme testament olographe.

Nous ne remettrons pas en question, ici, la justesse de la décision à l’égard du droit en vigueur. En effet, l’article 726 C.c.Q. exige bel et bien la forme de l’écrit à la main, d’autant plus que le législateur prévoit expressément, pour un autre type de testament, la possibilité d’utiliser un moyen technique (le testament devant témoins, selon l’article 728 C.c.Q.). Toutefois, il est possible de se demander si une telle restriction est toujours justifiée. Suivant le principe de l’équivalence fonctionnelle, quelles sont les fonctions que le Code civil attribue à l’écrit manuel dans cette situation et ces fonctions pourraient-elles tout aussi bien être remplies par un écrit réalisé à l’aide d’un moyen technique, par exemple l’ordinateur ?

Afin d’expliquer l’exigence de l’écrit manuel, la juge Laberge se réfère aux Commentaires du ministre de la Justice sur l’article 726 C.c.Q. :

L’ajout de la précision selon laquelle le testament écrit par un moyen technique, avec une machine à écrire par exemple, ne peut valoir comme testament olographe vise à écarter une décision jurisprudentielle qui a affirmé la validité, comme testament olographe, d’un testament dactylographié par la main du testateur. Des raisons de sécurité juridique ont motivé cette position étant donné qu’il est pratiquement impossible de s’assurer que l’écrit dactylographié est effectivement celui du testateur.

Il semble donc que la préoccupation du législateur soit d’assurer l’authenticité du document (précisons : l’authenticité de l’ensemble du document, et non seulement de sa signature). Cette préoccupation est d’autant plus justifiée que les testateurs défunts sont habituellement difficiles à faire témoigner pour attester de l’authenticité du document.

Derrière l’exigence que le testateur ait rédigé lui-même le document se profile la préoccupation d’éviter la fraude (cette situation où un individu mal intentionné tendrait au mourant un document pré-rédigé à signer en guise de testament). On désire s’assurer que le testateur ait eu pleinement conscience du contenu et de l’importance de cet écrit et, à ce titre, il n’existe probablement aucun moyen plus efficace que d’exiger qu’il l’ait lui-même rédigé. Il s’agirait donc à la fois d’une exigence d’authenticité, mais aussi du désir de revêtir cet acte d’une certaine forme solennelle pour en souligner l’importance.

À cet égard, il nous semble que la règle de l’article 726 C.c.Q., toute archaïque qu’elle puisse paraître, est pour l’instant justifiée dans le cadre de notre droit des successions. Nous précisons « pour l’instant », d’une part, parce que cette règle s’inscrit dans un contexte temporel, technologique et générationnel particulier qui la destine à l’obsolescence à moyen terme. En effet, cette règle est justifiée dans la mesure où l’on considère l’écrit manuel comme un moyen fiable de rattacher le texte à une personne. Si cette hypothèse était certainement valable à une époque où l’on rédigeait couramment à la main, elle doit être remise en question à l’ère de l’informatisation généralisée (pour vous en convaincre, essayez de vous rappeler la dernière fois où vous avez rédigé un texte à la main). Il nous semble que le rattachement de l’écriture manuscrite à une personne physique est appelé à être une entreprise de plus en plus ardue.

Comment remplacer ce moyen d’assurer l’authenticité dans un contexte technologique ? Pour l’instant, il est difficile d’identifier un moyen précis d’obtenir le même résultat, puisque l’identification de l’auteur d’un document informatique renvoie la plupart du temps à un appareil ou encore à un profil d’utilisateur sur un appareil ou un réseau. Toutefois, il semblerait que des technologies soient en développement afin d’utiliser la reconnaissance biométrique pour relier l’écrit technologique à la personne. Pourrait-on imaginer que le testateur dépose sur un ordinateur un fichier contenant ses dispositions testamentaires accompagnées de données biométriques suffisantes pour le rattacher à sa personne ? À suivre…

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